"L'Eglise et les pasteurs n'inspirent plus le respect"Chercheur en science de l'éducation, Michel Vuille a cosigné "La violence ordinaire", une étude sur la violence contemporaine parue en 1999.
30 mars 2000
§Etes-vous surpris par ce rapport faisant état de violence contre les pasteurs ?Pas vraiment
Il s'inscrit dans le champ des "incivilités" à l'égard des agents publics, enseignants, assistants sociaux, conducteurs de bus, pompiers. Ces fonctionnaires qui incarnent peu ou prou l'ordre établi attirent sur eux la violence ordinaire de certains exclus; et comme ils ont peu de moyens de défense, ils constituent des cibles faciles.
§L'exclusion est-elle seule en cause pour expliquer ces violences?Non. J'y vois également la dégradation du statut des « notables »
- pasteurs y compris. On a désormais tendance à présenter les membres de la classe politique comme des gens peu sérieux, à la limite tous corrompus. Image répercutée par les célèbres "Guignols de l'info" sur Canal +. Le pouvoir du notable y apparaît comme usurpé, on n’y parle que des méchantes affaires de gros sous ! Et on fait de moins en moins référence aux vertus publiques et au travail bien fait... qui n’ont pourtant pas totalement disparu.
§Les pasteurs ne sont donc plus respectés?En réalité, on ne sait pas ce qu'ils font. On ignore que certains d'entre eux s'engagent tous les jours sur le terrain au service des marginaux et des démunis, pour soulager des difficultés, et éviter ainsi des flambées de violence. Mais comme ces efforts sont méconnus, le pasteur n'obtient pas une reconnaissance publique qui en ferait une figure inspirant le respect.
§Comment faire sortir les pasteurs de l'anonymat?Il appartient aux médias d’informer en s’intéressant au travail de l'ombre de certains pasteurs plutôt que de rendre compte exclusivement d'éruptions de violence qui donnent l'impression que tout se déglingue. Mais l'Eglise elle-même oublie parfois cette réalité-là. Elle cherche aussi la visibilité médiatique par des actions publicitaires et commerciales. Exemple: la bible en bande dessinée ou le Nouveau Testament vendu à la Migros. Pourquoi pas ? Mais comment s'étonner alors que l'Eglise perde une certaine crédibilité, une certaine élévation, en "marchandisant" certains textes religieux, en se plaçant sur le marché comme n'importe quelle entreprise ?
§Et d'accuser l'Eglise d'hypocrisieAux yeux de certains, l'Eglise se trouve partiellement en contradiction avec ses textes fondateurs. "Sur le papier", elle propose une vision idéale d'amour, d’intégration et d'émancipation. Or, en réalité, il lui arrive aussi de rendre captives certaines personnes et d’en exclure d’autres.
§Comment doivent réagir les pasteurs victimes de violence?Si l’acte violent est grave, il faut absolument porter plainte. Ne pas le faire, c'est entretenir la confusion entre ce qui est licite et illicite et accréditer l'idée que tout est possible. Face à certains gestes, il faut dire non et opposer des valeurs. En affichant ses valeurs, l'Eglise peut ouvrir un vrai débat qui canalisera la violence dans une polémique verbale plutôt que de laisser libre cours à des dérives violentes : attaques contre des personne ou des biens.
§L'exclusion est-elle seule en cause pour expliquer ces violences?Non. J'y vois également la dégradation du statut des « notables »
- pasteurs y compris. On a désormais tendance à présenter les membres de la classe politique comme des gens peu sérieux, à la limite tous corrompus. Image répercutée par les célèbres "Guignols de l'info" sur Canal +. Le pouvoir du notable y apparaît comme usurpé, on n’y parle que des méchantes affaires de gros sous ! Et on fait de moins en moins référence aux vertus publiques et au travail bien fait... qui n’ont pourtant pas totalement disparu.
§Les pasteurs ne sont donc plus respectés?En réalité, on ne sait pas ce qu'ils font. On ignore que certains d'entre eux s'engagent tous les jours sur le terrain au service des marginaux et des démunis, pour soulager des difficultés, et éviter ainsi des flambées de violence. Mais comme ces efforts sont méconnus, le pasteur n'obtient pas une reconnaissance publique qui en ferait une figure inspirant le respect.
§Comment faire sortir les pasteurs de l'anonymat?Il appartient aux médias d’informer en s’intéressant au travail de l'ombre de certains pasteurs plutôt que de rendre compte exclusivement d'éruptions de violence qui donnent l'impression que tout se déglingue. Mais l'Eglise elle-même oublie parfois cette réalité-là. Elle cherche aussi la visibilité médiatique par des actions publicitaires et commerciales. Exemple: la bible en bande dessinée ou le Nouveau Testament vendu à la Migros. Pourquoi pas ? Mais comment s'étonner alors que l'Eglise perde une certaine crédibilité, une certaine élévation, en "marchandisant" certains textes religieux, en se plaçant sur le marché comme n'importe quelle entreprise ?
§Et d'accuser l'Eglise d'hypocrisieAux yeux de certains, l'Eglise se trouve partiellement en contradiction avec ses textes fondateurs. "Sur le papier", elle propose une vision idéale d'amour, d’intégration et d'émancipation. Or, en réalité, il lui arrive aussi de rendre captives certaines personnes et d’en exclure d’autres.
§Comment doivent réagir les pasteurs victimes de violence?Si l’acte violent est grave, il faut absolument porter plainte. Ne pas le faire, c'est entretenir la confusion entre ce qui est licite et illicite et accréditer l'idée que tout est possible. Face à certains gestes, il faut dire non et opposer des valeurs. En affichant ses valeurs, l'Eglise peut ouvrir un vrai débat qui canalisera la violence dans une polémique verbale plutôt que de laisser libre cours à des dérives violentes : attaques contre des personne ou des biens.