«A la vie… à la mort !» - La Chrysalide dissémine un document substantiel, pertinent et utile

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«A la vie… à la mort !» - La Chrysalide dissémine un document substantiel, pertinent et utile

Jean Martin
20 mars 2013
La Chrysalide est un centre de soins palliatifs ouvert à la Chaux de Fonds en 1998 et qui depuis 2006 est devenu partie intégrante de l’Hôpital Neuchâtelois*. Elle a pour première mission de promouvoir la qualité de l’accompagnement en fin de vie dans tous les lieux de soins (domicile, institutions, hôpitaux) du canton de Neuchâtel et plus largement de l’Arc jurassien.


Dans une démarche originale, la fondation a publié une brochure de 32 pages fort bien faite, intitulée «A la vie… à la mort !». Les principaux auteurs en sont le médecin Jacques Wacker, l’aumônier Gérard Berney et la journaliste Francine del Coso. Les thèmes y sont groupés selon les temps de «l’avant», du «autour de» et de «l’après» la mort, avec des témoignages de personnes concernées, des textes de professionnels, un reportage, des propositions de lecture (références bibliographiques, liens), ainsi que des informations pratiques: par exemple sur le testament, les droits de la famille, le bon usage des pompes funèbres, le coût des démarches et cérémonies.

On meurt le plus souvent loin de la maison

On meurt en Suisse dans les EMS (40% des décès), dans les hôpitaux (40%), dans les maisons de soins palliatifs (7%). Ainsi seuls 13% ont lieu à domicile, endroit pourtant où beaucoup aimeraient finir leurs jours; Jacques Wacker dit les conditions de base à cet égard. Les soins palliatifs, cette partie intégrante de la médecine et des soins modernes (selon les mots du Dr Thérèse Vannier «Tout ce qui reste à faire quand il n’y a plus rien à faire» - et c’est beaucoup) sont en bonne place. Remarque de Gérard Berney: «Avec l’émergence des soins palliatifs, les jours autour de la mort ont été réinvestis par les familles et les proches afin de leur permettre de vivre les gestes qui les aideront par la suite à entrer dans un travail de deuil.»

Souvent il y a crainte d’aborder le sujet de la mort, par exemple parce qu’on le juge prématuré. Mot d’un directeur à propos de l’arrivée d’un nouveau résident en home/EMS: «Paradoxalement, lors des entretiens d’accueil, on parle de tout, sauf de ce qui préoccupe chacun, la mort. Et notre ambivalence s’exprime par des mots simples: «L’argent sera restitué avec la dernière facture»…

Une rubrique sur les directives anticipées, instrument important dont à mon sens il importe de discuter avec chaque patient, au moment opportun et de manière adaptée. L’aumônier dit ses réserves: «Sans contester leur bien-fondé et le soulagement que la personne qui les remplit peut ressentir, j’y mettrai un bémol. L’idéal est de pouvoir faire confiance à ceux que l’on aime; car avec eux, bien avant cette dernière étape, nous aurons pu exprimer nos besoins et nos attentes réciproques.»

Les soignants proposent, les malades disposent

Sans doute dans les cas plus ou moins idéaux dont on veut croire qu’ils sont nombreux, mais dans les autres? Il cite l’anthropologue Yvonne Preiswerk: «Quoique les morts aient dit de leur vivant, c’est en définitive aux vivants de choisir.» J’ai certes moins d’expérience spécifique que ces experts, toutefois je reste attaché aux acquis récents de ce qu’on appelle les droits du patient et plus largement les droits de la personne, résumés de façon brute par la formule «Les autres, - les soignants, les proches - proposent, le malade dispose.» Bien qu’il puisse y avoir ici plusieurs points de vue, je veux croire que nous serons d’accord pour dire que l’important est de faire preuve de respect, notamment du patient et de ses déterminations, d’écoute et de bon sens.

Deux pages sont également consacrées au suicide avec le témoignage d’un père: «La culpabilité, c’est de ne pas avoir fait un pas de plus. Je ne sais pas si j’aurais pu faire quelque chose mais il y a toujours ce doute. Je me sens coupable mais je n’ai pas honte de dire que ma fille s’est suicidée (…). Récemment on m’a reproché de ne pas avoir fait le deuil. Si faire le deuil, c’est oublier, alors je ne veux pas le faire. Si c’est vivre avec, alors je crois que ça va.»

Le chapitre des cérémonies est ouvert par une citation de St-Exupéry dans Le Petit Prince: «Mais si tu viens n’importe quand, je ne saurai jamais à quelle heure m’habiller le cœur… il faut des rites !» Si juste. En toute modestie, mon expérience me fait juger très important de consacrer suffisamment de temps aux paroles, gestes, évènements, silences, par lesquels on est ensemble dans la mémoire du disparu.

Adieu/A Dieu

Par lesquels on dit Adieu/A Dieu. Sans intention de stigmatiser quiconque, je suis peiné quand il est décidé de faire «dans l’intimité», même si le cas échéant, la détermination de la personne décédée de le vouloir a mon plein respect. Le rite est nécessaire afin d’entrer dans l’étape qui suit, celle de réapprendre à vivre. Le professeur Pierre-Yves Brandt, de l’Université de Lausanne, va dans le même sens: «Le rite ne se contente pas de constater, il opère également une transformation (…) Le rite exerce un pouvoir séparateur.»

Beaucoup de moments et vécus dans cette plaquette qui mettent en évidence notre commune finitude. Gérard Berney rappelle Friedrich Dürrenmatt disant que ce qui donne du sens à la vie, c’est de savoir que nous sommes mortels. Que je mets en relation avec cette formule de je ne sais plus qui: «Notre mortalité est la condition de notre liberté.»

*Fondation La Chrysalide, Rue de la Paix 99, 2300 La Chaux-de-Fonds. Site www.chrysalide.ch, sur lequel peut être téléchargé le document discuté ici.