Le Décalogue relu par un écrivain contemporain:Christophe Donner oppose la morale à la violence

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Le Décalogue relu par un écrivain contemporain:Christophe Donner oppose la morale à la violence

23 novembre 2000
Auteur à succès qui s'est taillé une place enviable auprès des adultes comme au rayon de littérature enfantine, Christophe Donner s'est lancé un défi: illustrer le Décalogue à l'aide de dix histoires vraies vues à travers le regard lucide et grave de gosses que la vie a écorchés
Résultat: un recueil de nouvelles épatant à mettre entre toutes les mains pour souffler aux enfants ce qu'on n'arrive pas à leur dire, mais aussi rappeler aux parents une morale qu'ils n'osent plus transmettre à leurs rejetons, sous prétexte qu'ils ne veulent pas les brimer. Le livre est un plaidoyer contre la violence. Portrait de l'écrivain en moraliste.Pour l'écrivain français né dans une famille athée et violemment anticléricale, lire la Bible fut un acte "vengeur et insurrectionnel". Sa lecture du Décalogue, et son interprétation libre en dix nouvelles denses et grinçantes, sont d'une étonnante actualité. L'exercice de style lui a permis de donner son interprétation très personnelle des Dix commandements et de se profiler comme un écrivain moraliste, au sens noble du terme.

Parti tôt de la maison à la suite de la séparation de sa mère, psychanalyste irréductible, et de son père, communiste "pur et dur",il vit pour un temps chez le philosophe français Paul Ricoeur.

"Paul Ricoeur avait connu mon grand-père,un résistant français mort dans un camp de concentration en Allemagne, dont je parle d'ailleurs dans l'une des nouvelles faisant partie du Décalogue. Entre le philosophe et moi, il y a eu une adoption crapuleuse. Je me suis donc retrouvé chez des chrétiens réformés, ce qui m'a plu", explique Christophe Donner. Et l'écrivain de poursuivre: "C'est dans ce milieu que j'ai compris que la violence est inhérente à l'homme mais qu'il cherche instinctivement à s'en défaire. J'ai réalisé que le communisme dans lequel j'avais été élevé était une culture de la violence qui avait fait de moi un être violent. Je me souviens que tout môme, je braillais dans la voiture qui nous emmenait en vacances, "les aristocrates, on les pendra". Mes parents croyaient dur comme fer à la révolution, j'ai grandi dans cet étrange climat".

§"Un pied dans la violence et on est perdu" Christophe Donner découvre que le christianisme est l'un des piliers de la culture non-violente. "Je sentais que là était la vérité. J'ai compris peu à peu que le seul remède à la violence, c'est la force, une force qui n'est pas la violence. Dès qu'on met le pied dans la violence, on est perdu. C'est l'échec de sa propre force intérieure, de son intelligence, de sa sagesse".

A dix-sept ans, Christophe Donner écrit un premier livre, "Petit Joseph", pour raconter sa vie. Les éditions Fayard l'éditent tout de suite. Il n'arrêtera plus d'écrire, en moyenne trois livres par an, même si aujourd'hui le cinéma et des chroniques de turf l'occupent beaucoup.

C'est à cette même époque qu'il découvre la Bible par l'intermédiaire de René Girard, philosophe et ethnologue français, auteur d'un ouvrage de référence qui a marqué les sciences humaines, "La violence et le sacré". Il n'en deviendra pas chrétien pour autant, mais un homme respecteux d'un texte fondateur de l'humanité.

§La morale contre la violence"Cette relecture critique de l'histoire d'Œdipe séduit Christophe Donner, qui n'a pas oublié ses innombrables et vaines séances chez un psychiatre. De ces pensums auxquels sa mère le contraignit, ne voyant point de salut hors de la psychanalyse, il a tiré le sujet de la première nouvelle du Décalogue, "Tu n'auras pas d'autres dieux". En pointant le doigt avec humour sur la psychanalyse érigée en religion, l'auteur montre que ce premier commandement donné à Moïse colle singulièrement à l'actualité de notre temps.

§L'enfance en guise de fonds de commerce Christophe Donner a fait de son enfance chahutée un fonds de commerce. Il n'a pas oublié le gosse qu'il fut et c'est à travers les lunettes de son enfance qu'il illustre "Le Décalogue". Son humour et le regard désabusé qu'il pose sur le monde des adultes donnent des dix commandements une interprétation personnelle et grinçante, souvent poignante, qui ne peut que toucher les jeunes et tous ceux qui portent encore leur enfance en eux. Les adultes décrits dans cet ouvrage, en prennent un sacré coup. Une façon de les inviter à réfléchir à la violence de leurs comportements. Sous ses airs d'adolescent éternel au crâne rasé et coiffé d'un calot aux motifs ethniques noirs et blancs, Christophe Donner est en fait un moraliste et ne s'en cache pas. "J'aime le mot de morale dans le sens qu'on lui donnait au siècle des Lumières, je le défends, même si actuellement il est tombé en disgrâce et a pris une connotation péjorative".

L'une de ses nouvelles. "Tu ne porteras pas de faux témoignage", se passe dans un pays d'Amérique latine où l'auteur a longuement séjourné, et met en scène le surprenant face face d'un tortionnaire et de sa victime, un gosse dont la famille a été assassinée sous ses yeux. Elle est un plaidoyer pour le difficile mais nécessaire pardon qui permet de vivre dans la dignité et d'arrêter la spirale de la violence. Le pardon qui fait partie de la morale chère à Donner.

§"Le Décalogue", Christophe Donner, éd. Stock, 333 pages, octobre 2000. Par ailleurs, chacune des dix nouvelles du Décalogue font l'objet d'un livre séparé dans une collection destinée aux jeunes chez Hachette.