Des pasteurs vaudois fustigent une « Eglise de papier »

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Des pasteurs vaudois fustigent une « Eglise de papier »

12 octobre 2001
L’Eglise réformée vaudoise termine sa première année de restructuration
Quelques ministres en profitent pour jeter un pavé dans la mare et dresser la liste de ce qu’ils considèrent comme d’importants dérapages à corriger au plus vite. En cause, notamment, une multiplication des charges bureaucratiques. Explications et réactions. Le moment ne doit rien au hasard. Eglise à Venir (EAV), restructuration importante de l’Eglise évangélique réformée vaudoise, souffle sa première bougie. Alors qu’une commission d’évaluation recueille les échos de cette mise en place, un vent de fronde se met à souffler aux oreilles du Conseil synodal. Dans un document à la limite de l’acte d’accusation, une poignée de ministres livre la liste de ses critiques et inquiétudes. Ces pasteurs appellent leurs collègues à signer ce qui prend des allures de pétition.

« Eglise de papier » noyée dans l’administratif, « secteur sinistré de la catéchèse », des « objectifs qui en restent au stade des intentions » : Même s’ils se défendent de vouloir tout effacer, les initiants n’y vont pas avec le dos de la cuillère. « La commission d’évaluation se lance dans une vaste et longue consultation. Très bien. Mais nous disons que certains points, comme la surcharge des pasteurs paroissiaux ou l’inquiétante diminution du nombre de cultes dans la canton, doivent être corrigé rapidement », explique Marc Peter. Ce pasteur de la région Prilly/Le Mont/Cheseaux ne manque pas d’exemples de dysfonctionnements. « Ce sont les personnes dans les paroisses qui font vivre l’Eglise, pas les structures théoriques. Or le temps dévolu à la proximité a diminué au profit de postes régionaux dont certains n’ont toujours pas trouvé raison d’être. Et notre fonctionnement devient clairement anthropophage au point de vue administratif. Il y a un véritable essoufflement des paroissiaux. Est-on prêt à l’entendre ? »

§Davantage de paperasse, moins de proximitéPour les signataires, la réorganisation de l’Eglise réformée cantonale pose problème parce qu’elle enlève un pourcentage important de forces dans les paroisses pour les mettre dans des ministères régionaux ou cantonaux. « On supprime beaucoup de cultes, en estimant que c’est désormais l’action diaconale qui compte. Je ne partage pas cette vision. Il faut s’inscrire dans la durée pour toucher les gens, et la prédication demeure au centre de la fonction pastorale. Je note d’ailleurs que pour son Ministère de rue, Jan de Haas a maintenu une célébration à Saint-Laurent. » Sans compter que moins de cultes signifie aussi moins de rentrées pécuniaires. « Certaines paroisses se retrouvent en situation financière difficile », assure-t-on.

Vincent Guyaz, pasteur dans la Broye vaudoise, parle pour sa part d’une transversalité à sens unique : « On a multiplié les postes supérieurs sans qu’on en voie les effets sur le terrain. Eglise à Venir accentue les clivages entre la base, les paroisses et les charges dites communautaires. Essayer de vivre au niveau d’une région reste une bonne chose, mais ça doit mieux fonctionner. » A Romainmôtier, Paul-Emile Schwitzguébel rejoint ce constat : « L’utopie consiste à tout vouloir en même temps : créer une région alors que les nouvelles paroisses en sont encore à leurs balbutiements. Et si je dois renoncer à quelque chose au plan local, j’attends de la région qu’elle propose quelque chose pour compenser. Ce n’est pas le cas. S’il ne se passe rien au niveau local, il me paraît difficile d’imaginer que les activités se bousculent à une échelle supérieure. »

§5 ans de catéchisme, c'est tropAvec d’autres, Paul-Emile Schitzguébel fustige également la proposition du Conseil synodal de porter la charge catéchétique à cinq ans, alors même que la régionalisation du catéchisme peine, notamment parce que l’on ne parvient pas à recruter des spécialistes intéressés.

De son côté, Bernard Russier, à Oron depuis huit ans, raconte que les gens ne comprennent pas toujours des structures inédites : « Comment voulez-vous expliquer à un paroissien qu’il doit s’adresser à une personne inconnue parce qu’il entre dans un EMS et qu’il existe un poste régional pour cela ? Même chose avec le catéchisme : la regroupement nous coupe d’une partie de la jeunesse. »

Résultat, soulignent-ils en cœur, les pasteurs « de terrain » croulent sous le travail au sein de paroisses agrandies, tout en continuant à assumer des charges qu’ils rechignent à abandonner. D’un autre côté, certains collègues se retrouvent désemparés face à des postes communautaires au contenu incertain. « Une partie du problème, c’est qu’EAV présuppose des choix, donc le renoncement à certaines activités au profit d’autres. Certains ont de la peine à s’y faire, à lâcher une certaine conception de leur fonction », réagit Olivier Favrod. Le coordinateur de l’Office des ressources humaines de l’Eglise reconnaît qu’une partie des collaborateurs – moins de 5% - se retrouvent en arrêt maladie pour surmenage ou excès de stress. « Sur le plan comptable, la situation n’a pas empiré depuis la sortie d’un article de presse à ce sujet cet été. Certaines réactions deviennent cependant plus vigoureuses. Nous devons chercher, avec les collaborateurs eux-mêmes, à améliorer les conditions de travail. »

Pour Olivier Favrod, comme pour Jean-Paul Perrin, ancien président du Conseil synodal, si les difficultés sont réelles, il convient de laisser du temps au temps. « Nous nous étions donnés une période probatoire de quatre ans. Il faut s’y tenir et attendre que les choses soient vraiment en place. Souvent individualiste, le ministre doit apprendre à collaborer. Et si une majorité veut des mesures d’urgence, seul le Synode pourra en décider. »