Le Synode de l’EERV lève le voile sur le pluralisme

CC0 Netjuh / Pixabay
i
CC0 Netjuh / Pixabay

Le Synode de l’EERV lève le voile sur le pluralisme

Par Suzette Sandoz
6 novembre 2018

Samedi dernier, le Synode de l’EERV a vécu un long et beau débat sur le pluralisme, à partir des rapports présentés par le groupe de travail du pasteur Habermacher mandaté par le Conseil synodal. Ce débat m’a permis de comprendre le véritable enjeu de l’étude et a donc supprimé le malaise qui m’habitait.

Contrairement à ce que j’avais compris, le questionnement concerne moins la manière dont on réagit, comme individu, face au pluralisme tel que nous le vivons tous les jours en Église, que la recherche de la méthode de gérer ce pluralisme en tant qu’Église. C’est là incontestablement à la fois une richesse et un piège pour l’EERV.

Une richesse, car les divergences théologiques et liturgiques au sein de l’EERV obligent chacun à remettre sans cesse en question l’éventuel orgueil de sa foi, entretient la recherche de la compréhension du «prochain», incitent à oser dire sa conviction sans blesser celle de l’autre. La coexistence, au sein de l’EERV, de personnes animées chacune de conviction, parce que la conviction est une barre d’appui dans la vie, mais conscientes, chacune aussi, du fait que Dieu est plus grand que soi et qu’Il ne se «maîtrise» pas, est une source d’énergie qui pousse en avant. Mais…

Il y a un piège! Et c’est sur ce point que doit apparemment porter l’étude actuelle du pluralisme: comment faire pour qu’une Église pluraliste en son sein, soit néanmoins Église universelle dans le monde et in casu dans notre petit monde vaudois? Une communauté ne peut pas avoir exactement les mêmes règles que chacun des individus qui la composent, parce qu’il y a un moment où le vivre-ensemble exige l’acceptation de normes communes qui ne correspondent pas exactement à l’idéal de liberté individuelle de chacun. En d’autres termes, quelles limites communes à la liberté théologique et liturgique individuelle peut-on accepter ou proposer, sans tomber dans un autoritarisme destructeur de la foi, pour que le pluralisme des fidèles n’offre pas à l’extérieur l’image du désordre, du flou, du laxisme et de l’incohérence? Ainsi que le Conseil synodal l’a dit devant le Synode: comment peut-on passer du «Je» au «nous»? Je préciserais même: passer d’un «je», viscéralement pluraliste, à un «nous» nécessairement unitaire pour exister face à d’autres entités, face en particulier à une société de plus en plus athée ou communautariste?

Je n’ai pas de réponse, mais on ne peut s’empêcher de penser un peu à la Suisse et à son système fédéraliste. Pour assurer la coexistence d’entités aussi différentes les unes des autres que les cantons, il faut un pouvoir central réduit et des échanges incessants entre la base et le sommet. Cela prend du temps et exige beaucoup d’humilité réciproque. Mais cela signifie aussi que la base doit être attentive à, et rechercher autre chose que son seul intérêt local et qu’elle doit être capable d’accepter un minimum de règles communes qui la rendent crédible à l’extérieur. L’étude sur le pluralisme n’en est qu’à ses débuts, mais le système presbytéro-synodal reste un excellent outil de travail.