Enquête auprès des Eglises romandes en réorganisation : Pas touche aux paroisses
24 octobre 2001
Depuis quelques années, trois des Eglises réformées romandes ont entrepris une réorganisation
A l’heure où la partie francophone des Eglises réformées Berne-Jura s’engage dans un processus analogue, l’occasion est donnée de prendre un peu de recul et de comparer les efforts de changement entrepris à Genève, dans les cantons de Vaud et Neuchâtel. Quoi de neuf, docteur?Les Eglises réformées sont à côté de la plaque: c’est le constat quasi unanime des responsables de chacune de ces institutions séculaires. Voilà pourquoi les Eglises des cantons de Genève, Vaud et plus récemment de Neuchâtel ont entrepris leur mue. En ordre dispersé, comme il se doit en protestantisme, mais avec le souci d’une large concertation démocratique. Priorité absolue est accordée aux questions de structures. Pour voir émerger un véritable renouvellement du discours et des pratiques, il faudra encore attendre les effets de ces réorganisations.
Dès le milieu des années nonante, ce sont les problèmes financiers qui ont provoqué la crise. En 1997, l’Eglise genevoise est contrainte de supprimer 20% de ses postes pastoraux. Elle perd encore quelque mille contributeurs par année. Il ne lui en reste aujourd’hui plus que 12'000. Dans le canton de Vaud, c’est l’Etat qui ordonne une baisse générale du budget de 10%. Dans les deux cantons, il faut nécessairement prendre le taureau par les cornes et faire mieux avec moins de moyens. Maîtres mots des processus envisagés: efficacité et rationalisation du travail.
Les options retenues n’abordent pas une réflexion franchement créative et novatrice. «On a l’impression qu’on essaie de colmater les trous d’un bateau en train de couler», déplore une déléguée de paroisse au Consistoire de Genève. Au bout du lac, des trois projets d’emblée posés sur la table, c’est le moins audacieux qui s’est très vite imposé. «On n’a pas osé toucher aux formes de présence habituelles de l’Eglise, avoue l’animateur de jeunesse Roland Benz. Il n’y a donc pas de grandes révolutions.» L’analyse est confirmée par la circulaire «Repères» qui informe les partenaires genevois au sujet des nouvelles structures: «Pratiquement, rien n’a changé pour le communs des mortels» souligne un commentaire de février 1999. La plupart des activités ordinaires et le langage classique perdurent. C’est surtout la manière de travailler qu’on a cherché à faire évoluer. Dans ce cadre, la collaboration interparoissiale fait office de planche de salut.
§Pas touche aux paroissesUnanimement,les paroisses sont jugées trop petites pour répondre aux défis actuels. «Il n’y a plus assez de personnes disponibles pour assumer les fonctions institutionnelles, explique la présidente du Conseil synodal neuchâtelois, Isabelle Ott-Bächler. Les paroisses s’essoufflent à faire tourner une machine lourde et complexe. Les Conseils paroissiaux s’occupent beaucoup trop des questions d’intendance. Il s’agit de leur donner la possibilité de se recentrer sur une réflexion de fond.» Mais le courage - ou la volonté - de remettre sérieusement en cause la structure paroissiale traditionnelle n’existe pas. Même si chacun semble conscient qu’une couverture purement géographique de la population ne répond plus à un travail pastoral satisfaisant, les projets genevois et neuchâtelois conservent aux paroisses leur rôle d’ossature fondamentale. Le pasteur vaudois Jean-Michel Sordet confirme: «Le poids historique des paroisses est tel qu’elles constitueront encore longtemps le maillon fort de nos Eglises.» Isabelle Ott-Bächler renchérit: «Le système est bon. Il a fait ses preuves. L’essentiel, c’est de rassembler les forces.»
Voilà pourquoi les réorganisations misent principalement sur des fusions de paroisses ou la création de régions. A Neuchâtel, le projet EREN 2003, s’il est accepté par le synode en décembre prochain, devrait voir le nombre de paroisses passer de 52 actuellement, à 12 seulement. L’Eglise vaudoise a préféré choisir la voie d’une régionalisation: «On a pas mal transpiré, reconnaît Jean-Michel Sordet, coordinateur de la région de Morges. Mais depuis l’an 2000, nous avons structuré notre Eglise en 18 régions. Pour la Morges, nous sommes passés de 13 à 5 paroisses.» Avantages: les différentes possibilités de collaboration, notamment entre ministres, permettent d’envisager des projets plus amples. Les effets de synergie devraient dégager le temps et des forces pour créer du neuf.
