Le sens de la fête

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Le sens de la fête

Laurent Gagnebin
22 décembre 2010
Noël est tardif dans l’histoire du christianisme, Pâques ayant été considéré comme la fête inaugurale et centrale de notre calendrier. Le 25 décembre a été ordonné dans tout l’empire par l’empereur Justin II au VIe siècle seulement.
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Jusque-là, c’est la Croix qui exprimait le mystère de l’incarnation. On met en avant contre Noël le fait que les textes de Marc (le plus ancien des quatre évangiles) et de Jean, comme ceux de Paul, ne comportent aucun récit de l’enfance de Jésus et que, par conséquent, les récits de la nativité ne sont ni essentiels ni indispensables. (...)

Si Noël n’a pas été fixé en fonction du solstice d’hiver (qui n’est du reste pas le 25), il est certain que la tradition chrétienne a largement utilisé ce thème dans sa compréhension de Noël en mettant en relief, hier comme aujourd’hui, la symbolique de Jésus Lumière du monde. Avec le solstice en effet, les jours rallongent, le soleil triomphe de la nuit. Noël exprime cette victoire.

C’est la fête de la lumière par excellence à un moment de l’année où, en hiver (dans l’hémisphère Nord tout au moins) nous sommes lassés, voire déprimés, par des nuits interminables. Cela explique une part importante du succès de Noël. À travers la nuit du 24 au 25 (avec la « messe de minuit »), Noël est cette étape nous conduisant des ténèbres vers le jour. Un rite de passage, voilà ce qu’est la fête de Noël.

Noël est devenu tout naturellement la fête de l’enfant Jésus, des enfants en général, et, plus subtilement, pour les adultes, des enfants qu’ils ont été. Noël est devenu tout naturellement la fête de l’enfant Jésus, des enfants en général, et, plus subtilement, pour les adultes, des enfants qu’ils ont été. Et puis, autre passage, celui d’une année à l’autre avec le 31 décembre qui tombe une semaine plus tard. Noël est une fête religieuse et familiale, le 1er janvier étant pour sa part une fête plus profane et entre amis. Belle occasion de ne pas séparer le profane et le sacré !

Dans une telle perspective, beaucoup regrettent qu’avec le solstice, les éclairages de nos cités, les cadeaux, les crèches, les repas surabondants, le sapin, le Père Noël et, souvent, l’oubli du sens évangélique de cette fête, Noël ait été ainsi submergé par des éléments étrangers à sa réalité profonde. On se lamentera alors sur cette dégradation et sur la perte de sa signification première.

Les clercs stigmatiseront dans un réflexe sectaire, puriste, voire élitiste, une fois de plus, la religion populaire, comme si cette fête n’avait à appartenir qu’aux seuls vrais chrétiens. Lesquels d’ailleurs ? Noël est très populaire et fêté par tous, chrétiens ou non. Faut-il s’en plaindre et le déplorer ? Quand une telle célébration sort des chapelles et des sacristies, gagne la place publique et les foules, on pousse des cris d’horreur et on fulmine. Faut-il préférer les bancs et les églises vides ? Pour une fois que les églises sont pleines et que l’Église, grande culpabilisatrice, est perçue comme celle qui nous conduit à faire la fête et non pas à être jugés et condamnés, ne devrait-on pas s’en réjouir ?
Succès de Noël Les raisons du succès de Noël dépassent de beaucoup la pure et simple annonce de la naissance de Jésus sur la terre. Des raisons d’ordre psycho-sociologique contribuent fortement à une telle bonne fortune. Il convient certes, avec délicatesse et sans brutalité, d’évangéliser le religieux. Comme le disait Wilfred Monod, l’instinct religieux est celui qui a le plus grand besoin d’être évangélisé.

Cela dit, vive la fête (de Noël) ! N’oublions pas que la première manifestation publique de Jésus, d’après l’évangile de Jean, est de se rendre à une fête: à des noces à Cana en Galilée, où il change l’eau en vin (non l’inverse !) et que le premier mot de sa prédication publique, d’après l’évangile de Matthieu, est « heureux » ! Alors heureux Noël !
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*Ce texte a été publié par Laurent Gagnebin dans Evangile et Liberté

Cet article a été publié dans :

Le quotidien neuchâtelois L'Express le 24 décembre.