Ecologie: la terre ne laisse plus les chrétiens de marbre

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Ecologie: la terre ne laisse plus les chrétiens de marbre

1 août 2001
A l’heure où la canicule rend parfois l’air irrespirable, la dégradation de l’environnement devient enfin un sujet de préoccupation mondiale
Longtemps absentes du débat, voire considérées comme à l’origine de la conception d’une nature-objet, les Eglises chrétiennes s’engagent de plus en plus pour la sauvegarde de la Création. En Suisse, c’est notamment le cas de la COTE, communauté œcuménique de travail Eglise et environnement, institution originale et trans-confessionnelle. « Ce qui affecte la terre affecte également les fils et les filles de la terre. » Le respect de la Terre mère constitue un des fondements de la pensée amérindienne, comme le rappellent ces mots attribués au célèbre Chief Seattle. A l’heure où la pollution à l’ozone étouffe l’air estival, on prend conscience qu’il aura fallu plus d’un siècle pour que les inquiétudes contemporaines rejoignent enfin une préoccupation qui apparaissait comme une évidence à ceux que l’on nomme improprement Indiens.

Actuellement est en cours de rédaction une Charte mondiale de la terre soumise à l’approbation de l’ONU d’ici l’an prochain. Son préambule rappelle que nous avons « le devoir sacré de préserver la vie, la diversité et la beauté de notre maison commune. » On sait aussi que la lutte contre la mondialisation néo-libérale est souvent liée au combat pour la préservation des espèces et pour le respect du principe de développement durable.

§Garder et cultiver le jardinUn débat dont les chrétiens ne sont pas absents. Sans renier leur rôle social primordial, en Europe comme en Amérique ou en Afrique, les Eglises s’engagent chaque jour davantage sur le terrain de l’écologie. En témoignent, notamment, le rassemblement œcuménique européen Justice, paix et sauvegarde de la création (1989) ou encore la Conférence mondiale de Séoul (1990) dues aux confédérations européennes des Eglises et au conseil des confédérations épiscopales européennes. En témoignent aussi, côté catholique, plusieurs prises de position du Pape Jean-Paul II : dans la plupart de ses discours officiels, il préconise un changement de vie contre la « course à l’abondance. »

En Suisse, un exemple récent est l’action, « Un temps pour la Création », mise sur pied par la Communauté œcuménique de travail Eglise et environnement (voir encadré). Il y en a de plus anciens, dus notamment à la Communauté de travail des Eglises chrétiennes en Suisse. Ainsi, en 1987, l’une de leurs publications hérisse certains poils. « Le sol atout ? Le sol à tous » abordait en effet la sensible question de la propriété du sol. Et montrait qu’il existe des limites au droit à la propriété privée. Il n’en faut pas plus pour que certains soulignent que les Eglises feraient mieux de s’occuper des âmes.

Il faut dire qu’écologie et foi n'ont pas toujours fait bon ménage. Avant la science, le christianisme a contribué à briser le lien affectif, et parfois spirituel, qui liait l’homme à la nature. Comme l’animal prétendument dénué d’âme, la nature fut longtemps privée de touts droits, simple matériau à l’usage de l’homme. Ne peut-on lire dans la Genèse : « Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la ; dominez sur les poissons de la mer » ? ou encore « Soyez la crainte et l’effroi de tous les animaux de la terre et de tous les oiseaux du ciel, comme de tout ce que la terre fourmille et de tous les poissons de la mer. Ils sont livrés entre vos mains » ? Deux passages qu’il faut replacer dans leur contexte historico-culturel, notent les exégètes contemporains.

§Respect de la terreCeux-ci préfèrent rappeler que de nombreux passages des textes saints expriment sans ambiguïté la responsabilité de l’homme vis-à-vis de la Création. L’un des plus explicites, des plus cités aussi, est sans doute « Dieu confia le Jardin d’Eden à l’Homme pour qu’il le garde et le cultive. » Ancien directeur de la COTE, le biologiste et théologien Otto Schäfer explique : « La terre est la matière première dont se sert le Créateur pour modeler les êtres vivants. L’humain est appelé à prospecter et à respecter. Notre rapport au sol est double : destiné à ‘retourner à la glaise’, nous recevons en même temps grâce à lui une promesse de paradis. Enfin, en tant que substrat susceptible d’accueillir un projet créateur, le sol revêt une dignité particulière. A cet égard, il y a convergence entre le message biblique et la science moderne. En parlant de dignité du sol, nous reconnaissons dans la constitution des sols un mystère et une sagesse qui nous précèdent et nous dépassent. »

La dynamique écologique de la pensée chrétienne laisse penser que le christianisme peut aider à la formulation d’un nouveau rapport à la nature. C’est en tout cas la conviction du théologien italien Leonardo Boff, qui participe à la rédaction de la future charte de la terre qu’il voit comme un « projet d’éthique mondiale qui pourrait changer l’état de conscience de l’humanité. »