Ils ont vu « La Passion » : premiers échos suisses
4 mars 2004
Mercredi soir à Genève, une centaine de personnes étaient invitées à une projection privée du film de Mel Gibson
Propos croisés entre enthousiasme et déception. Enfin, ils l’ont vu. Mercredi soir, une bonne centaine de spectateurs triés sur le volet ont pu assister à une projection privée de « La Passion du Christ » selon Mel Gibson. La séance était organisée par un groupe catholique traditionaliste, à la demande de la production désireuse d’anticiper les réactions du public suisse. Dans la salle, essentiellement des représentants de milieux chrétiens, ainsi que quelques personnalités politiques. Entre Grâce et souffranceFait désormais connu : La star hollywoodienne a voulu montrer l’étendue de la souffrance de Jésus depuis la trahison de Gethsémané jusqu’à la mise en croix sur le Mont Golgotha. Sans épargner la moindre goutte de sang au spectateur. Le choix du sujet comme les partis-pris artistiques avaient peu de chance de laisser indifférent ce public directement concerné. Et sans surprise, les avis sont assez tranchés. « Il faudrait parler plutôt de souffrance que de violence. Et elle me paraît tout sauf gratuite, souligne le pasteur de l’Eglise évangélique libre genevoise (EELG) Jean-Claude Kormann. S’il existe un film où cela revêt un sens, c’est bien celui-ci : le Christ qui porte les péchés du monde reste le cœur du message biblique ». Ainsi, analyse ce ministre, « La Passion » sera à Gibson ce que fut « La Liste de Schindler » pour Spielberg : « Son œuvre la plus personnelle, parce qu’elle raconte sa propre rencontre avec le Christ ». Et si la démarche recèle quelques inexactitudes, c’est parce qu’il s’agit « d’une oeuvre artistique réalisée avec le cœur, pas un travail de théologien ».
André Normandin, président de la Société évangélique de Genève (SEG), rejoint Jean-Claude Kormann pour affirmer que tout ce sang versé ne l’est pas en vain : « C’est vrai, certains seront dérangés. Mais cela nous secoue par rapport à la vision édulcorée que nous avons trop souvent de cet épisode. Les gestes barbares infligés à Jésus nous rappellent que l’être humain est prêt à toutes les cruautés. Le procès truqué nous remémore l’omniprésence du mal dans le monde. Des réalités humaines en résonance avec les Evangiles à travers une expérience presque mystique de la Passion ».
De son côté, le responsable du service protestant de la Radio suisse romande Michel Kocher se demande encore « quoi faire de ce chemin de Croix interminable, de cette caméra qui filme les souffrances de Jésus comme un film de guerre, à hauteur de lance et de blessures ». Responsable des jeunes au sein de l’EELG, Christophe Monnot évoque « des scènes de torture » détaillées avec un « plaisir sado-masochiste » qui lui rappellent « les messes du Moyen-Age ». Selon lui, il paraît évident que « c’est par les plaies du Christ que Mel Gibson a trouvé la rédemption, et non dans la grâce et la résurrection », ce qui ne correspond pas à sa propre compréhension de la Bonne Nouvelle. Même son de cloche auprès d’un autre pasteur de l’EELG, Thierry Bourgeois, s’avouant partagé par cette surenchère d’hémoglobine : « Dans ma compréhension, cette douleur ne prend son sens que par la Résurrection, à laquelle le film ne consacre pourtant que quelques secondes ».Pas d’antisémitismeLe long métrage choisit de revenir aux textes, faisant l’impasse sur quelques dizaines d’années de travail historico-critique. Pasteur réformé dans la Cité de Calvin, Blaise Menu parle d’une « lecture à la fois pieuse, catéchétique et très traditionaliste qui propose une interprétation figée comme étant la réalité ». Ce qui ne gêne nullement Jean-Claude Kormann : « Le respect du texte est évident, d’autant que le metteur en scène a eu l’humilité d’ôter les scènes qu’on lui signalait comme historiquement douteuses. Le christianisme doit davantage à la Tradition et à la Bible qu’aux théories exégétiques modernes d’ailleurs souvent en contradiction les unes avec les autres ». Exemple d’une lecture qualifiée à choix de respectueuse ou de caricaturale : Satan survient sous les traits d’un être androgyne, à la fois omniprésent et caché. « Une représentation trop naïve » pour certains. Le courage de montrer la « réalité du combat spirituel présent dans le monde » pour d’autres.
S’il existe en revanche un point faisant l’unanimité, c’est l’absence d’éléments antisémites dans ce long-métrage. « Je n’en ai vu nulle trace. Si certains Juifs croyants pourraient être choqués, ils le seraient tout autant en lisant le Nouveau Testament », relève Michel Kocher. Jean-Claude Kormann dénonce pour sa part « un faux procès, parce que ce film raconte justement que n’importe quel peuple aurait crucifié Jésus, que la responsable est notre nature humaine ».
