Des fauteuils pour sauver le cinéma africain

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Des fauteuils pour sauver le cinéma africain

10 mars 2010
Genève - Bamako compte plus deux millions d'habitants et pourtant il est presque impossible d'assister à une séance de cinéma. Le réalisateur Abderrahmane Sissako et la comédienne Juliette Binoche espèrent reconstruire une salle grand écran dans la capitale malienne. Pour financer le projet, leur association « Des cinémas pour l'Afrique » espère vendre symboliquement les 420 fauteuils de la future salle. Ils ont profité du Festival du film et forum international pour les droits humains à Genève pour venir présenter leur projet.

Par Julien Baumann

Sur l'ensemble du continent africain, le constat est encore plus effrayant qu'à Bamaka. Selon le cinéaste mauritanien Abderrahme Sissako, il ne resterait aujourd'hui qu'une cinquantaine de lieux où des films sont encore projetés. Seuls les pays du Maghreb et de l'Afrique du Sud s'en tirent à meilleur compte.

Pour tenter de redresser cette situation catastrophique, Abderrahme Sissako et l'actrice française Juliette Binoche ont fondé en mai 2009 l'association « Des cinémas pour l'Afrique ». Le but est de rénover le Soudan Ciné, laissé à l'abandon depuis quatorze ans au cœur de la capitale malienne.

Le projet prévoit une salle polyvalente de 420 places pouvant accueillir aussi bien des projections de films en numérique que des spectacles en tout genre. L'objectif à terme est de faire de ce complexe un lieu de rencontre et de création artistique.

Aidez l'Afrique grâce à la culture

« Il ne faut pas que l'on vienne en aide à l'Afrique uniquement avec des grains de riz et des publicités montrant la famine. Le continent a besoin de se développer culturellement. C'est à travers la lumière que nous voulons reconstruire l'Afrique » a déclaré dimanche Juliette Binoche. « Le destin d'un film, c'est d'être en salle » a affirmé pour sa part Abderrahmane Sissako.

L'association veut donc redonner la possibilité aux réalisateurs de voir leurs films projetés devant le public local. C'est, selon le cinéaste, la condition si ne qua non au développement de la production cinématographique. Si le projet aboutit, l'association espère faire des émules un peu partout en Afrique.

« L'idée est que notre initiative suscite l'intérêt d'autres pays qui eux aussi veulent faire renaître leurs salles de cinéma. Ensuite nous pourrons proposez nos compétences afin de les y aider » nous a confié Abderrahmane Sissako. Le problème majeur selon lui est qu'il n'existe plus en Afrique de véritable politique culturelle. L'association espère que la réhabilitation d'un tel lieu permettra peu à peu de sortir de l'impasse.

Le cinéma numérique, une chance

Abderrahmane Sissako est persuadé que les nouvelles technologies vont donner un coup de fouet à la production et la distribution de films africains. Le cinéma numérique permet non seulement de réduire les coûts d'exploitation, mais aussi de distribuer plus rapidement les copies. Le matériel de prise de vue est aussi devenu plus léger et moins coûteux.

Le cinéaste constate d'ailleurs une croissance du nombre de documentaires africains depuis quelques années. Cela dit, le cinéaste n'est pas dupe : « Il ne suffit pas de construire des infrastructures, il faut aussi mettre en place une politique de distribution et de promotion. Il faut véritablement que l'on puisse créer une dynamique qui permette aux artistes de rencontrer leur public ».

Quelque soit la technologie utilisée, les futurs exploitants du Soudan Ciné devront donc s'efforcer de mettre en place un programme susceptible d'attirer le plus grand nombre de spectateurs. Pour l'instant il est prévu de privilégier le cinéma d'auteur, africain principalement, mais aussi les œuvres du monde entier, de moins en moins programmées en Afrique.

Le chemin est encore long

Grâce à la notoriété de Juliette Binoche, l'association jouit d'une bonne visibilité médiatique. Le projet a également reçu le soutien de nombreuses sociétés et du Ministère de la culture du Mali.  Cependant, la recherche de fonds semble progresser difficilement.

Depuis le lancement de l'action, seuls une cinquantaine de sièges sur les 420 nécessaires à la réalisation du projet ont été vendus. Sur place, le Soudan Ciné est toujours en ruine. Il faudra sans doute attendre encore longtemps avant que les cinémas de Bamako et d'autres capitales africaines retrouvent leur public.

Abderrahmane Sissako

  • 1961 : Naissance à Kiffa en Mauritanie. Sa famille migre au Mali
    lorsqu'il est encore très jeune.
  • 1983 : Etudes à l'Institut d'État du cinéma à Moscou.
  • 1993 : Octobre, son premier long métrage est présenté à Cannes
    dans la compétition Un certain regard.
  • 1998 : La vie sur terre est projeté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes.
  • 2002 : Prix de la critique internationale à Cannes pour En attendant le bonheur.
  • 2006 : Bamako est salué par la critique et par le public.
  • 2007 : Le cinéaste est choisi comme jury du Festival de Cannes.

    Davantage d'informations sur le projet sous: www.descinemaspourlafrique.com