La-Chaux-de-Fonds: des paroissiennes critiquent la théologie du Vatican
24 novembre 2000
La déclaration "Dominus Iesus" publiée en septembre dernier par le Vatican a jeté un froid dans les relations entre catholiques et protestants
Mais qu'en pensent les "chrétiens de base", en particulier les catholiques qui doivent se situer face aux messages conservateurs du Vatican? Sur le terrain, à La-Chaux-de-Fonds, des paroissiens catholiques et protestants étudient ensemble le document et ses points de controverse. "Beaucoup de catholiques refusent de lire "Dominus Iesus", relève Joël Pinto, pasteur, à La-Chaux-de-Fonds. Devant les remous suscitées par ce document au ton doctrinal et au contenu peu œcuménique, Joël Pinto et le prêtre Luc de Raemy ont décidé d'en soumettre la lecture au groupe "Entrée libre" regroupant des paroissiens catholiques et protestants de la région chaux-de-fonnière. Les enjeux, en effet, sont d'importance: comment se situer en tant que catholique face à un document qui minimise la portée des autres confessions et religions? Quelle réaction face à ce regain de centralisme romain? Peut-on encore croire à la sincérité de l'Eglise catholique quand elle parle d'œcuménisme? Y a-t-il une voie possible hors de la soumission ou de la révolte?
§A ne pas mettre entre toutes mainsEn introduction, Luc de Raemy souligne la maladresse du Vatican consistant à convoquer une conférence de presse pour la sortie de "Dominus Iesus": "Un tel document ne peut pas être livré tel quel au grand public. Il est destiné aux évêques qui doivent le communiquer aux prêtres et aux fidèles avec des mots choisis, avec humilité, en évitant les formules blessantes, et en fonction des réalités locales. En mettant "Dominus Iesus" entre toutes les mains, le Vatican a créé un effet désastreux".
Cette mise en situation se révèle fort utile au moment d'aborder les pages qui ont soulevé la polémique en septembre dernier, celles qui proclament de façon péremptoire la supériorité de l'Eglise catholique sur les autres confessions et religions (voir encadré). "Je suis contente d'apprendre que "Dominus Iesus" s'adresse aux théologiens, commente une paroissienne catholique. Car les mots sont inadéquats pour le "grand public". Quant à moi, je me suis demandé si je pouvais encore faire partie de cette Eglise". Une autre participante catholique s'étonne: "Ces gens se prennent-ils pour Dieu? Dieu ne s'est jamais érigé en juge des religions. Je ne comprends pas que des hommes de foi puissent avoir cette prétention-là".
"Ce texte n'a pas été écrit sous l'empire de l'amour, mais de la loi, s'exclame une autre participante catholique. Parfois, je doute que Dieu habite encore l'Eglise". Sur ces réactions de désappointement, Luc de Raemy constate qu'en plein Jubilé 2000, on pouvait raisonnablement attendre de la part du Vatican autre chose qu'une déclaration apportant de l'eau au moulin des intégristes.
Côté protestant, on déplore l'absence d'humilité du texte et la mauvaise publicité rejaillissant sur les catholiques alors que depuis une trentaine d'années, soit depuis le Concile Vatican II, ils sont dans leur écrasante majorité acquis au dialogue œcuménique et oeuvrent sans réserve dans ce sens". Aucune Eglise n'a le monopole de la vérité, rappelle le pasteur Joël Pinto. Nous, protestants, avons toujours eu le sentiment d'être les enfants légitimes du Christ, et non des bâtards comme le laisse supposer "Dominus Iesus"".
"J'ai l'impression d'un retour en arrière terrible, poursuit une paroissienne protestante. Les non catholiques sont décrits avec condescendance".
§Peur de la diversitéOn s'étonne aussi d'y lire des propos inquiets sur les autres religions qui contrastent singulièrement avec la réalité d'une société devenue multiculturelle. "On sent la peur de la diversité religieuse, poursuit Joël Pinto. Ces fantasmes ne sont plus d'actualité. Je n'ai rien contre le fait de réaffirmer les vraies valeurs, mais pour autant que l'on se mette au cœur du monde".
Pourtant, personne n'exprime la moindre inquiétude sur l'avenir de la cohabitation entre catholiques et protestants. Les liens tissés dans les paroisses, les célébrations partagées, la lecture de la Bible et la prière en commun ont créé des attaches indéfectibles: "Tout cela est trop fort pour que l'on puisse se séparer", note une catholique. Le prêtre Luc de Raemy voit l'avenir avec confiance, tablant sur la sagesse et le bon sens des fidèles qui finissent toujours par l'emporter sur les prises de position des hauts dignitaires ecclésiastiques: "Si l'Eglise est encore debout, c'est grâce à la sagesse des fidèles, et singulièrement aux femmes qui sont sans doute plus réceptives à l'Esprit Saint que les hommes".
