Aéroport de Genève: un cagibi pour la prière
La zone internationale de l'aéroport est coupée du reste du monde et retient les individus qui n'ont pas la chance d'avoir des papiers en règle. Dans cet espace clos, l'aumônerie œcuménique et d'autres associations s'activent pour apporter écoute et soutien à ceux qui espèrent bientôt trouver un pays d'accueil.
Après l'entrée de la Suisse dans l'Espace Schengen, l'aéroport s'est scindé en deux zones. Le seul local permettant désormais de répondre aux besoins spirituels des requérants est un réduit d'environ quatre mètres carré. « Nous n'avons même pas pris la peine d'aménager ce cagibi », lance l'aumônière protestante Anne-Madeleine Reinmann lors d'une visite la semaine dernière. La chapelle qu'il pouvait fréquenter auparavant, est désormais inatteignable, car elle se situe dans la zone réservée aux voyageurs de l'espace Schengen, donc interdite aux voyageurs en provenance du reste du monde.
L'aéroport et l'ODM se renvoient la balle
L'aéroport ne semble pas être responsable de ce manquement. Selon Anita Filli de la direction, c'est au niveau légal que se situe le problème : « Ce n'est pas de notre faute. Au moment où les changements ont dû être opérés, aucune demande concernant un lieu de recueillement n'a été formulée ». Elle affirme encore que cette minuscule chambre était la seule que l'aéroport était en mesure de fournir à l'aumônerie.
Le futur agrandissement de l'aile est du terminal devrait pallier ce manque. Seulement, la fin des travaux n'est pas prévue avant au moins cinq ans. Présents lors de la visite, les représentants des Eglises catholique chrétienne, catholique romaine et protestante jugent qu'une solution provisoire est absolument nécessaire.
Anne-Madeleine Reinmann est quelque peu perplexe, car l'Office fédéral des migrations (ODM) et l'aéroport semblent se renvoyer la balle. « Nous avons fait des demandes auprès de l'ODM mais les réponses sont insatisfaisantes » regrette-t-elle. Anita Filli répond que l'aéroport ne peut que proposer des infrastructures et que ce serait à l'ODM de donner une impulsion.
Soixante jours d'attente
Les demandeurs d'asile qui arrivent dans la zone internationale peuvent y rester jusqu'à deux mois. Ensuite, si aucune procédure n'a abouti, ils sont soit emprisonnés en vue de leur renvoi, soit dirigés vers l'aide d'urgence. Le passage au régime Schengen a réduit de 90% la place réservée aux passagers internationaux à l'aéroport de Genève.
Les requérants d'asile peuvent désormais vadrouiller dans une salle d'attente et dans les locaux leur étant réservés. Mais cette transition n'a pas seulement provoqué des inconvénients. Les professionnels qui travaillent sur place s'accordent à dire que les infrastructures d'accueil se sont nettement améliorées.
Les réfugiés ont droit à des dortoirs propres et dotés de fenêtres. Un espace commun avec télévision et vue sur l'extérieur a été aménagé. Il leur est aussi permis de prendre l'air sur une terrasse grillagée située sur le toit du bâtiment. La nourriture servie est de bien meilleure qualité selon Anne-Madeleine Reinmann. Et d'ajouter qu'ils ont la possibilité de faire eux-même la cuisine.
Le nouvel espace réservé aux requérants peut accueillir 24 personnes au maximum, mais les lits n'ont jamais été tous occupés. A l'heure où nous avons fait la visite, deux personnes étaient en attente dans la zone internationale. Elles devaient s'en aller dans les prochains jours. Mme Reinmann nous a confié qu'avant le dernier jour passé sur place, les requérants ne savaient pas exactement où ils allaient être dirigés par la suite.
Une nécessité
Pour les Eglises, l'écoute et le recueillement est une façon d'aider tant bien que mal ces personnes qui vivent cette longue attente au milieu de nulle part. Des locaux adaptés sont donc nécessaires. « Les requérants sont souvent des personnes de grande foi, explique l'aumônière. Les musulmans, par exemple, ont besoin d'un lieu pour prier plusieurs fois par jour ». La question qui reste en suspens est de savoir l'importance qu'accorde l'État aux besoins spirituels des requérants.
Immigration en chiffre
Selon l'ODM, 281 demandes d'asile ont été déposées dans les aéroports suisses en 2009. Au total, 119 personnes ont demandé l'asile à Genève. Parmi elles, 76 ont été autorisées à entrer en Suisse pour la poursuite de l'examen de leur demande d'asile, 11 ont été placées à l'aide d'urgence du canton de Genève en tant que déboutées, 7 ont été emprisonnées à Fambois en vue de leur renvoi, 14 se sont enfuies et 7 sont parties de leur plein gré.
L'entrée de la Suisse dans l'Espace Schengen a entraîné un nouveau régime de contrôle dans les aéroports dès le 29 mars 2009. Ce changement a provoqué une baisse des demandes de 40,9% en une année à Genève. La même tendance a été constatée à Zurich.
Cette transition a profondément changé la répartition des demandes selon les origines des réfugiés. Les requêtes de personne provenant du Nigeria ont pratiquement disparu. Les ressortissants tamouls venu du Sri Lanka représentent le quart de l'effectif tandis que l'on dénombre 14% d'Afghans et 8% d'Ivoiriens. L'association ELISA, qui apporte une aide juridique aux requérants d'asile, constate que l'entrée en vigueur de la libre circulation a provoqué une surveillance accrue entre les zones de transit à l'aéroport. Le nombre de personnes qui réussissent à prendre la fuite est quasi nulle depuis une année.