La commission nationale de la torture reprend le contrôle des vols spéciaux
Après avoir refusé dans un premier temps ce mandat, la CNPT a finalement reconsidéré sa position. Elle a d’ailleurs déjà accompagné sept vols entre octobre 2010 et décembre dernier et envisage de créer un pool de 10 à 12 observateurs, qu’elle recrutera et formera elle-même.
« Nous disposons désormais de meilleurs outils pour nous acquitter de cette tâche le moins mal possible. Nous allons progressivement mettre en place le monitoring sur l’ensemble des vols. Mais cela reste tout à fait clair, rapatrier quelqu’un sous la contrainte a toujours un aspect inhumain », reconnaît son président, Jean-Pierre Restellini.
La surveillance des vols a été rendue obligatoire par un accord avec l'Union européenne depuis janvier 2011. Plusieurs ONG ont refusé ce mandant avant que la FEPS ne se lance. Le comité d’experts, dirigé et modéré par la FEPS, a présenté ses conclusions jeudi à Berne après un projet pilote qui aura duré six mois.
Les experts soulignent la nécessité de mieux informer les requérants d’asile déboutés avant leur renvoi, de la proportionnalité des mesures de contrainte à employer et d'un meilleur suivi médical, que ce soit durant le vol ou après la remise aux autorités du pays de destination.
Dix vols spéciaux supervisésLes cinq superviseurs proposés par la FEPS à l’Office fédéral des migrations (ODM) ont accompagné dix vols spéciaux. Ils ont contrôlé des vols de niveau 4, durant lesquels les requérants renvoyés peuvent être entravés au point de ne pouvoir ni bouger ni parler.
Les anciens conseillers d’Etat Dora Andres (BE) et Mario Annoni (BE), Martina Caroni, membre de la Commission fédérale pour les questions de migration, l’ancien commandant de la police neuchâteloise Laurent Krügel et Hans Studer, qui a été directeur d’un établissement pénitentiaire, ont assisté aux retours forcés de 61 personnes, parmi lesquelles une minorité de familles avec enfants.
Les superviseurs ont pu surveiller toutes les étapes, de la préparation dans le lieu de séjour à la remise aux autorités locales, en passant par le transfert et les préparatifs du vol. S’ils reconnaissent le professionnalisme des autorités d’exécution, qui prennent au sérieux la problématique de la proportionnalité et de l’évaluation individuelle au moment de décider des mesures de contrainte, Martina Caroni, professeure de droit, regrette « une tendance latente à une approche schématique. Dans la pratique future, il faudra tout mettre en œuvre pour que les mesures soient encore plus adéquates en fonction de chaque cas ».
« Les retours forcés par vol spécial ne doivent être mis en œuvre qu’en ultime recours, quand les personnes concernées ne rentrent pas de leur plein gré, respectivement qu’un renvoi de niveau d’exécution inférieur a échoué », reconnaît Martina Caroni. Si aucun observateur n’a envisagé de mettre un terme à son engagement, tous ont admis avoir ressenti de vives émotions. De même qu’un certain trouble de ne pas pouvoir s’impliquer et de devoir garder une certaine distance.
Anne Buloz