En fin de réunion, les participants décident s'ils veulent reconduire la semaine suivante la discussion sur Dominus Iesus. A l'unanimité, ils optent pour un autre sujet de réflexion, un ouvrage de l'écrivain Maurice Zundel. Manière de relativiser l'importance d'une déclaration romaine qui pèse de peu de poids par rapport aux amitiés interconfessionnelles établies au sein des communautés locales: "Protestants et catholiques divergent sur la conception de l'Eglise, mais ils ont la même foi", conclut Joël Pinto.
§A ne pas mettre entre toutes mainsEn introduction, Luc de Raemy souligne la maladresse du Vatican consistant à convoquer une conférence de presse pour la sortie de "Dominus Iesus": "Un tel document ne peut pas être livré tel quel au grand public. Il est destiné aux évêques qui doivent le communiquer aux prêtres et aux fidèles avec des mots choisis, avec humilité, en évitant les formules blessantes, et en fonction des réalités locales. En mettant "Dominus Iesus" entre toutes les mains, le Vatican a créé un effet désastreux".
Cette mise en situation se révèle fort utile au moment d'aborder les pages qui ont soulevé la polémique en septembre dernier, celles qui proclament de façon péremptoire la supériorité de l'Eglise catholique sur les autres confessions et religions (voir encadré). "Je suis contente d'apprendre que "Dominus Iesus" s'adresse aux théologiens, commente une paroissienne catholique. Car les mots sont inadéquats pour le "grand public". Quant à moi, je me suis demandé si je pouvais encore faire partie de cette Eglise". Une autre participante catholique s'étonne: "Ces gens se prennent-ils pour Dieu? Dieu ne s'est jamais érigé en juge des religions. Je ne comprends pas que des hommes de foi puissent avoir cette prétention-là".
"Ce texte n'a pas été écrit sous l'empire de l'amour, mais de la loi, s'exclame une autre participante catholique. Parfois, je doute que Dieu habite encore l'Eglise". Sur ces réactions de désappointement, Luc de Raemy constate qu'en plein Jubilé 2000, on pouvait raisonnablement attendre de la part du Vatican autre chose qu'une déclaration apportant de l'eau au moulin des intégristes.
Côté protestant, on déplore l'absence d'humilité du texte et la mauvaise publicité rejaillissant sur les catholiques alors que depuis une trentaine d'années, soit depuis le Concile Vatican II, ils sont dans leur écrasante majorité acquis au dialogue œcuménique et oeuvrent sans réserve dans ce sens". Aucune Eglise n'a le monopole de la vérité, rappelle le pasteur Joël Pinto. Nous, protestants, avons toujours eu le sentiment d'être les enfants légitimes du Christ, et non des bâtards comme le laisse supposer "Dominus Iesus"".
"J'ai l'impression d'un retour en arrière terrible, poursuit une paroissienne protestante. Les non catholiques sont décrits avec condescendance".
§Peur de la diversitéOn s'étonne aussi d'y lire des propos inquiets sur les autres religions qui contrastent singulièrement avec la réalité d'une société devenue multiculturelle. "On sent la peur de la diversité religieuse, poursuit Joël Pinto. Ces fantasmes ne sont plus d'actualité. Je n'ai rien contre le fait de réaffirmer les vraies valeurs, mais pour autant que l'on se mette au cœur du monde".
Pourtant, personne n'exprime la moindre inquiétude sur l'avenir de la cohabitation entre catholiques et protestants. Les liens tissés dans les paroisses, les célébrations partagées, la lecture de la Bible et la prière en commun ont créé des attaches indéfectibles: "Tout cela est trop fort pour que l'on puisse se séparer", note une catholique. Le prêtre Luc de Raemy voit l'avenir avec confiance, tablant sur la sagesse et le bon sens des fidèles qui finissent toujours par l'emporter sur les prises de position des hauts dignitaires ecclésiastiques: "Si l'Eglise est encore debout, c'est grâce à la sagesse des fidèles, et singulièrement aux femmes qui sont sans doute plus réceptives à l'Esprit Saint que les hommes".
En fin de réunion, les participants décident s'ils veulent reconduire la semaine suivante la discussion sur Dominus Iesus. A l'unanimité, ils optent pour un autre sujet de réflexion, un ouvrage de l'écrivain Maurice Zundel. Manière de relativiser l'importance d'une déclaration romaine qui pèse de peu de poids par rapport aux amitiés interconfessionnelles établies au sein des communautés locales: "Protestants et catholiques divergent sur la conception de l'Eglise, mais ils ont la même foi", conclut Joël Pinto.