La voix du protestantisme en Valais
7 juillet 2004
18’000 protestants dispersés entre plaine et vallées : l’Eglise réformée évangélique du Valais (EREV) représente une minorité ( 5% de la population) en constante expansion
Reconnue comme Eglise de droit public par un vote populaire en 1974, elle jouit des mêmes prérogatives que l’Eglise catholique depuis 1993 seulement. A l’heure de l’œcuménisme, les protestants valaisans ne se situent plus contre le catholicisme mais souhaitent être mieux reconnus. Ou moins ignorés. Portrait d’une minorité qui a participé à la construction du Valais moderne. Des Eglises en expansion à l’heure actuelle, c’est plutôt rare. L’Eglise réformée évangélique du Valais (EREV) fait partie de celles-là. Elle a été implantée au 19e siècle par des protestants venus s’établir dans une région alors en plein chamboulement politique. La Constitution de 1848 ne leur accordant pas la liberté de culte, ils s’organisent comme ils peuvent en dépit de leur petit nombre, de leur éparpillement et de leur bilinguisme. Ils sont aidés par des sociétés de secours aux protestants disséminés qui se créent dans les cantons de Berne, de Genève et de Vaud.
Le développement de l’économie valaisanne entraîne l’arrivée de nombreux protestants. Des associations protestantes se créent à Sierre, Brigue, Sion, Saxon et Martigny, equi se regroupent en une fédération. Mais ce n’est qu’en 1949 que l’Eglise réformée évangélique valaisanne voit le jour, réunissant toutes les paroisses réparties sur le territoire valaisan, de Brigue au Bouveret.
Aujourd’hui, des protestants s’installent régulièrement dans le canton : cadres engagés dans l’industrie et le domaine médical et hospitalier, mais aussi retraités séduits par les charmes du Valais. En été, les touristes étoffent les rangs des assemblées dans les temples. Pour les accueillir, les paroisses de Sion et de Sierre ont instauré un service dominical en hollandais et un autre en allemand. Elles assurent aussi une présence dans les campings de la région. Dans les stations, des services protestants sont assurés pendant la saison touristique.Protestants ignorés par… ignorance Les nouveaux arrivants sont souvent tiraillés entre leur désir de se fondre dans le paysage et celui d’affirmer leur identité protestante dans une société qui a tendance à l’ignorer, souvent par méconnaissance. « Dans ce canton à forte majorité catholique, les réformés ont un fort sentiment d’appartenance confessionnelle, ils sont fiers d’être protestants », constate Pierre-Alain Mischler, diacre des paroisses de Martigny et Saxon.
« Je faisais partie du chœur de ma commune, témoigne ce réformé valaisan, je n’hésitais pas à chanter lors de célébrations catholiques jusqu’au jour où, au cours d’une messe à laquelle nous avions participé, je me suis vu refuser la communion ». Le sentiment d’exclusion a poussé cet homme jusque-là très discret, à se battre pour qu’on le considère comme faisant partie, avec les siens, de la grande famille chrétienne valaisanne. « La reconnaissance du protestantisme dans la société civile comme une composante normale est aujourd’hui encore problématique, quand bien même nous avons établi des rapports de confiance avec la pastorale catholique de secteur », reconnaît Didier Halter, pasteur de la paroisse de Sion et président du Conseil synodal.
Le pasteur d’origine alsacienne, formé à la théologie aux universités de Strasbourg et Genève, rappelle le rôle important joué par l’école dans la constitution de l’identité protestante en Valais. « A Sion, l’école a précédé l’édification du temple, rappelle-t-il depuis son fief en pleine ville. Et de raconter comment tout à commencé : en 1837 , trois familles de Sion, soucieuses de donner une instruction conforme à leur foi réformée à leurs enfants, s’adressent à un régent de Saanen pour qu’il ouvre une classe dans leur ville. L’instituteur réformé accepte la mission et s’installe au Cheval Blanc. Il invite régulièrement des pasteurs des autres cantons à venir prêcher dans une arrière-salle de bistrot. En 1844, un autre enseignant, qui avait tenu l’école protestante de Fribourg, prend la relève. Des prédicateurs de passage, dont Louis Segond, traducteur de la fameuse bible portant son nom, se relaient à Sion, jusqu’à ce qu’y soit décidée la création d’un véritable poste pastoral. On fait appel à un pasteur appenzellois, Emmanuel Schiess, qui en devient le premier titulaire dès 1858. Il n’a ni temple ni logement décent pour caser ses neuf enfants, mais il sillonne infatigablement sa paroisse - qui s’étend de Martigny au Glacier du Rhône, sans oublier les vallées latérales - en diligence ou avec le cheval du cordonnier. Ce n’est que vingt ans plus tard que démarre la construction du premier temple protestant valaisan, à l’endroit où se dresse aujourd’hui le sanctuaire moderne dont la disposition des bancs forme un demi-cercle symbolisant la communauté rassemblée. Suivront en 1901 la construction de la chapelle protestante des Mayens de Sion puis celle du temple de Sierre qui fêtera son centenaire l’année prochaine.
