Réfléchir aux dimensions éthiques des nouvelles technologies
Heinrich Bedford-Strohm, président du Conseil de l’Église protestante d’Allemagne (EKD), réclame la mise au point d’un code de déontologie pour les développeurs d’algorithmes. «Ce n’est qu’au niveau international qu’il est possible de mieux organiser le domaine du numérique», a-t-il déclaré au Service de presse protestant (EPD) en conclusion d’un voyage aux États-Unis. Ainsi, les questions de protection des données ou de sécurisation des serveurs ne peuvent être gérées que par-delà les frontières.
L’Église a selon lui pour devoir de s’impliquer dans le débat sur les défis des nouvelles technologies, engageant avec des sociétés comme Facebook ou Google un vrai dialogue sur leur responsabilité sociale. «La faculté de milliards de personnes à communiquer dépend des algorithmes de ces sociétés. Cela ne peut pas continuer ainsi.» L’institution religieuse offre un cadre tout à fait approprié pour réfléchir aux dimensions éthiques de la digitalisation: «Ces sujets font partie de l’ADN de l’Église.» Elle dispose par ailleurs déjà d’un réseau mondial qui rend possible ce type de discussion.
Il convient d’éviter que les communications privées comme publiques soient de plus en plus régies par la logique des algorithmes et perturbées par la montée des fake news et des messages de haine. «Tout cela influence la vie de la société, la poussant de plus en plus vers des bases de peur et non de confiance. Nous devons retrouver le contrôle sur le discours public.»
Réguler la digitalisation
Le théologien, représentant suprême des 21,5 millions de protestants allemands, estime que la sphère politique devrait mieux réguler la digitalisation croissante de la société. Il faudrait par exemple en limiter les usages militaires, notamment pour ce qui touche aux systèmes d’armes létales autonomes. Un ordinateur ne devrait jamais être amené à décider seul des cibles à viser. Les gouvernements doivent également gérer les mutations du monde du travail et les pertes d’emploi engendrées par les nouvelles technologies, de sorte à les concilier avec le bien de la collectivité.
Lors de son voyage sur la côte est des États-Unis, le président du Conseil de l’EKD a notamment visité plusieurs universités d’élite: Harvard, Princeton et Yale. Son intervention dans cette dernière a pris la forme d’une conférence sur «l’éthique de la digitalisation». Le numérique sera aussi l’un des sujets prioritaires du synode de cette année, qui se tiendra mi-novembre à Wurtzbourg.
Franziska Hein, New York/Francfort-sur-le-Main, EPD/Protestinter