Révolution égyptienne : le président Moubarak est parti

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Révolution égyptienne : le président Moubarak est parti

11 février 2011
Place Tahrir un jour de manifestation © Nagwan El Ashwal

Jeudi, le départ du président égyptien Hosni Moubarak était sur toutes les lèvres. L'homme fort est finalement parti vendredi. ProtestInfo a interviewé par mail jeudi 10 février Amal Hamada, professeure adjointe en sciences politiques à l'Université du Caire.


Tania Buri : Est-ce que l'Université est en grève depuis le début des manifestations?

Amal Hamada : Les manifestations ont commencé le 25 janvier, trois jours avant le début des vacances, qui devaient durer deux semaines. Mais mercredi 9 février, le ministre de l'Enseignement supérieur a annoncé que les universités et les écoles resteraient fermées une semaine de plus. Ce qui de fait va permettre à un nombre croissant d'étudiants et de professeurs de rejoindre les manifestants dans tout le pays et surtout sur la place Tahrir au Caire. Une partie des réformes nécessaires concernent les universités et les droits des professeurs, mais pour le moment les revendications politiques ont la priorité sur tout le reste.

T. B. : Racontez-nous...

A. H. :
Le rythme des manifestations a augmenté avec de la brutalité croissante des forces de police dans les premiers jours de la révolution. Le régime a aussi essayé de manipuler la situation en effrayant les individus, en fermant presque toutes les banques, stations-service ou magasins d'alimentation, obligeant la population à passer des heures à faire la queue et en imposant le couvre-feu.

Trois jours après le début des manifestations, le 28 janvier ou "vendredi de la colère", la brutalité policière a atteint des niveaux sans précédent. La police a arrosé les gens avec du sulfate, tiré à balles réelles et arrêté des militants. Plus tard dans la soirée, les forces de police ont quitté les rues. Les prisons autour des grandes villes ont été ouvertes et les pillards et les criminels encouragés à attaquer les manifestations et des communautés locales. Résultat final des affrontements: 320 martyrs, plus de 500 personnes portées disparues et des milliers de blessés parmi les jeunes Egyptiens.

T. B. : Quels sont vos objectifs dans cette révolution?

A. H. : La démission du président Moubarak, la dissolution du Parlement, puis l'appel à de nouvelles élections législatives, la fin de l'état d'urgence, la modification de la constitution pour permettre un avenir démocratique et laïque à l'Egypte, et enfin la poursuite des personnes impliquées dans la corruption et les violations des droits humains.

T. B. : Quelle société voulez-vous?

A. H. : La majorité des forces politiques (partis politiques, mouvements sociaux, Frères musulmans...) s'accordent sur une vision de l'Egypte, qui devrait être démocratique, pluraliste, non-militaire et respectant l'Etat de droit.

T. B. : L'Occident craint une prise de contrôle par des dirigeants fondamentalistes religieux. Qu'en pensez-vous?

A. H. :
Une des questions centrales est de savoir qui a appelé à des manifestations, qui se sont développées en une révolution à large échelle contre la corruption. Les nouveaux mouvements sociaux, en particulier ceux qui utilisent les réseaux sociaux sur le Net, ont été les principales forces de ce mouvement. Ils ont ensuite été rejoints par les Egyptiens moyens appartenant aux différentes tendances politiques ou n'appartenant à aucun parti politique.

Tout le monde descend dans les rues du Caire : les riches et les pauvres, les femmes et les hommes, les instruits et les analphabètes, les religieux et les laïcs, les militants politiques et les citoyens. Le régime a essayé de vendre l'idée que des musulmans fondamentalistes ont envahi les rues, mais des reportages sur le terrain ont montré des images de la population égyptienne dans sa diversité.

A la tombée de la nuit jeudi, Mme Hamada a écouté le président comme des milliers d'Egyptiens attendant qu'il annonce sa démission. Les médias n'avaient cessé de le répéter en boucle jeudi. Cela ne s'est pas produit. Il a même annoncé vouloir rester au pouvoir jusqu'en septembre. « C'est le début d'un scénario très inquiétant, je crains ce qui va se dérouler ces prochains jours », a conclu Mme Hamada. Un jour plus tard, le président annonçait son départ.

Moubarak quitte ses fonctions

LE CAIRE - Le président égyptien Hosni Moubarak a quitté ses fonctions et remis le pouvoir à l'armée, a annoncé vendredi le vice-président Omar Souleimane.

"Compte tenu des conditions difficiles que traverse le pays, le président Mohammed Hosni Moubarak a décidé d'abandonner le poste de président de la République et chargé le conseil suprême des forces armées de gérer les affaires du pays", a déclaré M. Souleimane dans une brève allocution télévisée.

(©AFP / 11 février 2011 17h18)