Norvège: les luthériens se rassemblent un an après le massacre d'Utoya

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Norvège: les luthériens se rassemblent un an après le massacre d'Utoya

6 août 2012
Genève, le 6 août (ENInews) – L'évêque Munib Younan, président de la Fédération luthérienne mondiale (FLM), a qualifié la Norvège de modèle. Pour lui, le pays a su rester digne malgré l'horreur et la douleur causées par le massacre perpétré par un déséquilibré il y a un an.

Munib Younan, évêque de l'Eglise évangélique luthérienne de Jordanie et de la Terre Sainte, s'est exprimé le 30 juillet à l'occasion des fêtes de Saint-Olav à Trondheim, selon une dépêche de Lutheran World Information (LWI), le service de presse de la FLM. Les festivités organisées autour du saint scandinave se sont déroulées sur une semaine, du 28 juillet au 5 août.

L'évêque est intervenu alors que la Norvège vient de commémorer le premier anniversaire de l'incident le plus dramatique qu'ait connu le pays depuis la seconde guerre mondiale. Le 22 juillet 2011, un extrémiste anti-musulmans tuait 77 personnes dans deux attaques séparées, à Oslo et sur l'île d'Utoya, où était organisé un rassemblement de jeunes. La plupart des victimes étaient des adolescents.

Phare de l'espérance

« Vous avez montré, par votre réaction face à l'horreur et à la douleur de ce 22 juillet 2011, que vous n'acceptez pas la violence comme moyen de changement social et politique », a indiqué l'évêque Younan. « Vous incarnez aujourd'hui – dans notre monde pluraliste mis à rude épreuve – les valeurs de la justice sociale, du multiculturalisme et de l'unité dans la diversité. »

« Ainsi, votre pays se pose en phare de l'espérance et représente une source d'inspiration pour nous aussi, au Moyen-Orient, où le pluralisme n'a pas encore atteint la maturité nécessaire, essentielle à la paix quel que soit le pays », a affirmé l'évêque.

Munib Younan participait aux fêtes de la Saint-Olav – qui mettaient cette année l'accent sur la justice, la réconciliation et le dialogue interreligieux – aux côtés de Helga Haugland Byfuglien, évêque présidente de l'Eglise de Norvège et vice-présidente de la FLM. L'Eglise de Norvège est l'ancienne Eglise d'Etat. Elle revendique 80% des 4,8 millions d'habitants du pays.

« Amour et dignité »

Dans une interview, l'évêque Byfuglien a déclaré que, pour l'Eglise, il avait été important de pouvoir parler de la peine et du deuil causés par la tuerie, tout en gardant à l'esprit le concept biblique selon lequel les ténèbres ne sauraient vaincre la lumière.

« En Norvège, au plus fort du deuil et de la peine, alors qu'une chape de silence s'était abattue sur les villes et les villages, des murmures ont commencé à se faire entendre, devenant plus audibles à chaque voix qui s'y ajoutait, et prononçant les mots qui comptent: amour et dignité », a déclaré l'évêque Byfuglien.

« Les gens se sont réunis pour partager leur peine et pour créer la lumière qui naît quand nous nous retrouvons face à face. L'Eglise a été interpellée sur sa vision de la réconciliation et elle a été amenée à réfléchir sur cette question », a-t-elle ajouté.

La foi chrétienne n'est pas seulement spirituelle, selon l'évêque présidente de l'Eglise de Norvège. Les chrétiens ont une responsabilité à l'égard du monde et la justice constitue un moyen d'assumer cette responsabilité.

Se laisser accabler ?

L'évêque Younan a affirmé que la bonne nouvelle de l'amour réconciliateur de Dieu en Jésus Christ reste constante mais qu'elle doit être présentée différemment au monde brisé, selon les époques. « Quand on regarde le monde aujourd'hui, il est aisé de se laisser accabler par ce que l'on voit », a reconnu l'évêque.

« Néanmoins, l'Eglise doit – de concert avec les autres grandes religions – être une voix prophétique de la paix et de la justice. J'ai la certitude qu'en œuvrant ensemble, les communautés religieuses peuvent apporter une contribution durable aux nombreux enjeux d'envergure auxquels la famille humaine est confrontée à l'heure actuelle », a déclaré l'évêque Younan.

Le président de la FLM a ajouté que, dans un monde où règne l'extrémisme, l'Eglise a pour vocation de promouvoir le respect et d'être l'un des moteurs d'une paix édifiée sur la base de la justice et la réconciliation, de la vérité et du pardon.

Selon lui, l'islam, le judaïsme et le christianisme ne sont pas en cause; le problème, c'est que certains adeptes isolés de ces religions vont à l'encontre des enseignements fondamentaux d'aimer Dieu et de respecter l'autre. « Quand les chrétiens, musulmans et juifs – et surtout leurs responsables – demeurent réservés au sujet de ces valeurs fondamentales, ils se laissent prendre en otages par les extrémistes et contribuent au problème. »

« C'est la raison pour laquelle j'appelle les responsables religieux à être prophétiques », a lancé l'évêque Younan. « Les responsables religieux de toutes les religions et origines ethniques doivent avoir le courage de tenir tête à leurs propres extrémistes et de leur dire que toute violence perpétrée au nom de Dieu ou de la religion constitue un acte de blasphème. »

L'Eglise au centre

L'évêque Byfuglien a expliqué que, même si elle a perdu son statut en tant qu'Eglise d'Etat, l'Eglise de Norvège a participé et contribué activement aux commémorations nationales du massacre de l'an dernier. Les gens ont sollicité le point de vue de l'Eglise et l'ont écouté.

« Peut-être que l'Eglise se trouve confortée dans l'idée qu'elle représente beaucoup pour la société, y compris pour celles et ceux qui ne se tournent pas vers elle en temps normal », a-t-elle indiqué.

En outre, le déferlement de condoléances provenant d'Eglises du monde entier après la tragédie a permis à l'Eglise de confirmer qu'elle a sa place au sein d'une communauté mondiale. « Cela nous rappelle que la petite Norvège, qui est à de nombreux égards habituée à être un coin paisible et sûr de la planète, non seulement a besoin de cette communauté mais en dépend. »

La FLM, dont le siège est à Genève, est une communion mondiale d'Eglises chrétiennes de tradition luthérienne. Elle rassemble 145 Eglises membres dans 79 pays, représentant plus de 70 millions de chrétiens. (995 mots-ENI-12-F-0105-JMP)