Femmes suisses: apprendre à ne plus se dévaloriser au travail

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Femmes suisses: apprendre à ne plus se dévaloriser au travail

30 octobre 2000
Le 2e Synode suisse des femmes qui vient de se tenir à Bienne et qui a réuni plus de 600 personnes s'est penché sur le statut des femmes dans le monde du travail
Formatrice d'adultes spécialisée dans la réinsertion professionnelle, Claire Marguerat a souligné la difficulté persistante des femmes à valoriser leur propre expérience et à se reconnaître des qualifications. Interview.

Photos du 2e Synode suisse des femmes à disposition au tel. 01/273 10 50, fax 01/273 10 51. §Plus de trois décennie après mai 68, est-il vrai que les femmes continuent de douter de leur valeur dans le monde travail?Oui. La plupart des femmes ont un parcours professionnel en dents de scie. Elles interrompent leur carrière pour avoir des enfants. Durant ces années où elles sont hors du marché de l'emploi, elles souffrent de ne pas avoir de statut reconnu dans une société où seul le salaire donne une véritable reconnaissance des compétences. De plus, le travail accompli au foyer passe souvent inaperçu aux yeux de la famille et de l'époux. A force, elles perdent confiance en leurs aptitudes et se mettent à douter d'elles-mêmes.

§N'y a-t-il pas une analogie entre la femme au foyer et la personne au chômage?J'y vois une analogie. On se heurte dans les deux cas à une absence de reconnaissance. Quand j'élevais mes enfants, je voyais de temps à autre un ami qui, durant sa période de chômage, était père au foyer. Nous partagions le même sentiment de devoir lutter contre le découragement. Nous recherchions dans les contacts sociaux et les engagements bénévoles la reconnaissance que nous n'avions pas par le travail rémunéré.

§Le manque de reconnaissance vécu en tant que mère au foyer explique-t-il les échecs successifs quand il s'agit de retrouver un emploi ?On voit en effet des femmes se dévaloriser devant un employeur durant un entretien d'embauche et affirmer qu'elles n'ont "rien fait" pendant qu'elles étaient au foyer. A mon avis, l'erreur consiste à passer sans transition du foyer au marché de l'emploi. Après une interruption de plusieurs années, ce retour nécessite une solide préparation. Il importe de prendre le temps de se demander quels sont ses atouts, ses ressources, et les savoirs acquis comme mère de famille.

§En somme, d'établir un bilan de compétences?C'est ça. J'appelle cela faire son bilan de compétences au moyen du portfolio. Dans les séminaires que j'anime, les participantes sont toujours surprises de découvrir les nombreuses compétences développées grâce au travail familial et domestique. Tenir un budget, gérer des conflits, jongler avec les horaires, organiser le ménage, faire face aux imprévus, etc. Il convient aussi d'englober les acquis accumulés dans les loisirs, les voyages, le sport ou le bénévolat. Il s'agit aussi de rassembler des pièces justificatives telles que certificats de travail, diplômes, lettres de remerciements, photos de réalisations diverses et tout autre preuve . Au bout de ce travail de réflexion, d'analyse et d'appropriation de ses compétences, chaque participant obtient un bilan lui permettant d'être plus conscient de ses points forts et aussi de ses points faibles. Ce document à usage personnel permet de se présenter devant un employeur en pleine connaissance de cause.

§Mais les employeurs se laissent-ils convaincre par une candidate soulignant par exemple son sens de l'organisation acquis au foyer?En tant que tel, peut-être pas. Mais si le sens de l'organisation s'est vérifié dans d'autres circonstances, par exemple dans des engagements bénévoles, en organisant des sorties à ski pour les enfants du quartier, ou lors d'un long voyage à l'étranger, alors l'argument a des chances de convaincre. La convergence de cas concrets prouve que l'aptitude est régulièrement pratiquée, donc réelle. L'idéal est de pouvoir démontrer le développement d'une compétence au travers de plusieurs expériences différentes . En passant en revue les savoirs acquis aussi bien dans les loisirs qu'au foyer ou au travail, le portfolio permet précisément de se rendre compte que les expériences non-professionnelles intéressent aussi l'employeur.

§Le bilan-portfolio donne-t-il aussi davantage d'assurance et de confiance devant un employeur?Certainement. Si les femmes sont convaincues de leurs compétences - ce qui est loin d'être le cas après plusieurs années passées au foyer, elles auront plus de chance de convaincre un recruteur.

§A l'instar du CFC en économie familiale, le bilan portfolio est-il reconnu dans les écoles?Oui, certaines écoles professionnelles le reconnaissent. Les écoles d'études sociales romandes et les écoles de soins infirmiers demandent aux personnes qui n'auraient pas les diplômes nécessaires d'établir un bilan-portfolio. Sur cette base, une commission d'admission examine les compétences de la personne, et si elles sont jugées suffisantes, elle est acceptée et peut se présenter à l'examen d'entrée. Par ce moyen, des gens sans diplôme ont déjà pu mener à bien des études.

§Propos recueillis par Jacques-Olivier PidouxA l'occasion du 2e Synode suisse des femmes, deux jeux ont été créés pour traiter le thème du travail de manière ludique: 1 jeu de cartes et 1 CD-Rom "femmes.vie.qualité.ch" à commander auprès du secrétariat du Synode:case postale 1111, 2501 Bienne.