Le Dalaï-Lama à nouveau en Suisse

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Le Dalaï-Lama à nouveau en Suisse

Laurence Villoz
11 avril 2013
Le Maître spirituel du Tibet revient en Suisse mi-avril. Depuis quarante ans, le bouddhisme tibétain rencontre un succès grandissant en Occident. Comment cette philosophie a réussi à toucher au cœur de notre société de consommateurs?

(Photo: Thaïlande, 2011, LV)

La conférence publique du Dalaï-Lama à Fribourg les 13 et 14 avril prochains se déroulera à guichet fermé. Et le scénario se répète à chaque visite en Suisse. Le Maître spirituel avait rassemblé plus de 10'000 intéressés en 2009, puis en 2010. «C’est toujours une grande joie de rencontrer une personnalité comme le Dalaï-Lama», se rappelle Jean-Marc Falcombello, président de l’Association du Centre d’étude et de pratique du bouddhisme tibétain (CET) de Montchardon, en France.

Après Fribourg, le Dalaï Lama donnera une conférence à l’Université de Lausanne sur la vieillesse et la mort, puis à l'Université de Berne**. «Le bouddhisme peut apporter beaucoup à la médecine occidentale, en particulier grâce à la méditation», relève le traducteur de Lama Teunsang***. Certaines techniques de méditation, dont celle appelée de «pleine conscience», sont utilisées de façon thérapeutique pour soigner le stress, les insomnies et certains problèmes physiques.

Une vision idéalisée?

La «fascination» occidentale pour cette religion et son pays semble pourtant en décalage avec la situation du peuple tibétain. Sous occupation chinoise depuis 1959, les Tibétains vivent l’oppression dans leur propre pays. Depuis 2009, une centaine de moines, nonnes et laïcs se sont immolés. «Cette situation est extrêmement complexe et délicate», signale le journaliste. Face à cette détresse, le Dalaï-Lama ne condamne, ni ne soutient ces actes.

«Sa position de chef spirituel et politique (jusqu’en 2011) ne lui permet pas de prendre position», explique Jean-Marc Falcombello. Selon ce traducteur, rien dans la philosophie bouddhiste ne peut justifier ces suicides. «Il n’y a pas d’appel au martyre dans le bouddhisme, car en se suicidant, on n’accède pas à l’éveil». Ce qui ressort de ces gestes est un «vrai désespoir» et «un sentiment d’impuissance» face à une situation politique qui stagne depuis 1959.

Un engouement populaire

A partir des années 90, un engouement populaire est né pour le bouddhisme en Occident. Et le Dalaï-Lama est devenu une figure médiatique de premier plan. «Le bouddhisme propose une recette de mieux-être», explique le traducteur de Lama Teunsang. «Il répond à une recherche de bien-être existentiel». «Certaines personnes ne dépasseront pas le stade de recherche de 'mieux-être', ce qui est bien en soi, mais est-ce encore du bouddhisme?»

Car cette philosophie propose fondamentalement une démarche altruiste qui n’est pas forcément prise en compte lorsqu’elle est utilisée dans un but «de développement personnel». «Le risque est qu’elle devienne un objet de consommation», s’inquiète le directeur de l’Association du CET. Une nouvelle «sorte» de bouddhisme émerge donc en Occident. «Mais l’étude des textes, les pratiques authentiques et la foi sont indispensables pour comprendre les fondements du bouddhisme traditionnel».

Une séduction intellectuelle

Le bouddhisme a rencontré l’Occident à plusieurs reprises. D'abord dans les années 20, mais ce premier contact est resté au niveau des élites puis les années 70 où la rencontre s'est faite plus large. En Inde, les beatniks ont croisé la route de bouddhistes tibétains en exil. De retour chez eux, beaucoup ont ramené le bouddhisme dans leurs valises. «En Inde, les jeunes Occidentaux ont rencontré la crème intellectuelle des exilés tibétains qui avaient une pensée radicalement différente de la leur», explique Jean-Marc Falcombello.

«A mon avis, il s’est passé une réelle séduction intellectuelle», explique le traducteur de Lama Teunsang. Ce «coup de foudre» a pu se produire grâce à une situation particulière. La guerre du Vietnam et la révolution des années 70 a laissé une jeune génération «pleine de doutes face au système dans lequel elle vivait ». L’Occident s’est tourné vers les cultures orientales «en quête de connaissance». Suite à cette rencontre, le Centre des Hautes études tibétaines du Mont-Pèlerin, un des premiers en Europe, a été créé en 1977.
 

**Un article qui résume sa visite en Suisse du 13 au 16 avril prochains.


**Lama Teunsang est le directeur du CET de Montchardon, www.montchardon.org. Il enseigne en tibétain et est traduit en français.
 

Qui est le Dalaï-Lama?

Tenzin Gyatso est le 14ème Dalaï-Lama. Né le 6 juillet 1935, à Taktser au Tibet, dans une famille d’agriculteurs, il est reconnu à l’âge de 2 ans comme la réincarnation du 13ème Dalaï-Lama. Moine bouddhiste de l’école Gelugpa, il est appelé à prendre son rôle de maître spirituel et politique du Tibet, à l’âge de 15 ans, juste après l’invasion des Chinois.

En 1959, il s’exile en Inde, suite à la répression brutale de l’armée chinoise, et crée le gouvernement tibétain en exil. Le Dalaï-Lama s’engage pour trois principales causes: la promotion des valeurs humaines, la promotion de l’harmonie entre les religions et le bien-être du peuple tibétain. En 1989, il reçoit le prix Nobel de la paix. Depuis l’année passée, il s’est démis de ses fonctions politiques en renonçant au statut de leader politique de son pays.

De nombreuses stars, des acteurs, des chanteurs et des écrivains, se sont mobilisés pour soutenir le Dalaï-Lama en exil et la cause tibétaine. L’acteur américain, Richard Gere, la chanteuse islandaise Björk ou encore la musicienne américaine Patti Smith en font partie. En 1996, les Beastie Boys ont créé les Tibetan Freedom Concerts. Un concept de concerts rassemblant plusieurs artistes célèbres, dont les bénéfices servent à financer des actions de soutien envers le Tibet.

Source: www.dalailama.com

Le bouddhisme en quelques mots

Le bouddhisme se définit comme l’enseignement du Bouddha historique, qui a vécu en Inde, environ au Vème siècle av. J.-C. Considéré comme une philosophie et une religion sans Dieu, il se décline sous plusieurs formes. Rien qu’au Tibet, il y a au moins cinq écoles différentes.

Les enseignements du Bouddha se veulent comme une réponse à la douleur engendrée par l’existence-même. Trois points régulent les expériences de bonheur et de souffrance des individus: éviter les actions non vertueuses, accomplir les actions vertueuses, dompter son esprit.

Il s’agit de sortir du cercle des renaissances terrestres en se libérant de la principale cause de souffrance: le désir. Le but des enseignements du Bouddha est d’atteindre «l’éveil» qui constitue la base de l’action altruiste et permet d’accéder au nirvana mettant fin au cercle des renaissances. Selon une étude du Pew Research Center, un centre de recherches américain, datant de 2012, il a y environ 500 millions de bouddhistes sur la planète, soit 7% du nombre total d’individus.

Sources: Centre des Hautes études tibétaines du Mont-Pélerin et Wikipédia