Zinzendorf: une Parole chaque jour nouvelle
Tout commence par un geste d’accueil… En 1722, quelques réfugiés de Moravie (actuelle Tchéquie), persécutés dans leur patrie par l’Eglise catholique, demandent asile au comte von Zinzendorf sur ses terres en Saxe (Allemagne orientale). Le noble luthérien, théologien autodidacte, permet à ces frères moraves, passés à la Réforme au XVIe siècle, de s’installer sur la colline du Hutberg. Cinq ans plus tard, la nouvelle colonie compte plus de 200 habitants. C’est la naissance de la communauté des frères de Herrnhut, dont le nom veut indiquer littéralement qu’elle est placée sous la «garde du Seigneur».
Village chrétien
Nikolaus Ludwig von Zinzendorf organise cette communauté en véritable «village chrétien». De nouvelles modalités pour la vie en Eglise sont tentées: des cercles de maison se mettent en place, au sein desquels des échanges spirituels réguliers sont pratiqués; les participants accomplissent des exercices de piété différents selon leur avancement spirituel. De plus, ils savent se montrer persévérants: l’habitude s’installe, en certaines circonstances, de s’astreindre à des veillées de prière de vingt-quatre heures.
La piété morave – inspirée par le réveil piétiste insufflé par Zinzendorf – a un caractère joyeux, romantique et sentimental: c’est une «religion du cœur» centrée sur le sacrifice expiatoire du Christ. Elle comporte un culte pour le sang et les blessures du Sauveur que l’on trouverait sans doute morbide aujourd’hui… Mais elle est très marquée aussi par le «renouveau dans l’Esprit». Cette spiritualité produira une réalisation jusqu’alors inédite dans le protestantisme: une communauté de familles, ouverte à toutes les confessions et fortement missionnaire.
Verset biblique tiré au sort
La communauté de Herrnhut, sous la houlette du comte von Zinzendorf, vit selon l’esprit de l’Eglise néotestamentaire: ses membres se rassemblent pour la prière quotidienne et partagent le travail et l’entraide. Et l’Ecriture forge la vie quotidienne: un «mot d’ordre» du jour, un verset tiré au sort dans la Bible, est destiné à «créer» la journée. Il est transmis chaque matin de maison en maison. Depuis 1731, ces Losungen paraissent en volume pour toute l’année: ces versets bibliques choisis pour chaque jour continuent d’ailleurs aujourd’hui d’irriguer de leur spiritualité la vie de nombreux chrétiens protestants. Ils sont publiés en 46 langues. L’édition française (aux soins de l’éditeur Friedrich Reinhardt, à Bâle) paraît sous le titre Paroles et textes pour chaque jour.
L’élan missionnaire des frères moraves leur permet rapidement d’essaimer. Zinzendorf lui-même voyagera beaucoup pour faire connaître aux autres chrétiens le renouveau dans l’Esprit dont la communauté de Herrnhut fait l’expérience. Aujourd’hui, cette Eglise (sous le nom d’Unitas Fratrum, «Unité des frères») compte plus d’un million de membres répartis dans 30 pays.
Du Groenland en Afrique du Sud
En 1731, Zinzendorf fait arriver à Herrnhut un esclave antillais. Ses récits des îles Saint-Thomas motivent la communauté à se lancer dans le travail missionnaire. Les frères moraves se rendent alors dans cet archipel des Caraïbes, prêts à devenir eux-mêmes des esclaves. Puis le travail missionnaire s’étend: au Groenland et en Laponie, en Géorgie et Pennsylvanie (Amérique du Nord), parmi les Khoï-khoï d’Afrique du Sud, aux Indes, à Ceylan, en Malaisie ou en Egypte. En trente ans, la communauté de Herrnhut envoie plus de 200 missionnaires dans le monde.