« Vivant en situation de diaspora, les protestants ont un fort besoin de cohésion et ont de ce fait beaucoup de plaisir à se retrouver, témoigne Pierre-Alain Mischler. Le rassemblement annuel de la Journée protestante et le mensuel bilingue « Présence protestante » servent de lien entre les douze paroisses de l’EREV. L’oecuménisme va bon trainLa Semaine de prière pour l’unité des chrétiens est également un temps fort pour les réformés valaisans, très attachés au dialogue œcuménique avec les catholiques. Qui va bon train dans le Bas-Valais : catholiques et protestants se retrouvent régulièrement pour célébrer le 1er août, allumer les feux de l’Avent et vivre ensemble différentes célébrations. « Nous sommes très proches les uns des autres », constate Josette Savary, présidente de la commission œcuménique à Monthey. « Le climat œcuménique est excellent », estime pour sa part le pasteur René Nyffeler en charge de la paroisse de Sierre. « Nous avons tissé des rapports de confiance avec nos collègues catholiques », résume Didier Halter à Sion qui reconnaît qu’ici et là, le dialogue se crispe. Le raidissement de la hiérarchie catholique concernant l’hospitalité eucharistique, la dernière encyclique de Jean-Paul ll ,«L’Eglise vit de l’Eucharistie », publiée en avril 2003, ont jeté un froid. « Il y a un décalage certain entre la hiérarchie et ce qui se passe sur le terrain, reconnaît Pierre-Alain Mischler, et nous avons parfois des désaccords sans que cela menace nos liens. Au sein même du protestantisme valaisan, il y une grande diversité, certains sont d’origine luthérienne, comme le pasteur Didier Halter, d’autres, venus de Suisse alémaniques, sont issu du mouvement de Zwingli, d’autres encore, comme moi, sont calvinistes. Ce pluralisme nous a appris l’accueil mutuel ».
Le diacre de Martigny est convaincu que l’oecuménisme valaisan est avant tout une histoire d’amitié qu’aucune affaire, à l’instar de celle déclenchée par l’adoption en Valais du manuel d’enseignement des religions édité par EnBiro, et attisée par la section valaisanne de l’UDC, ne peut briser. « Je suis persuadé que l’œcuménisme est irréversible et ne peut que nous enrichir », affirme pour sa part un catholique de base qui prend une part active au rapprochement des confessions.
Le développement de l’économie valaisanne entraîne l’arrivée de nombreux protestants. Des associations protestantes se créent à Sierre, Brigue, Sion, Saxon et Martigny, equi se regroupent en une fédération. Mais ce n’est qu’en 1949 que l’Eglise réformée évangélique valaisanne voit le jour, réunissant toutes les paroisses réparties sur le territoire valaisan, de Brigue au Bouveret.
Aujourd’hui, des protestants s’installent régulièrement dans le canton : cadres engagés dans l’industrie et le domaine médical et hospitalier, mais aussi retraités séduits par les charmes du Valais. En été, les touristes étoffent les rangs des assemblées dans les temples. Pour les accueillir, les paroisses de Sion et de Sierre ont instauré un service dominical en hollandais et un autre en allemand. Elles assurent aussi une présence dans les campings de la région. Dans les stations, des services protestants sont assurés pendant la saison touristique.Protestants ignorés par… ignorance Les nouveaux arrivants sont souvent tiraillés entre leur désir de se fondre dans le paysage et celui d’affirmer leur identité protestante dans une société qui a tendance à l’ignorer, souvent par méconnaissance. « Dans ce canton à forte majorité catholique, les réformés ont un fort sentiment d’appartenance confessionnelle, ils sont fiers d’être protestants », constate Pierre-Alain Mischler, diacre des paroisses de Martigny et Saxon.
