Genève connaît sa loi sur la laïcité
«Ceci ne va pas du tout, c’est une disposition liberticide», s’exclame le député Pierre Vanek (Ensemble à Gauche) quand la question de l’interdiction des activités cultuelles dans l’espace public est abordée lors de la deuxième lecture du projet de loi cantonale sur la laïcité par le Grand Conseil genevois, jeudi 26 avril. «Ce sont des manifestations de liberté d’opinion. Elles doivent être traitées à la même aune que la liberté politique, les manifestations syndicales ou les revendications citoyennes», a précisé le député, rappelant également que le droit d’exprimer publiquement ses convictions figure dans la Déclaration des droits de l’homme.
«Remettons l’Église au milieu du village. Nous ne sommes pas ici pour interpréter des quatrains de Nostradamus ou faire l’exégèse de la Déclaration des droits de l’homme!», a alors rétorqué le député Patrick Lussi (UDC). «Nous sommes ici pour discuter de laïcité et le but c’est d’éviter des frottements au sein de la population», a-t-il expliqué. Une majorité des députés a ainsi considéré que l’expression de convictions religieuses était davantage susceptible de créer des tensions entre les citoyens que l’expression de convictions politiques et la disposition a été maintenue dans la loi dont l’approbation est intervenue le soir même, une fois la deuxième lecture terminée.
Interdiction de masquer son visage
L’interdiction de masquer son visage dans les administrations publiques, les établissements publics ou subventionnés, ainsi que dans les tribunaux a été maintenue, tout comme la possibilité donnée au Conseil d’État d’interdire le port de signe religieux ostentatoire sur le domaine public. Des mesures qui vont trop loin pour la verte Émilie Flamand-Lew. «Cette interdiction crée des problèmes, là où il n’y en avait pas!» Elle s’inquiète notamment de l’impossibilité faite aux femmes voilées de rendre visite à des proches hospitalisés ou pris en charge par des institutions.
Pour Pierre Vanek il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une mesure visant clairement l’islam. Il s’est exclamé: «cet article est frappé du sceau de la tartufferie. Par cette mesure, on vise une communauté en particulier, cela contrevient à la neutralité de l’État!» Alors que pour le socialiste Cyril Mizrahi la possibilité d’interdire les signes religieux est une mesure qui se trompe de cible: «c’est aux personnes qui portent de tels signes que l’on reproche l’intolérance d’autres!» Des arguments qui n’ont pas suffi à convaincre une majorité de changer le texte proposé.
Contribution religieuse pérenne
Les députés ont par contre accepté de biffer des textes le principe de la disparition de la contribution religieuse volontaire au bout de 10 ou 20 ans. D’autres communautés religieuses pourront bénéficier de cette possibilité de percevoir un financement au travers d’une sollicitation facultative transmise et collectée par l’administration des impôts. La communication menée ces dernières semaines par les trois Églises actuellement bénéficiaires a ainsi porté ses fruits auprès des députés dont la majorité a refusé de suivre Pierre Vanek pour qui il était temps de «couper le cordon ombilical» entre l’État et les Églises.
«Ce n’est pas un cordon ombilical, mais un fil rouge», a plaidé le PLR Gabriel Barillier. «C’est une reconnaissance que ces communautés ont marqué notre république. Nous vivons avec des institutions qui sont la résultante de cette histoire.»
Comment réagissent les diverses communautés religieuses à ces évolutions? Emmanuel Fuchs, pasteur, et Hafid Ouardiri, directeur de la Fondation Entre-Connaissance, répondent aux questions de Catherine Erard dans l'émission Hautes Fréquence.