L'été, l'heure des budgets

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

L'été, l'heure des budgets

Jean-Pierre Thévenaz
29 août 2012
Qui veut dépenser en hiver s'organise en été. Pas besoin d'être fourmi pour le savoir! La prévision, dans toute institution et aussi dans nos Eglises, commence avec le bouclement du compte annuel précédent. Comment passer à l'année suivante?

, éthicien

En temps normal, vous pouvez tabler sur une continuité: heureuses les associations ou les paroisses qui peuvent copier et coller leur budget de l'an passé pour l'an prochain! Mais notre temps est-il encore normal?

Trois ouvrages récents laissent aux Réformés 10–15 ans à survivre ainsi: la situation n’est plus normale! Peut-on établir des budgets copiés-collés quand "le temps presse" (Virgile Rochat), quand "l'avenir des Réformés" tient à un fil (Jörg Stolz et Edmée Ballif) et quand des "turbulences" nous secouent (Eric Fuchs et Pierre Glardon)?

Comment gérer son économie pour assurer la gratuité évangélique?

Curieusement, aucun de ces ouvrages qui entendent interpeller les Eglises ne va pouvoir inspirer le travail du budget qui leur incombe cet été. Aucun ne consacre même une page à l'appel aux croyants comme fidèles donateurs ou contributeurs, comme si les ressources des Eglises restaient malgré tout assurées. Et lorsque Eric Fuchs défend une éthique de l’argent, il n’a pas le souci de celui des Eglises.

Mieux encore: le plus politique de nos "Réformés réformateurs", celui qui se voit "recommencer l'Eglise" (Henry Mottu) et qui mesure bien les besoins sociaux auxquels cette Eglise devra répondre, recommande simplement, derrière une virgule, "des engagements concrets, y compris financiers" de ses membres fidèles (p.128).

Choisir un chemin économique n'est pas une évidence pour nos associations, institutions et Eglises. Le 21e siècle oblige à anticiper des turbulences, c'est vrai – mais il ne suffit pas d'annoncer brièvement une "Fondation réformée" (Pierre Glardon, p. 305) pour pouvoir en budgéter les ressources sur les années à venir.

L'économie de nos institutions suppose une action réfléchie, une éthique, une anticipation des risques et des chances, une reconnaissance des partenaires – tant ceux qui nous coûteront que ceux dont nous recevrons nos ressources. Les budgets de l'été 2012 devraient connaître et reconnaître les partenaires de 2020 pour être crédibles. L'économie (même en Eglise!) est un chemin que l'on choisit et où l'on calcule avant d'investir. "Qui veut bâtir une tour, disait Jésus lui-même, calcule d'abord…" (Luc 14,28).

Or nos Eglises ont renoncé à calculer: aucune addition consolidée de leurs ressources n'est faite, car le niveau local reste ignoré du niveau cantonal, et une synthèse est donc impossible à l'échelon suisse, sans parler de celle des ressources globales de notre famille confessionnelle mondiale.

Or nos Eglises ont renoncé à calculer: aucune addition consolidée de leurs ressources n'est faite, car le niveau local reste ignoré du niveau cantonal, et une synthèse est donc impossible à l'échelon suisse, sans parler de celle des ressources globales de notre famille confessionnelle mondiale. Chacun fait à son niveau son budget de dépenses. Les ressources communes ne sont ni connues, ni évaluées, ni investies, ni réparties. Où allons-nous ensemble?

Parmi nos "Réformés réformateurs", seul Henry Mottu voit venir, dans les sociétés globalisées du 21e siècle, une "Eglise cosmopolitique", largement "diasporique" et essentiellement laïque (p.134 et 99). Les autres rêvent encore d'Eglises de service public sur le mode germano-scandinave, qui sont pour Virgile Rochat de "grandes Eglises".

Mais leur "grandeur" ne restera réelle que si elles se mettent à gérer ensemble leurs ressources selon leur propre éthique économique, et non comme un appendice des budgets d'Etat dont elles dépendent encore. Ces Eglises qui vivent de l'impôt public devront rendre des comptes tôt ou tard, inévitablement au détriment de leur solidarité mondiale et de la gratuité évangélique de leurs services.

Qui tient à la gratuité d’un service chrétien offert à tous doit savoir rassembler, évaluer et investir les ressources pour ce service. Réformés du monde entier, unissez vos comptes et gérez votre économie!