« Je faisais partie du chœur de ma commune, témoigne ce réformé valaisan, je n’hésitais pas à chanter lors de célébrations catholiques jusqu’au jour où, au cours d’une messe à laquelle nous avions participé, je me suis vu refuser la communion ». Le sentiment d’exclusion a poussé cet homme jusque-là très discret, à se battre pour qu’on le considère comme faisant partie, avec les siens, de la grande famille chrétienne valaisanne. « La reconnaissance du protestantisme dans la société civile comme une composante normale est aujourd’hui encore problématique, quand bien même nous avons établi des rapports de confiance avec la pastorale catholique de secteur », reconnaît Didier Halter, pasteur de la paroisse de Sion et président du Conseil synodal.
Le pasteur d’origine alsacienne, formé à la théologie aux universités de Strasbourg et Genève, rappelle le rôle important joué par l’école dans la constitution de l’identité protestante en Valais. « A Sion, l’école a précédé l’édification du temple, rappelle-t-il depuis son fief en pleine ville. Et de raconter comment tout à commencé : en 1837 , trois familles de Sion, soucieuses de donner une instruction conforme à leur foi réformée à leurs enfants, s’adressent à un régent de Saanen pour qu’il ouvre une classe dans leur ville. L’instituteur réformé accepte la mission et s’installe au Cheval Blanc. Il invite régulièrement des pasteurs des autres cantons à venir prêcher dans une arrière-salle de bistrot. En 1844, un autre enseignant, qui avait tenu l’école protestante de Fribourg, prend la relève. Des prédicateurs de passage, dont Louis Segond, traducteur de la fameuse bible portant son nom, se relaient à Sion, jusqu’à ce qu’y soit décidée la création d’un véritable poste pastoral. On fait appel à un pasteur appenzellois, Emmanuel Schiess, qui en devient le premier titulaire dès 1858. Il n’a ni temple ni logement décent pour caser ses neuf enfants, mais il sillonne infatigablement sa paroisse - qui s’étend de Martigny au Glacier du Rhône, sans oublier les vallées latérales - en diligence ou avec le cheval du cordonnier. Ce n’est que vingt ans plus tard que démarre la construction du premier temple protestant valaisan, à l’endroit où se dresse aujourd’hui le sanctuaire moderne dont la disposition des bancs forme un demi-cercle symbolisant la communauté rassemblée. Suivront en 1901 la construction de la chapelle protestante des Mayens de Sion puis celle du temple de Sierre qui fêtera son centenaire l’année prochaine.
« Vivant en situation de diaspora, les protestants ont un fort besoin de cohésion et ont de ce fait beaucoup de plaisir à se retrouver, témoigne Pierre-Alain Mischler. Le rassemblement annuel de la Journée protestante et le mensuel bilingue « Présence protestante » servent de lien entre les douze paroisses de l’EREV. L’oecuménisme va bon trainLa Semaine de prière pour l’unité des chrétiens est également un temps fort pour les réformés valaisans, très attachés au dialogue œcuménique avec les catholiques. Qui va bon train dans le Bas-Valais : catholiques et protestants se retrouvent régulièrement pour célébrer le 1er août, allumer les feux de l’Avent et vivre ensemble différentes célébrations. « Nous sommes très proches les uns des autres », constate Josette Savary, présidente de la commission œcuménique à Monthey. « Le climat œcuménique est excellent », estime pour sa part le pasteur René Nyffeler en charge de la paroisse de Sierre. « Nous avons tissé des rapports de confiance avec nos collègues catholiques », résume Didier Halter à Sion qui reconnaît qu’ici et là, le dialogue se crispe. Le raidissement de la hiérarchie catholique concernant l’hospitalité eucharistique, la dernière encyclique de Jean-Paul ll ,«L’Eglise vit de l’Eucharistie », publiée en avril 2003, ont jeté un froid. « Il y a un décalage certain entre la hiérarchie et ce qui se passe sur le terrain, reconnaît Pierre-Alain Mischler, et nous avons parfois des désaccords sans que cela menace nos liens. Au sein même du protestantisme valaisan, il y une grande diversité, certains sont d’origine luthérienne, comme le pasteur Didier Halter, d’autres, venus de Suisse alémaniques, sont issu du mouvement de Zwingli, d’autres encore, comme moi, sont calvinistes. Ce pluralisme nous a appris l’accueil mutuel ».
Le diacre de Martigny est convaincu que l’oecuménisme valaisan est avant tout une histoire d’amitié qu’aucune affaire, à l’instar de celle déclenchée par l’adoption en Valais du manuel d’enseignement des religions édité par EnBiro, et attisée par la section valaisanne de l’UDC, ne peut briser. « Je suis persuadé que l’œcuménisme est irréversible et ne peut que nous enrichir », affirme pour sa part un catholique de base qui prend une part active au rapprochement des confessions.