Anne Morel, une place pour les jeunes
Elle a 29 ans, et une histoire en partie difficile avec les Eglises. Mais elle y est malgré tout engagée très intensément. Anne Morel a quitté sa communauté évangélique le jour où son frère y a fait son coming out. «Le conseil de paroisse lui a sorti des horreurs. J’ai compris que l’homophobie était structurelle et non limitée à de seuls individus. C’était impossible pour moi de remettre les pieds dans une Eglise où mon frère était exclu.» La rupture est violente. «Pendant un temps, je n’ai plus voulu me dire chrétienne, mais simplement croyante. Ma relation à Dieu, elle, n’a pas changé.» Elle vit alors sans communauté.
Pourtant, la vie de paroisse avait joué un grand rôle dans sa jeunesse. «Mon père vient d’une famille protestante, ma mère catholique. Ils se sont rencontrés à l’Armée du Salut, et ont fréquenté les postes de Genève et de Neuchâtel. Puis nous avons rejoint une communauté protestante, pour finalement aller occasionnellement à l’Eglise. Mes parents ont divorcé quand j’étais jeune, après que ma mère a rencontré une femme. A Genève, où j’ai ensuite vécu avec mon père et mon frère, nous sommes retournés à l’Armée du Salut, puis dans une Eglise évangélique.»
Un parcours nourri des nombreuses nuances du protestantisme romand, qu’Anne Morel a failli jeter tout entier aux oubliettes. C’était compter sans le LAB, espace inclusif de l’Eglise réformée de Genève, qui a tout changé pour elle. «J’y ai découvert une cohérence entre les paroles bibliques d’amour infini de Dieu et les actes de l’Eglise dans sa manière d’accueillir et de célébrer. Cette approche dérange une partie des membres de l’Eglise, mais le prix à payer si on ne change pas notre institution aujourd’hui est beaucoup plus lourd.»
Elle choisit donc de rester et d’agir. «Je me suis dit : comment faire vivre cette Eglise, et m’y impliquer pour la transformer?» Entre 2020 et 2021, la jeune femme participe à des marches et à une rencontre à Vaumarcus (NE), en vue de construire un événement de jeunesse protestant. Contre toute attente, alors qu’elle ne se définit pas comme une grande «férue de festivals», Anne Morel croche. «Le samedi matin, on est parti de rien, et le dimanche soir, on avait un nom, une vision, des groupes de travail et une énergie incroyable. Quand il a fallu décider de s’impliquer un peu plus, j’ai choisi de rejoindre le recrutement et la coordination.» Au fil des mois, elle s’impose comme l’interlocutrice centrale de Battement réformé, ou BREF, tel que l’événement est nommé (voir encadré).
Modeste, Anne Morel ne mentionne pas ses capacités de travail, son organisation, ni sa disponibilité. Elle reconnaît par contre qu'elle a «sans doute la vision la plus élargie de l’événement». «C’est important pour moi d’associer le plus de monde possible, d’être collégiale: nos groupes de travail mêlent des jeunes et des ministres, et personne ne prend de décisions seul. C’est toujours collectif.»
Anne Morel est par ailleurs une scientifique née. Ses deux parents étaient médecins et elle a aussi bien rêvé d’être ingénieure en physique qu’historienne ou vétérinaire. Aujourd’hui diplômée en biologie, elle travaille à l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires, à Berne, pour faire respecter la convention CITES sur le commerce des plantes et animaux protégés. Elle a mis son esprit méthodique au service de BREF en discutant avec son équipe, des amis, et en assistant à des rassemblements de référence. «Aux Journées mondiales de la jeunesse, j’ai apprécié l’excellente communication aux bénévoles qui permet de les inclure pleinement dans l’événement. A la rencontre de jeunesse au Landeron, quand j’étais ado, j’avais adoré l’ambiance festive et tous les stands.»
L’objectif de BREF est de «montrer aux participantes et participants la diversité protestante dans la manière d’exprimer sa foi, de s’inspirer et d’inspirer ensuite sa communauté». Anne Morel espère témoigner d’autres façons d’accueillir et de partager en Eglise. «Je ne dis pas que toutes les Eglises devraient avoir des canapés, mais ce genre de détails changent totalement la manière dont on est reçu. Quelle communauté veut-on? Quel sens a l’Eglise pour la jeunesse d’aujourd’hui? Je ne sais pas pourquoi les jeunes ne vont plus aux cultes: la réponse est multifactorielle. Mais je sais qu’ils sont l’avenir de nos Eglises. Veut-on qu’ils restent? Et, si oui, comment leur donner un exemple inspirant et porteur?»
Bio express
1993 Naissance à Genève.
2014 Quitte sa communauté évangélique.
2017 Découvre le LAB.
2021 Diplôme de master en biologie.
2022 Coordinatrice de Battement réformé (BREF), festival des Eglises protestantes romandes dédié aux 15-25 ans, les 5 et 6 novembre à Neuchâtel: concerts, louanges, ateliers, food trucks, cultes, escape church…
Infos sur battement.ch.