§Oser tout de mêmeVœu pieux ou réalité? «Trop tôt pour le dire» répondent en chœur les responsables locaux. Un rapport indépendant commandé par l’Eglise genevoise en février 2000 révèle pourtant que «la fatigue et l’essoufflement» restent importants et ajoute: «Il serait plus adéquat de parler de découragement». Après quelques années de nouveau fonctionnement, les surcharges de travail restent importantes. Les régions peinent à se concrétiser. Le rapport conclut notamment à «la nécessité d’un projet institutionnel allant au-delà de l’organisation», qui permette de définir des priorités.
Malgré ce constat, certains frémissements laissent entrevoir un lent renouveau des pratiques. A Genève, un lieu de rencontre et de concert pour les jeunes, «Back-nef Café», s’est logé dans le Temple de Plainpalais. «On se risque à des projets plus vastes, confirme Roland Benz. Mais ce genre d’initiative existait déjà avant. Il est donc difficile de dire à quel point c’est une conséquence des restructurations.» Autre son de cloche dans le canton de Vaud: la redistribution des postes pastoraux a permis de créer quelques nouveaux services. «Sur les postes qui ont été attribués à notre région, nous avons, par exemple, choisi de consacrer un mi-temps à l’animation musicale liturgique, annonce Jean-Michel Sordet. Un projet d’action lié aux problèmes de solitude est également en réflexion.» Chaque région peut ainsi développer ses propres priorités. Au niveau cantonal, grâce à son tout nouveau «ministère de promotion», l’Eglise vaudoise se risque même sur des terrains peu habituels: un stand œcuménique sera présenté au Comptoir suisse; un site Internet «questiondieu.com» a été construit pour permettre au grand public d’exprimer ses interrogations; enfin, des cultes-débat auxquels participeront des invités «vedette» ont été initiés en septembre dernier.
§Aller plus loinDes initiatives qui restent modestes au regard des attentes exprimées, y compris à l’intérieur des institutions. Certaines voix se font entendre pour demander une réforme qui dépasse le domaine restreint des structures. «Le but ultime de nos adaptations, c’est bien un changement de mentalité, assure Isabelle Ott-Bächler. Il nous faut oser approcher ce qui nous est étranger, comme le monde des jeunes, ou celui des médias audio-visuels. Nous avons un rêve: celui de voir émerger des Eglises plus vivantes qui ne s’épuisent plus dans la gestion de bricoles.»
Les Eglises réformées de Suisse romande ont fait le choix du pragmatisme en touchant d’abord aux structures, suscitant parfois de la crainte, mais aussi des espoirs. Pour rester fidèle à leur vocation «réformée», ces vénérables institutions doivent trouver maintenant le courage de prolonger leur réorganisation par un renouvellement plus imaginatif du message et des activités.
Dès le milieu des années nonante, ce sont les problèmes financiers qui ont provoqué la crise. En 1997, l’Eglise genevoise est contrainte de supprimer 20% de ses postes pastoraux. Elle perd encore quelque mille contributeurs par année. Il ne lui en reste aujourd’hui plus que 12'000. Dans le canton de Vaud, c’est l’Etat qui ordonne une baisse générale du budget de 10%. Dans les deux cantons, il faut nécessairement prendre le taureau par les cornes et faire mieux avec moins de moyens. Maîtres mots des processus envisagés: efficacité et rationalisation du travail.
Les options retenues n’abordent pas une réflexion franchement créative et novatrice. «On a l’impression qu’on essaie de colmater les trous d’un bateau en train de couler», déplore une déléguée de paroisse au Consistoire de Genève. Au bout du lac, des trois projets d’emblée posés sur la table, c’est le moins audacieux qui s’est très vite imposé. «On n’a pas osé toucher aux formes de présence habituelles de l’Eglise, avoue l’animateur de jeunesse Roland Benz. Il n’y a donc pas de grandes révolutions.» L’analyse est confirmée par la circulaire «Repères» qui informe les partenaires genevois au sujet des nouvelles structures: «Pratiquement, rien n’a changé pour le communs des mortels» souligne un commentaire de février 1999. La plupart des activités ordinaires et le langage classique perdurent. C’est surtout la manière de travailler qu’on a cherché à faire évoluer. Dans ce cadre, la collaboration interparoissiale fait office de planche de salut.
