Christophe Kocher: Un pasteur francophone tout-terrain à Zurich
Strasbourg, mardi 28 avril. Christophe Kocher embarque un matelas, des ustensiles de cuisine, quelques vêtements et tout ce qui pourra lui être utile pour démarrer sa vie dans son nouveau logement à Zurich. La voiture déborde. «En France, les déménageurs ne peuvent actuellement pas travailler à cause des mesures liées au coronavirus», explique le pasteur. Le reste arrivera certainement aussi vite que possible, mais aussi lentement que nécessaire, selon l’adage désormais célèbre. «D’ici là il faudra faire un peu de camping», ajoute Christophe Kocher qui ne semble pas se formaliser de la situation.
Accueil à distance
Sa première prédication, il l’a faite sur internet: «C’est un peu particulier de ne pas pouvoir rencontrer ses paroissiens en arrivant», souligne le pasteur. Christophe Kocher ne compte toutefois pas rester dans sa bulle: «La période offre une belle opportunité de pouvoir prendre des contacts avec tous les acteurs de la paroisse et de discuter de ce qui se fait ou pourrait se faire. C’est quelque part un souffle qui permet de me poser.» D’ici quelques jours, il va lancer une forme d’audit avec questionnaire pour relever les points positifs et négatifs des différentes activités et évaluer les possibilités d’évolution. Il fera ensuite des propositions concrètes d’ici juin. Une démarche quelque peu managériale qu’il a acquise dans sa formation MBA (Master in Business Administration) à Montpellier et qu’il a pu mettre à l’épreuve au sein de ses différents engagements en Église. Il a notamment mis en place le service communication de l’EERV, l’Église réformée vaudoise. Dans son ministère à la paroisse Saint-Guillaume de Strasbourg, il a dû gérer la paroisse comme un véritable chef d’entreprise: «En Alsace, dans l’Église luthérienne, le pasteur est responsable de tout, y compris de la gestion du parc immobilier.»
Lors de ses années alsaciennes, le nombre d’appartements qu’il devait gérer est passé d’une trentaine à plus de soixante. La gestion de l’église en tant que bâtiment, monument historique d’envergure, et de ses activités culturelles foisonnantes l’ont également bien occupé.
Retour aux sources
Aujourd’hui, Christophe Kocher envisage son nouveau poste à Zurich avec sérénité: «C’est plutôt libérateur de savoir que vous avez un conseil de paroisse qui s’occupe de certains dossiers. Je pense que le fait que le pasteur soit juste invité au conseil et n’en soit pas membre lui permet de se consacrer pleinement au cœur de son métier.» C’est donc avec une certaine joie qu’il va lâcher son rôle de pasteur-manager pour retrouver une situation pastorale bien plus tournée vers la communauté, la théologie et l’engagement envers la société. Désormais le seul pasteur de l’Église française de Zurich, il va se consacrer à ses quelque 600 paroissiens. Il sera rejoint par un diacre qui arrivera en renfort d’ici quelques mois. Il envisage déjà des collaborations avec d’autres acteurs ecclésiaux. L’ouverture semble donc être le maître mot du pasteur qui n’envisage pas de travailler seul dans son coin: «Je suis quelqu’un qui sait fédérer autour de projets communs. Je pense que plus on va vers les autres, plus on s’enrichit.»
Militant LGBTIQ+
Cette démarche, il l’a déjà pratiquée lors de son ministère à Strasbourg. Grâce à lui, la vie d’Église a retrouvé une nouvelle dynamique. L’ouverture prônée à tous les niveaux a même rendu Saint-Guillaume célèbre dans les médias. C’est en effet la première paroisse à s’être engagée pour défendre les droits de la communauté LGBTIQ+ (voir encadré). Christophe Kocher s’est notamment fortement mobilisé publiquement en faveur de la bénédiction des couples mariés de même sexe: «J’ai heureusement pu compter sur le soutien de mon conseil de paroisse qui était presque plus frondeur que moi.» Certes, il a essuyé des critiques et des menaces, mais il a persévéré sur sa voie, sans compromis: «La foi chrétienne nous appelle à vivre en vérité. Faire preuve de trop de diplomatie nous en éloigne et peut même faire que notre message devienne un faux témoignage. C’est parfois très inconfortable, mais cela porte ses fruits», analyse le pasteur. Il est toutefois convaincu qu’il reste du chemin à faire par rapport à la question: «Les clichés ont la vie dure. Je suis toujours surpris des réactions des journalistes, parfois très distancés des Églises, qui semblent trouver extraordinaire que l’on prône un tel accueil. Preuve qu’il reste encore beaucoup de travail pour exorciser l’imaginaire.»
Bio express
Christophe Kocher, 46 ans, père de trois enfants. Né en France dans le Bas-Rhin, il effectue ses études de théologie à Genève puis complète sa formation par un Master in Business Administration à Montpellier. Il devient ensuite pasteur à la collégiale de Neuchâtel, puis dirige le service de communication de l’EERV avant d’exercer un ministère à la paroisse Saint-Guillaume de Strasbourg. Il est le nouveau pasteur de l’Église réformée française de Zurich depuis le 1er mai de cette année.
Antenne inclusive de Strasbourg
En 2017, sous l’impulsion de Christophe Kocher et de sa collaboratrice Joan Charras-Sancho, docteure en théologie, la paroisse de Saint-Guillaume a initié une Antenne inclusive qui est désormais identifiée comme un lieu safe et gay friendly. Elle offre une ouverture envers toutes les personnes LGBTIQ+, homosexuelles, transgenres ou intersexes. Faisant partie intégrante de la paroisse via une commission, elle travaille en liens étroits avec d’autres associations strasbourgeoises et est ouverte à toute sollicitation de personnes ayant besoin d’un accompagnement spirituel.