Appartenir à deux religions prend toute une vie
4 décembre 2000
Pasteur à Genève et chargé de cours à la Faculté de théologie de l'Université de Lausanne, engagé depuis une vingtaine d'années dans le dialogue interreligieux, Jean-Claude Basset connaît bien le phénomène de la double appartenance §Peut-on vraiment croire en deux religions?Tout dépend de la définition que l'on donne au mot religion
Si on considère la religion comme un système de dogmes intangibles, on ne pourra pas adhérer à une autre tradition. Mais si on la voit comme un engagement personnel vécu, une relation à l'absolu susceptible de prendre diverses formes, alors on se donne les moyens d'entrer en profondeur dans un autre univers religieux. On constate d'ailleurs que de plus en plus de gens se sentent appelés à partager intimement une seconde démarche de foi.
§Ne faut-il pas craindre le bricolage d'éléments qui n'ont rien à voir entre eux?Il y a bricolage dans le mesure où l'on multiplie les expériences, où l'on picore à droite et à gauche. Un dialogue en profondeur demande du temps. Les passerelles ne sont pas évidentes à trouver. Des moines y consacrent leur vie entière. Ils partent dans des monastères en Orient, ou invitent des moines orientaux en Occident. C'est une démarche expérimentale, risquée, qui demande un engagement très fort.
§A fréquenter plusieurs religions, ne risque-t-on pas de perdre son identité de départ?Pas nécessairement. Prenez le dialogue œcuménique entre catholiques, protestants et orthodoxes. Chacun s'est enrichi de l'expérience de l'autre sans perdre son identité de départ. Pourquoi en irait-il différemment entre chrétiens et musulmans, chrétiens et bouddhistes. J'aimerais vous citer le témoignage éloquent d'une personne qui m'a récemment confié qu'elle était partie catholique, s'était trouvée protestante, était revenue bouddhiste, sans jamais avoir cessé d'être chrétienne.
§Pourtant, dans le christianisme, la notion d'appartenance est fondamentaleIl est vrai que nos communautés se sont structurées autour de la notion d'appartenance et que toute excursion extérieure était malvenue. Mais le monde a changé. Dans la société pluraliste, nous nous définissons en fonction de plusieurs appartenances, spirituelle, culturelle, sociale, politique. La population est de plus en plus mélangée. Pourquoi faudrait-il exiger des enfants de couples mixtes de renier la foi de l’un des parents ?
§D'où un défi à relever pour les Eglises?Incontestablement. Si elles gardent le credo selon lequel une seule appartenance religieuse n'est possible, elles se mettent en porte-à-faux avec la réalité vécue de nombreux fidèles. Je crois qu'elles doivent évoluer vers la reconnaissance que les autres religions ont des richesses que nous ne possédons pas, et que nous avons tout à gagner à les découvrir. Nos rapports ne doivent plus être de l'ordre de la compétition, mais de l'enrichissement mutuel, sans escamoter la spécificité de chacune.
§Propos recueillis par Jacques-Olivier Pidoux§
§Ne faut-il pas craindre le bricolage d'éléments qui n'ont rien à voir entre eux?Il y a bricolage dans le mesure où l'on multiplie les expériences, où l'on picore à droite et à gauche. Un dialogue en profondeur demande du temps. Les passerelles ne sont pas évidentes à trouver. Des moines y consacrent leur vie entière. Ils partent dans des monastères en Orient, ou invitent des moines orientaux en Occident. C'est une démarche expérimentale, risquée, qui demande un engagement très fort.
§A fréquenter plusieurs religions, ne risque-t-on pas de perdre son identité de départ?Pas nécessairement. Prenez le dialogue œcuménique entre catholiques, protestants et orthodoxes. Chacun s'est enrichi de l'expérience de l'autre sans perdre son identité de départ. Pourquoi en irait-il différemment entre chrétiens et musulmans, chrétiens et bouddhistes. J'aimerais vous citer le témoignage éloquent d'une personne qui m'a récemment confié qu'elle était partie catholique, s'était trouvée protestante, était revenue bouddhiste, sans jamais avoir cessé d'être chrétienne.
§Pourtant, dans le christianisme, la notion d'appartenance est fondamentaleIl est vrai que nos communautés se sont structurées autour de la notion d'appartenance et que toute excursion extérieure était malvenue. Mais le monde a changé. Dans la société pluraliste, nous nous définissons en fonction de plusieurs appartenances, spirituelle, culturelle, sociale, politique. La population est de plus en plus mélangée. Pourquoi faudrait-il exiger des enfants de couples mixtes de renier la foi de l’un des parents ?
§D'où un défi à relever pour les Eglises?Incontestablement. Si elles gardent le credo selon lequel une seule appartenance religieuse n'est possible, elles se mettent en porte-à-faux avec la réalité vécue de nombreux fidèles. Je crois qu'elles doivent évoluer vers la reconnaissance que les autres religions ont des richesses que nous ne possédons pas, et que nous avons tout à gagner à les découvrir. Nos rapports ne doivent plus être de l'ordre de la compétition, mais de l'enrichissement mutuel, sans escamoter la spécificité de chacune.
§Propos recueillis par Jacques-Olivier Pidoux§