§Pas touche aux paroissesUnanimement,les paroisses sont jugées trop petites pour répondre aux défis actuels. «Il n’y a plus assez de personnes disponibles pour assumer les fonctions institutionnelles, explique la présidente du Conseil synodal neuchâtelois, Isabelle Ott-Bächler. Les paroisses s’essoufflent à faire tourner une machine lourde et complexe. Les Conseils paroissiaux s’occupent beaucoup trop des questions d’intendance. Il s’agit de leur donner la possibilité de se recentrer sur une réflexion de fond.» Mais le courage - ou la volonté - de remettre sérieusement en cause la structure paroissiale traditionnelle n’existe pas. Même si chacun semble conscient qu’une couverture purement géographique de la population ne répond plus à un travail pastoral satisfaisant, les projets genevois et neuchâtelois conservent aux paroisses leur rôle d’ossature fondamentale. Le pasteur vaudois Jean-Michel Sordet confirme: «Le poids historique des paroisses est tel qu’elles constitueront encore longtemps le maillon fort de nos Eglises.» Isabelle Ott-Bächler renchérit: «Le système est bon. Il a fait ses preuves. L’essentiel, c’est de rassembler les forces.»
Voilà pourquoi les réorganisations misent principalement sur des fusions de paroisses ou la création de régions. A Neuchâtel, le projet EREN 2003, s’il est accepté par le synode en décembre prochain, devrait voir le nombre de paroisses passer de 52 actuellement, à 12 seulement. L’Eglise vaudoise a préféré choisir la voie d’une régionalisation: «On a pas mal transpiré, reconnaît Jean-Michel Sordet, coordinateur de la région de Morges. Mais depuis l’an 2000, nous avons structuré notre Eglise en 18 régions. Pour la Morges, nous sommes passés de 13 à 5 paroisses.» Avantages: les différentes possibilités de collaboration, notamment entre ministres, permettent d’envisager des projets plus amples. Les effets de synergie devraient dégager le temps et des forces pour créer du neuf.
§Oser tout de mêmeVœu pieux ou réalité? «Trop tôt pour le dire» répondent en chœur les responsables locaux. Un rapport indépendant commandé par l’Eglise genevoise en février 2000 révèle pourtant que «la fatigue et l’essoufflement» restent importants et ajoute: «Il serait plus adéquat de parler de découragement». Après quelques années de nouveau fonctionnement, les surcharges de travail restent importantes. Les régions peinent à se concrétiser. Le rapport conclut notamment à «la nécessité d’un projet institutionnel allant au-delà de l’organisation», qui permette de définir des priorités.
Malgré ce constat, certains frémissements laissent entrevoir un lent renouveau des pratiques. A Genève, un lieu de rencontre et de concert pour les jeunes, «Back-nef Café», s’est logé dans le Temple de Plainpalais. «On se risque à des projets plus vastes, confirme Roland Benz. Mais ce genre d’initiative existait déjà avant. Il est donc difficile de dire à quel point c’est une conséquence des restructurations.» Autre son de cloche dans le canton de Vaud: la redistribution des postes pastoraux a permis de créer quelques nouveaux services. «Sur les postes qui ont été attribués à notre région, nous avons, par exemple, choisi de consacrer un mi-temps à l’animation musicale liturgique, annonce Jean-Michel Sordet. Un projet d’action lié aux problèmes de solitude est également en réflexion.» Chaque région peut ainsi développer ses propres priorités. Au niveau cantonal, grâce à son tout nouveau «ministère de promotion», l’Eglise vaudoise se risque même sur des terrains peu habituels: un stand œcuménique sera présenté au Comptoir suisse; un site Internet «questiondieu.com» a été construit pour permettre au grand public d’exprimer ses interrogations; enfin, des cultes-débat auxquels participeront des invités «vedette» ont été initiés en septembre dernier.
§Aller plus loinDes initiatives qui restent modestes au regard des attentes exprimées, y compris à l’intérieur des institutions. Certaines voix se font entendre pour demander une réforme qui dépasse le domaine restreint des structures. «Le but ultime de nos adaptations, c’est bien un changement de mentalité, assure Isabelle Ott-Bächler. Il nous faut oser approcher ce qui nous est étranger, comme le monde des jeunes, ou celui des médias audio-visuels. Nous avons un rêve: celui de voir émerger des Eglises plus vivantes qui ne s’épuisent plus dans la gestion de bricoles.»
Les Eglises réformées de Suisse romande ont fait le choix du pragmatisme en touchant d’abord aux structures, suscitant parfois de la crainte, mais aussi des espoirs. Pour rester fidèle à leur vocation «réformée», ces vénérables institutions doivent trouver maintenant le courage de prolonger leur réorganisation par un renouvellement plus imaginatif du message et des activités.