Rencontre: Jérôme Cottin
Quelles figures «idéales-typiques» de pasteur·e·s émergent en temps de crise?
L’accompagnant spirituel: beaucoup de questions se posent sur le sens de ce qu’on vit. Il faut accompagner cette épreuve, l’inattendu. Et combattre le catastrophisme. Le message chrétien, c’est d’abord l’espérance, essentielle au moment où tout le monde est déstabilisé. Les pasteur·e·s ont trouvé beaucoup de moyens innovants pour diffuser la parole.
La fonction sociale, ensuite. Le confinement a permis de montrer que tout le monde est touché par la solitude, pas seulement les personnes âgées. Dans les paroisses se sont créées des chaînes de solidarité, de prières, de contacts téléphoniques… elles sont des lieux de rassemblement et d’espérance.
La formation des pasteur·e·s est-elle adaptée à ce défi?
Il y a un débat. La formation traditionnelle est d’abord universitaire, les facultés de théologie forment des théologiens, dont certains deviennent pasteur·e·s. Je défends ce point de vue. On équipe intellectuellement des personnes capables de prendre des positions éthiques, spirituelles, équilibrées et critiques pour combattre les excès, les fondamentalismes, le repli sur soi. D’autres la trouvent trop théorique, estiment qu’elle devrait être plus axée sur les moyens de communication, le social, la gestion des conflits… Rappelons que la formation de pasteur·e·s est suivie de trois ans de pratique. Et que leur formation continue est solide.
La pandémie a facilité «la pluralité des ministères» que vous défendez…
Oui. Les pasteur·e·s. devraient se concentrer sur le cœur de leur formation et vocation: le spirituel. Le numérique, la communication, le reste seraient confiés à des membres de la communauté. Cette pluralité des ministères est la vocation initiale du protestantisme. Le réformateur strasbourgeois Martin Bucer (1491-1551) le souligne, davantage que Luther ou Calvin. Dans la Bible d’ailleurs, le seul pasteur, c’est le Christ. Et certaines Églises ont moins d’argent pour payer leurs ministres. Elles réfléchissent à exister sans pasteur·e·s, avec des communautés avec laïcs…
A quelles conditions le métier de pasteur·e·s peut-il perdurer?
Garder son côté atypique: c’est un métier qui travaille sur le sens, qui ne nécessite pas de faire de bénéfices, ce qui est rare. Mais à condition qu’il continue à se moderniser, à ne pas rester figé. Donc que les paroisses acceptent aussi que l’image et la pratique du métier évoluent. Le pasteur n’est pas un simple distributeur de sacrements, ne peut pas être présent partout ni être concierge de sa cure.
En savoir plus
Jérôme Cottin a publié Les Pasteurs. Origines, intimité, perspectives chez Labor et Fides, en 2020. Cet ouvrage théologique s’appuie sur 35 témoignages de pasteur·e·s, correspondant à une cinquantaine d’expériences pastorales en Suisse romande, en France, y compris en Alsace — où s’exerce un régime différent pour le pastorat —, en Belgique, et dans l’Eglise vaudoise italienne.