Etats-Unis: Les Eglises s’astreignent à la retenue politique avant les élections

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Etats-Unis: Les Eglises s’astreignent à la retenue politique avant les élections

24 mai 2012
Washington, le 24 mai (ENInews-RNS/G. Jeffrey MacDonald) –
Les électeurs veulent moins de religion dans la politique. A moins de six mois de l’élection présidentielle aux Etats-Unis, les Eglises du pays ont reçu le message cinq sur cinq. Cela ne veut pas dire pour autant qu’elles veulent se tenir à l’écart du débat public.

Ainsi, les paroisses repensent leur façon de mobiliser les électeurs, en mettant l’accent sur un plus grand nombre de questions que par le passé, indique l’agence Religion News Service (RNS). Les prédicateurs se tiennent à bonne distance de la sphère politique et les thématiques sociales brûlantes sont laissées à de discrets groupes d’étude.

Pourquoi? Avant tout, les Américains en ont assez que la politique fraye avec la religion: 54% veulent que les lieux de culte ne s’immiscent pas en politique (comparé à 52% en 2008 et 43% en 1996), selon le Forum Pew sur la religion et la vie publique. Les Eglises semblent avoir entendu le message.

« Le principal changement que nous observons est une chute de la proportion de personnes qui disent entendre de la politique à l’église », a indiqué David Campbell, un spécialiste de sciences politiques à l’Université Notre Dame. Son projet intitulé « Faith Matters » a suivi 3100 personnes pendant cinq ans. « C’est une tendance qu’on observe partout, a ajouté M. Campbell. Les gens disent qu’ils ne veulent plus entendre parler de politique à l’église et, de fait, ils en entendent moins. »

Encourager l’inscription des électeurs à bas revenus

Néanmoins, cela ne signifie pas que l’opinion publique appelle de ses vœux un débat public complètement sécularisé. De l’avis de certaines personnes, cette vive réaction vise un type particulier d’activisme religieux suivant de trop près la ligne d’un parti ou de certains candidats.

« Quand les gens disent qu’ils veulent que les organisations religieuses se tiennent à l’écart de la politique, ils parlent des organisations religieuses qui leur disent pour qui voter », explique Gordon Whitman, directeur de la politique publique au PICO, un réseau national regroupant plus d’un millier d’organisations d’inspiration religieuse. « Nous voyons se dégager un consensus assez large pour que nos valeurs religieuses éclairent nos positions sur les différentes problématiques. »

En avril, le PICO a lancé une campagne nationale pour inciter les paroisses à encourager l’inscription des électeurs à bas revenus et à défendre diverses causes de « justice économique ». Des pasteurs du Missouri sont à la tête d’une initiative visant à plafonner les taux usuraires (à court terme) à 36%.

Au Minnesota, des membres du clergé appellent leurs paroissiens et d’autres citoyens à s’opposer à une initiative controversée portant sur de nouvelles cartes d’électeur qui, selon eux, pénaliserait les citoyens les moins fortunés et ceux qui ne possèdent pas de carte d’identité émise par l’État.

Pour les conservateurs religieux, les questions sociales restent importantes en 2012 mais elles ne figurent pas toujours au sommet des priorités.

La fuite des moins de 35 ans

Les évangéliques hispaniques, par exemple, ont critiqué le président Barack Obama au début du mois pour avoir apporté son soutien au mariage homosexuel, et ils demeurent opposés à l’avortement libre et gratuit. Cependant, ces questions ne doivent pas court-circuiter la problématique de la réforme de l’immigration, qui pourrait conduire à soutenir le président Obama et les démocrates briguant un siège au Congrès.

L’Association nationale des évangéliques se prépare à recourir à des méthodes discrètes de mobilisation de ses 45 000 églises pour influencer le vote. Les églises ne recevront pas de fiches d’évaluation des candidats, qui « sont souvent des outils partisans à peine voilés », selon Galen Carey, vice-président de l’Association pour les relations avec le gouvernement. Des ressources seront en revanche mises à leur disposition pour étudier ce que dit la Bible sur des questions comme l’immigration et le mariage.

La présence de la religion dans la politique partisane pousse nombre de citoyens, en particulier ceux qui ont moins de 35 ans, à se détourner de la religion organisée, selon David Campbell. Certains responsables évangéliques de plus en plus en vue considèrent cette fuite des jeunes adultes, confirmée par le Millennial Values Survey (enquête sur les valeurs du millénaire) de cette année, comme une raison concrète de faire preuve d’impartialité pour toute église souhaitant grandir et prospérer.

« La précédente génération de chrétiens voyait les deux grands partis comme des alliés stratégiques pour mettre en avant leurs priorités », explique l’évangélique Jonathan Merritt, auteur, à 29 ans, de A Faith of Our Own: Following Jesus Beyond the Culture Wars (Une foi qui nous est propre: Suivre Jésus au-delà des guerres culturelles). « La prochaine génération remet cela en question en constatant à quel point cela nous a aveuglés et causé du tort. »

Mépris des règles des autorités fiscales

Etre impartial est une tâche ardue dans l’arène politique. Par exemple, quand le pasteur Paul Slack, de l’Eglise de la nouvelle création, à Minneapolis, plaide contre l’initiative de carte d’électeur au Minnesota sur la base d’arguments religieux, il s’inscrit dans un combat contre le Parti républicain.

« Il y a des motivations politiques, a déclaré le pasteur Slack lors d’une conférence de presse en avril. Ces cartes d’électeur sont conçues précisément pour faire en sorte qu’il soit plus difficile pour certains citoyens du Minnesota de voter », a-t-il affirmé. « Nous devons amener davantage de gens aux urnes afin qu’ils puissent eux aussi participer à notre vie commune, car c’est effectivement une valeur de notre foi. »

Dès le mois d’octobre, toutefois, il y a fort à parier qu’il n’y aura plus d’impartialité qui tienne, du moins dans les Eglises qui participent au Dimanche de la liberté à la chaire. L’Alliance Defense Fund appelle les pasteurs à prêcher le 7 octobre sur des questions politiques et à soutenir des candidats particuliers, au mépris des règles des autorités fiscales des Etats-Unis concernant les institutions exonérées d’impôt. Plus de 250 pasteurs se sont déjà inscrits, dont Ron Johnson Jr., pasteur principal de l’Église des pierres vivantes à Crown Point (Indiana).

Les fidèles « ont la possibilité d’aller voter avec leurs pieds », a déclaré le pasteur Johnson, qui, en 2008, a fait une prédication sur l’immoralité de voter pour Barack Obama. Aujourd’hui, il souhaite se faire élire député de l’Etat. « S’ils n’aiment pas la façon dont on fait passer le message, ils n’ont qu’à ne pas venir dans notre paroisse. » (1032 mots-ENI-12-F-0074-JMP)