La mue tout en douceur du Musée international de la Réforme à Genève

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La mue tout en douceur du Musée international de la Réforme à Genève

Samuel Ramuz
6 novembre 2010
Le Musée international de la Réforme (MiR) prend ses aises. Le 6 novembre, l'institution genevoise ouvre au public trois salles flambant neuves qui montrent les racines modernes des mutations du protestantisme contemporain. Ses sources de financement, elles, restent toujours privées. Visite guidée.

Simona Sala déroule soigneusement la précieuse lettre. En ce dernier vendredi d'octobre, la jeune conservatrice du Musée international de la Réforme (MiR) arrive tout juste de Bâle. Le prêt de la Bibliothèque universitaire de la ville rhénane au MiR est inestimable: l'original d'une missive du théologien allemand Friedrich Schleiermacher (XIXe s.).

« Cette lettre adressée au Professeur Paulus de l'Université de Würzburg marque un tournant dans la vie du fondateur du néoprotestantisme », s'enthousiasme Olivier Fatio, commissaire du projet d'agrandissement. Le professeur honoraire de théologie dans la Cité de Calvin a le sourcil qui frétille: l'ouverture des trois nouvelles salles (XIXe, XXe et XXIe s.) de « son » musée est imminent.

« Cette extension marque notre envie de toujours mieux montrer pourquoi et comment sont nées les multiples facettes du protestantisme et son évolution jusqu'à aujourd'hui», note Isabelle Graesslé, directrice et co-fondatrice du Musée. Elle n'en constitue pas moins la plus grosse mue de l'institution depuis sa naissance en 2005. Mais une mue en douceur.

Car le locataire de la Maison Mallet, en plein vieux Genève, dépend exclusivement de donations privées, précieuses mais relativement rares. Et pour le reste? « Il faut savoir représenter l'immatériel! », note Simona Sala, l'historienne qui, avec toute l'équipe du musée, planche d'arrache-pied sur le projet depuis une année et demi et la fin des festivités du Jubilé Calvin.

Vue sur le Léman

Représenter l'immatériel: voilà ce que parvient à faire une émouvante reconstitution du bureau du théologien lausannois Alexandre Vinet. « Cette figure de proue du protestantisme francophone du XIXe siècle a toujours tenu à marier l'apport du mouvement revivaliste et la liberté de conscience», note l'ex-modératrice de la Compagnie des pasteurs de Genève. « Même si, par la suite, ce littéraire de haut vol n'a eu que trop peu d'interprètes à la mesure de son vif talent », regrette Olivier Fatio.

Qu'importe. On se plonge dans le quotidien du Vaudois au travail, vue sur le lac Léman en prime et chants d'oiseaux en toile de fond. Un harmonium, sorte de petit orgue de l'époque, trône dans un coin de la salle au cachet suranné. On appuie sur une de ses touches et hop, la musique d'un cantique de Mendelssohn s'ébroue alors qu'on se glisse dans la peau d'un étudiant en théologie de 1850 au moment de l'examen...

Car le visiteur curieux du MiR nouveau ne chôme pas. Il tourne une manivelle et fait défiler en kaléidoscope des images de scènes bibliques telles qu'en regorgeaient les livres d'écoles du dimanche il y a un siècle. Il avance de quelques pas, change de siècle et, un casque sur les oreilles, visionne un film sur les liens troubles entre protestantisme et Allemagne nazie.

Le "Train de bonnes oeuvres"

Sur des écrans en hauteur, il scrute des cartes animées des USA qui montrent la localisation des différentes dénominations protestantes du pays de l'Oncle Sam. Le tout en français, allemand et anglais. Il ne manque pas de s'intéresser finalement à l'Afrique, l'Asie et l'Amérique du Sud. « Nous voulions aussi montrer l'internationalisation du protestantisme et l'émergence du courant pentecôtiste », souligne la théologienne d'origine alsacienne.

Une dernière surprise attend le public dans la salle la plus contemporaine: cinq écrans de télé diffusent des extraits de cultes de toutes les régions du monde. Le spécialiste de l'audio-visuel muséal Alain Laesslé met la dernière main aux branchements. Le visiteur, lui, avant de quitter le sous-sol de la Maison Mallet et de gravir l'escalier en colimaçon, passe un petit couloir et embarque à bord du « Train des bonnes œuvres »: deux inventions par excellence du XIXe siècle.

De la Croix-Rouge à l'école du Dimanche en passant par la protection des animaux, ses fenêtres laissent entrevoir les nombreuses réponses dues aux différents mouvements protestants à l'émergence de l'industrialisation. Idéalisé, l'apport du protestantisme? « Non, répond Isabelle Graesslé. Le musée n'est pas un lieu de prosélytisme, mais bien celui d'un regard lucide sur l'histoire et l'actualité du geste réformé. »

Le MiR en bref
Lauréat 2007 du Prix du Conseil de l'Europe-Nombre de visiteurs annuels: 25000, mais 40000 l'an dernier pour le Jubilé Calvin-Surface: 350 m2 sur deux niveaux 14 salles et une boutique 400 objets exposés. Et un site internet (y figure notamment le calendrier des conférences automnales).Cet article a été publié dans :

Le journal français Réforme.