Afrique du Sud: les Eglises réformées suisses font leur autocritique
12 octobre 2001
Pour la première fois depuis plus de dix ans, une délégation de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) s’est rendue dans l’ancien pays de l’apartheid
Le voyage a provoqué un véritable électrochoc dans les esprits et rappelé les errements du passé. Désormais engagée dans le combat pour l’annulation de la dette et la réouverture des archives politiques et financières, la Fédération se dit prête à examiner les relations qu’elle a entretenues avec les Eglises blanches d’Afrique du Sud durant la période ségrégationniste. Un travail de mémoire demandé depuis longtemps par les milieux missionnaires. Alors que sa délégation vient de rentrer d’Afrique du sud, la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) s’engage en faveur d’un travail de mémoire sur l’attitude politique et économique de la Suisse face à l’apartheid. Voilà qui passera par une difficile autocritique. L’année dernière, on apprenait en effet qu’à l’image d’une partie du monde économique et politique de notre pays, les protestants suisses avaient entretenu des relations troubles avec le régime blanc de Pretoria.
§Caution moraleDe 1970 à 1985, au plus fort de la période ségrégationniste, la FEPS n’a jamais condamné l’apartheid et n’a pas davantage soutenu les mouvements de libération des Noirs. Tentant de concilier les revendications du peuple autochtone et celles des Afrikaner et de l’Eglise hollandaise blanche, se refusant à faire pression sur les banques et les entreprises qui investissaient massivement en Afrique du Sud, elle a cultivé un attentisme qui revenait à apporter sa caution morale aux dirigeants politiques et religieux de Pretoria.
Cette attitude a été vigoureusement critiquée, notamment par les œuvres d’entraide protestantes comme l’EPER. Théo Buss, secrétaire romand de Pain Pour le Prochain, se souvient : « Il existait une pression formidable de certains milieux économiques pour que la FEPS quitte le Conseil œcuménique (COE) qui s’était joint aux voix anti-apartheid. » D’autres connaisseurs du dossier expliquent les erreurs du passé par le fonctionnement fédéraliste du monde réformé helvétique. Par conviction ou crainte de voir de généreux donateurs couper les vivres, des Eglises – on cite par exemple Zurich ou Argovie - refusaient toute prise de position trop désapprobatrice. Ce qui a abouti à un vote des délégués cantonaux en faveur d’une « politique prudente » vis à vis de l’apartheid.
Le monde catholique, lui, s’est montré beaucoup plus ferme. En 1972, l’assemblée du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg a par exemple dénoncé « toute les formes de discrimination raciale et de politique d’apartheid. Tous les catholiques doivent collaborer à l’élimination de ces injustices. »
§Electrochoc salutairePour une partie de délégués, ce premier voyage de la FEPS en Afrique du Sud depuis plus de dix ans a eu l’effet d’un électrochoc. « La vision d’une situation sociale très difficile dans ce pays qui mise pourtant sur la réconciliation plutôt que sur la vengeance a marqué les esprits », raconte Anne-Catherine Miéville, membre du Conseil synodal vaudois. La Fédération protestante, déjà favorable à l’annulation de la dette qui pèse sur la reconstruction du pays, a décidé de soutenir l’initiative parlementaire qui réclame l’ouverture des archives fédérales et bancaires.
Cette prise de conscience, nécessaire et saluée comme telle, vient malheureusement un peu tard. Thomas Wipf, président du Conseil de la FEPS, le reconnaît: « Nous sommes peinés, en tant qu’Eglise, de ne pas avoir été plus fermes dans notre action envers ces hommes et ces femmes qui ont été victimes de l’apartheid. » Désormais, la Fédération protestante semble prête à battre sa coulpe et à entamer un dialogue interne pour mettre fin aux rancœurs qui enveniment depuis une vingtaine d’années ses relations avec les milieux missionnaires. Car comme le souligne Gottfried Locher, directeur du Département des relations extérieures de la FEPS, « ne pas refaire les mêmes erreurs dans le futur par rapport à d’autres pays et régimes nécessite une mise au point du passé ».
§Caution moraleDe 1970 à 1985, au plus fort de la période ségrégationniste, la FEPS n’a jamais condamné l’apartheid et n’a pas davantage soutenu les mouvements de libération des Noirs. Tentant de concilier les revendications du peuple autochtone et celles des Afrikaner et de l’Eglise hollandaise blanche, se refusant à faire pression sur les banques et les entreprises qui investissaient massivement en Afrique du Sud, elle a cultivé un attentisme qui revenait à apporter sa caution morale aux dirigeants politiques et religieux de Pretoria.
Cette attitude a été vigoureusement critiquée, notamment par les œuvres d’entraide protestantes comme l’EPER. Théo Buss, secrétaire romand de Pain Pour le Prochain, se souvient : « Il existait une pression formidable de certains milieux économiques pour que la FEPS quitte le Conseil œcuménique (COE) qui s’était joint aux voix anti-apartheid. » D’autres connaisseurs du dossier expliquent les erreurs du passé par le fonctionnement fédéraliste du monde réformé helvétique. Par conviction ou crainte de voir de généreux donateurs couper les vivres, des Eglises – on cite par exemple Zurich ou Argovie - refusaient toute prise de position trop désapprobatrice. Ce qui a abouti à un vote des délégués cantonaux en faveur d’une « politique prudente » vis à vis de l’apartheid.
Le monde catholique, lui, s’est montré beaucoup plus ferme. En 1972, l’assemblée du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg a par exemple dénoncé « toute les formes de discrimination raciale et de politique d’apartheid. Tous les catholiques doivent collaborer à l’élimination de ces injustices. »
§Electrochoc salutairePour une partie de délégués, ce premier voyage de la FEPS en Afrique du Sud depuis plus de dix ans a eu l’effet d’un électrochoc. « La vision d’une situation sociale très difficile dans ce pays qui mise pourtant sur la réconciliation plutôt que sur la vengeance a marqué les esprits », raconte Anne-Catherine Miéville, membre du Conseil synodal vaudois. La Fédération protestante, déjà favorable à l’annulation de la dette qui pèse sur la reconstruction du pays, a décidé de soutenir l’initiative parlementaire qui réclame l’ouverture des archives fédérales et bancaires.
Cette prise de conscience, nécessaire et saluée comme telle, vient malheureusement un peu tard. Thomas Wipf, président du Conseil de la FEPS, le reconnaît: « Nous sommes peinés, en tant qu’Eglise, de ne pas avoir été plus fermes dans notre action envers ces hommes et ces femmes qui ont été victimes de l’apartheid. » Désormais, la Fédération protestante semble prête à battre sa coulpe et à entamer un dialogue interne pour mettre fin aux rancœurs qui enveniment depuis une vingtaine d’années ses relations avec les milieux missionnaires. Car comme le souligne Gottfried Locher, directeur du Département des relations extérieures de la FEPS, « ne pas refaire les mêmes erreurs dans le futur par rapport à d’autres pays et régimes nécessite une mise au point du passé ».