La Fédération luthérienne mondiale condamne le conflit armé en Colombie

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La Fédération luthérienne mondiale condamne le conflit armé en Colombie

26 juin 2012
Genève, le 26 juin (ENInews) – Des structures mafieuses ont envahi l'Etat, dénoncent des représentants de la société civile et des religieux colombiens. Ils pointent aussi du doigt les multinationales qui s'accapareraient les terres. Ces personnalités s'exprimaient lors d'une table ronde de la session du Conseil de la Fédération luthérienne mondiale (FLM) à Bogotá, du 15 au 20 juin.

Ruth Sanabria, 50 ans, est une militante colombienne des droits de la personne. Elle a raconté avoir été personnellement attaquée: « Je mangeais un midi avec mes enfants quand tout à coup on nous a tiré dessus à travers le mur. » Elle poursuit : « Le premier jour, on m'a ordonné de quitter ma maison, sinon mes deux enfants seraient tués », a-t-elle déclaré à la réunion du Conseil selon un communiqué de LWI, le service de presse de la FLM. Le Conseil est l'organe directeur de la FLM. Il se réunit tous les douze mois entre les Assemblées, organisées tous les six ans.

Parmi les participants à la table ronde figuraient des représentants de partenaires avec lesquels la FLM travaille dans le cadre de la crise humanitaire et du conflit armé en Colombie. Ruth Sanabria, le père Sterlin Londoño, Ricardo Esquivia et Diego Perez Guzmán ont tous affirmé que l'Etat joue un rôle clé dans le conflit, selon LWI.

En sa qualité de sociologue, Diego Perez Guzmán a fait part de son analyse, affirmant que le conflit avait atteint un nouveau stade. A l'origine, des motivations idéologiques avaient permis aux groupes de guérilleros de se faire accepter par la population, mais par la suite, au second stade, le trafic de drogue a entraîné l'établissement de structures mafieuses qui ont envahi les institutions d'Etat. Le conflit n'a été résolu à aucun de ces deux niveaux, a-t-il indiqué.

Les multinationales de mèche

Quant à ce nouveau stade, a-t-il expliqué, il s'agit d'une tendance qui se dessine depuis quelques années. De plus en plus, des multinationales pénètrent dans des régions de Colombie affectées par la crise et imposent leurs conditions sans égards pour les droits humains. « Elles payent les guérilleros, les militaires ou les paramilitaires pour assurer leurs intérêts », a affirmé Diego Perez Guzmán. « Voilà la nouvelle guerre économique que connaît la Colombie. »

Dans un premier temps, on avait promis aux Afro-Colombiens qu'ils récupéreraient leurs droits collectifs sur leurs terres. Mais quand on a découvert du minerai et de l'eau, les multinationales sont venues convoiter les terres.

Le père Londoño, du diocèse catholique romain de Quidbo, partenaire du Département d'entraide mondiale de la FLM, a dénoncé le fait que l'Etat fait passer les intérêts économiques avant les êtres humains: « Dans un premier temps, on avait promis aux Afro-Colombiens qu'ils récupéreraient leurs droits collectifs sur leurs terres. Mais quand on a découvert du minerai et de l'eau, les multinationales sont venues convoiter les terres. »

Sur les 70 000 hectares de terres restituées aux populations dans cette région, 50 000 hectares sont désormais réservés à l'extraction de matières premières, a-t-il indiqué, ajoutant que les multinationales font comme bon leur semble sans considération aucune pour les populations. « Elles posent des mines dans la terre pour que les gens ne puissent plus y travailler », a-t-il affirmé.

Petits paysans dans les bras des paramilitaires

Le père Londoño et l'avocat des droits de la personne Ricardo Esquivia ont critiqué le fait que les règlements ne sont pas respectés ou sont modifiés à la dernière minute. Ricardo Esquivia a établi un parallèle avec les années 1970. Quand la réforme agraire décidée à l'époque par l'Etat s'était heurtée à la résistance des grands propriétaires terriens, la loi avait tout simplement été modifiée et l'armée et la police envoyées dans la région pour réprimer les protestation des paysans. Ainsi, c'est l'Etat lui-même qui a alimenté le conflit en poussant les petits paysans dans les bras des paramilitaires et des groupes de guérilleros.

Le conflit se prolongeant, l'Etat colombien a alloué des moyens considérables à son armée et sa police au fil des décennies. Les participants à la table ronde ont affirmé qu'ils voyaient la militarisation comme une dangereuse évolution. « Nous ne sommes pas le plus grand pays en Amérique latine mais nous avons la plus grande armée – une armée qui parfois foule aux pieds les droits humains et qui est impliquée dans des actions paramilitaires », a déclaré le père Londoño.

Pour Diego Perez Guzmán, le conflit est en outre alimenté par le Plan Colombie, la « guerre contre la drogue » menée par les Etats-Unis. « Au reste du monde, les Etats-Unis disent que les millions de dollars affectés aux armées étrangères pour imposer leurs intérêts, c'est du passé, mais ce n'est pas vrai. Aujourd'hui, ils soutiennent le troisième stade du conflit, l'assise foncière. »

La FLM fait pression

Néanmoins, les intervenants ont souligné la nécessité de collaborer avec l'Etat pour résoudre le conflit et la volonté des organisations de la société civile de le faire. Diego Perez Guzmán a insisté sur le rôle central de la société civile dans le processus de paix: « Nous avons la conviction que nous devons commencer à partir de la base pour édifier une société et un pays dans la paix », a-t-il affirmé. « La paix ne saurait s'instaurer par décret. » Les victimes et les personnes qui ont été affectées doivent être parties prenantes du processus, a-t-il ajouté.

Au terme de la réunion, les participants ont appelé la communion luthérienne à ne renoncer ni à son travail de défense de la cause ni à ses pressions politiques auprès de leur pays d'origine. L'évêque Munib A. Younan, président de la FLM, a assuré les partenaires en Colombie du large soutien et des prières de la communion luthérienne. « Où que nous soyons, nous serons votre voix, la voix des pauvres et des opprimés en Colombie. »

Quelque 150 représentants d'Eglises membres de la FLM et d'organisations partenaires, invités, interprètes, journalistes et membres du personnel de la FLM étaient présents à la session du Conseil. L'Eglise évangélique luthérienne de Colombie, qui accueillait la réunion, compte 1998 membres. Dirigée par l'évêque Eduardo Martínez, elle est membre de la FLM depuis 1966. La FLM, dont le siège est à Genève, est constituée de 145 Eglises membres dans 79 pays, représentant plus de 70 millions de luthériens. (1 029 mots-ENI-12-F-0092-JMP)