Oser croire à un avenir! Ce titre du dernier essai de Marie- Josèphe Glardon résume ce qui pourrait animer notre société. En effet, difficile de se projeter en pleine crise de la Covid-19, en proie aux incertitudes climatiques et économiques. «Je suis convaincue que le monde ne sera plus jamais comme avant. Nous sommes actuellement dans une phase de réflexion sur nous-mêmes, ou, pour reprendre un terme de Saint Bernard et des bénédictins: en rumination. C’est le moment de ruminer sur ce qui pourrait changer, sur ce qui a déjà changé, sur ce qui est vital et sur ce que l’on pourrait laisser tomber», précise la pasteure. De cette «cassure» pourrait naître un espoir initiateur d’un avenir meilleur pour l’ensemble de l’humanité: «Cela serait une chance, si nous arrivons à la saisir. Il nous faudra toutefois nous préparer à la gestion des conflits qui découleront de la crise du coronavirus et travailler notre vivre-ensemble de manière sereine.» Cette espérance, elle la voit portée par toute personne, institution ou tout mouvement qui oeuvre pour le bien commun: «Il faut dépasser les anciens clivages, sortir des tranchées et s’ouvrir à la beauté de la diversité et à la force de l’altérité.»

Dans ce contexte, la pasteure estime que toutes les religions et les philosophies mondiales ont un rôle capital à jouer, à condition qu’elles parviennent à se rejoindre sur des messages communs et à se mettre en lien avec d’autres mouvements. «Un souffle neuf arrive. Il s’exprime dans toutes les générations, indépendamment de leurs pays et de leurs appartenances religieuses ou politiques. Dans la Bible, on parle souvent de la ruah, du Souffle ou de l’Esprit de Dieu, il va où il veut et ne se laisse pas enfermer. C’est lui qui génère la vie et permet d’avancer», ajoute-t-elle. Pour Marie-Josèphe Glardon, ce vent de renouvellement pourrait amener les prémices d’une «spiritualité» mondiale qui relierait l’humanité dans son ensemble. «Personnellement, je trouve que le mot ‹spiritualité› mériterait d’être rebaptisé. Il est trop connoté et sujet à des interprétations parfois très différentes. Je préférerais parler de bonne volonté, de compassion ou de générosité.» La théologienne est convaincue que le christianisme peut devenir un moteur inestimable dans cette évolution: «La Bible recèle des trésors de sagesse dans son message, il serait important de les réactualiser pour les communiquer au monde. Dernièrement, j’ai particulièrement aimé l’homélie de Pâques du pape François, qui se voulait un message pour le monde, tourné vers un renouveau dont il ne faudrait pas avoir peur.»

Proche de penseurs catholiques aussi bien que de protestants ou d’athées, la pasteure espère un regain de partages oecuméniques constructifs qui favorisent les visions communes plus que les différences. «Il faut absolument que l’on dialogue plus, à commencer par notre religion judéo-chrétienne, pour ensuite se tourner vers les autres religions telles que l’islam, l’hindouisme ou le bouddhisme. Il faut que l’on se lance dans une grande ‹thérapie familiale› afin de dépasser les blocages, de reconnaître nos erreurs pour aller enfin vers une vraie réconciliation.» Elle attend des instances telles que le Conseil oecuménique des Eglises (COE) qu’elles donnent des impulsions fortes et soutiennent des initiatives favorisant un avenir commun de l’humanité. 

Militante d’un nouveau paradigme de société, membre des Aînées pour le climat, la pasteure est convaincue que les questions écologiques actuelles peuvent rassembler autour d’une vision commune, développer un autre art de vivre, une nouvelle forme de spiritualité, dépassant le concept que l’on a pu en avoir. «Les Eglises n’ont pas de monopole de la spiritualité. De nombreux jeunes à travers le monde aspirent à un idéal qui fasse sens. Ils comprennent l’urgence de changer de direction», complète la pasteure. Pour elle, ce n’est même pas une question de choix, c’est une nécessité: «Le sous-titre de mon dernier ouvrage est devenu Plaidoyer pour une spiritualité mondialisée, alors que j’aurais voulu que cela soit L’échec ou la Vie, mais mon éditeur a jugé cela un peu radical. Car c’est bien là ce qui se joue: soit nous arrivons à trouver une nouvelle manière de faire humanité, soit nous allons dans le mur. Il est temps de trouver une espérance commune pour le monde, quelque chose qui pourrait amener à un christianisme qui n’a pas encore été vraiment essayé, comme le disait l’humaniste Théodore Monod.»