Beaucoup des spectateurs d’un soir souhaitent que « La Passion » sorte sur les écrans suisses. Les moins convaincus notent que cela permettra au moins à tous de juger sur pièce. Les autres pensent que le film interpellera une partie du public. Blaise Menu, par exemple, se montre dubitatif devant cette tentative de « moderniser l’imaginaire chrétien », Jean-Blaise Kormann estime au contraire que les gens « seront rejoints grâce à l’impact des images qui constituent la culture dominante d’aujourd’hui ». La balle est maintenant dans les mains des distributeurs helvétiques, alors qu’Outre-Atlantique se confirme le succès attendu avec 125 millions de dollars recueillis en cinq jours d’exploitation.
André Normandin, président de la Société évangélique de Genève (SEG), rejoint Jean-Claude Kormann pour affirmer que tout ce sang versé ne l’est pas en vain : « C’est vrai, certains seront dérangés. Mais cela nous secoue par rapport à la vision édulcorée que nous avons trop souvent de cet épisode. Les gestes barbares infligés à Jésus nous rappellent que l’être humain est prêt à toutes les cruautés. Le procès truqué nous remémore l’omniprésence du mal dans le monde. Des réalités humaines en résonance avec les Evangiles à travers une expérience presque mystique de la Passion ».
De son côté, le responsable du service protestant de la Radio suisse romande Michel Kocher se demande encore « quoi faire de ce chemin de Croix interminable, de cette caméra qui filme les souffrances de Jésus comme un film de guerre, à hauteur de lance et de blessures ». Responsable des jeunes au sein de l’EELG, Christophe Monnot évoque « des scènes de torture » détaillées avec un « plaisir sado-masochiste » qui lui rappellent « les messes du Moyen-Age ». Selon lui, il paraît évident que « c’est par les plaies du Christ que Mel Gibson a trouvé la rédemption, et non dans la grâce et la résurrection », ce qui ne correspond pas à sa propre compréhension de la Bonne Nouvelle. Même son de cloche auprès d’un autre pasteur de l’EELG, Thierry Bourgeois, s’avouant partagé par cette surenchère d’hémoglobine : « Dans ma compréhension, cette douleur ne prend son sens que par la Résurrection, à laquelle le film ne consacre pourtant que quelques secondes ».Pas d’antisémitismeLe long métrage choisit de revenir aux textes, faisant l’impasse sur quelques dizaines d’années de travail historico-critique. Pasteur réformé dans la Cité de Calvin, Blaise Menu parle d’une « lecture à la fois pieuse, catéchétique et très traditionaliste qui propose une interprétation figée comme étant la réalité ». Ce qui ne gêne nullement Jean-Claude Kormann : « Le respect du texte est évident, d’autant que le metteur en scène a eu l’humilité d’ôter les scènes qu’on lui signalait comme historiquement douteuses. Le christianisme doit davantage à la Tradition et à la Bible qu’aux théories exégétiques modernes d’ailleurs souvent en contradiction les unes avec les autres ». Exemple d’une lecture qualifiée à choix de respectueuse ou de caricaturale : Satan survient sous les traits d’un être androgyne, à la fois omniprésent et caché. « Une représentation trop naïve » pour certains. Le courage de montrer la « réalité du combat spirituel présent dans le monde » pour d’autres.
S’il existe en revanche un point faisant l’unanimité, c’est l’absence d’éléments antisémites dans ce long-métrage. « Je n’en ai vu nulle trace. Si certains Juifs croyants pourraient être choqués, ils le seraient tout autant en lisant le Nouveau Testament », relève Michel Kocher. Jean-Claude Kormann dénonce pour sa part « un faux procès, parce que ce film raconte justement que n’importe quel peuple aurait crucifié Jésus, que la responsable est notre nature humaine ».
Beaucoup des spectateurs d’un soir souhaitent que « La Passion » sorte sur les écrans suisses. Les moins convaincus notent que cela permettra au moins à tous de juger sur pièce. Les autres pensent que le film interpellera une partie du public. Blaise Menu, par exemple, se montre dubitatif devant cette tentative de « moderniser l’imaginaire chrétien », Jean-Blaise Kormann estime au contraire que les gens « seront rejoints grâce à l’impact des images qui constituent la culture dominante d’aujourd’hui ». La balle est maintenant dans les mains des distributeurs helvétiques, alors qu’Outre-Atlantique se confirme le succès attendu avec 125 millions de dollars recueillis en cinq jours d’exploitation.