Lytta Basset: S’initier à l’accompagnement spirituel

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Lytta Basset: S’initier à l’accompagnement spirituel

Anne-Sylvie Mariéthoz
19 avril 2013
La dimension spirituelle peut-elle enrichir la relation d’aide? Rencontre avec la théologienne Lytta Basset, qui vient de publier un livre sur le sujet.

Protestinfo: Parallèlement à l’enseignement, pratiquez-vous toujours l’accompagnement spirituel aujourd’hui?

Lytta Basset: Oui, tout à fait et même plus que jamais. La demande a augmenté avec les années et actuellement elle explose. C’est un constat réjouissant et ce qui me frappe c’est qu’il y a de plus en plus de messieurs qui demandent un accompagnement de ce type et de plus en plus jeunes.

D’où viennent les demandes?

De partout. Ce sont des personnes qui me lisent ou qui suivent mes conférences; cela les met en confiance et elles s’adressent à moi.

Il n’y a pas seulement des personnes chrétiennes, ni même croyantes?

Non, c’est complètement ouvert. Il s’agit parfois de personnes engagées dans l’Eglise – différentes Eglises du reste. Mais il y a aussi des gens en recherche qui n’ont pas forcément une appartenance religieuse très claire.

On sent bien quand on vous lit que la tradition chrétienne vous inspire et fournit les bases de votre travail, mais aussi que vous cherchez à vous en extraire pour délivrer un message plus universel.

L’universalité du message, je la trouve en fait dans les textes. Il y a, aussi bien dans la bible hébraïque que dans les Evangiles, dans la bouche de Jésus en particulier, une parole extrêmement ouverte à l’être humain en général. Mais l’Eglise traditionnelle a développé un langage typé, qui par moment n’est même plus compréhensible pour les contemporains. On dit par exemple «l’esprit saint», mais à l’origine, l’expression que Jésus a employée est «souffle saint». Quand on parle de «souffle», les gens comprennent beaucoup mieux: ça parle du Vivant, de la démarche spirituelle, de l’inspiration… Et du moment que ce message me fait vivre moi, je pense qu’il a aussi quelque chose de communicatif.

Le langage s’est dévoyé?

Figé plutôt. Dans le sens où certains mots étaient tout à fait compréhensibles et riches autrefois, mais qu’ils ne sont plus entendus de la même façon aujourd’hui. Par exemple le mot charité, caritas, un mot magnifique et très riche, mais qui a pris entretemps des connotations péjoratives, car on a trop parlé de «faire la charité», etc.

Il faut rester attentif à utiliser des mots que tout le monde comprend et qui parlent à nos contemporains. L’«Esprit saint» est une expression religieuse ecclésiale dont même beaucoup de chrétiens ne connaissent plus le sens, tandis que si on parle du «souffle de vérité», là ils comprennent.

À propos de vérité, plusieurs auteurs font référence dans le livre à un travail de vérité, qui semble constituer une part importante de la formation?

Quand Jésus dit: «je suis le chemin, la vérité et la vie», il me semble que c’est une parole que chacun peut s’approprier. Quand on demande à être accompagné, cela signifie qu’on est prêt à se déplacer, à cheminer vers la vérité de sa vie, de son identités, de sa personnes. Cette démarche nous amène en fin de compte à approcher davantage notre vérité et à être beaucoup plus vivants et plus authentiques.

Quelle que soit la fonction ou l’orientation religieuse?

Oui, chaque fois que j’évoque l’accompagnement spirituel lors de mes conférences, on me répond: «on en a vraiment besoin, tous!». Décrit ainsi, comme une démarche vers plus d’authenticité et plus de cohérence dans ce que nous vivons, cette approche peut concerner tout être humain en quête de sens, en intégrant cette dimension de la transcendance et de l’ouverture à l’autre avec un grand A.

Treize témoignages sur l’accompagnement spirituel

Quand elle était pasteure dans l’Eglise réformée de Genève, Lytta Basset a été sollicitée à plusieurs reprises pour des entretiens suivis, par des personnes souhaitant effectuer un travail sur elles-mêmes. Elle s’est retrouvée «propulsée» dans une pratique à laquelle elle n’avait pas encore donné de nom, mais dont l’importance devait croître avec les années.

Mais la pasteure s’est aussi rendue compte que les outils développés à travers sa pratique, pouvaient bénéficier à un large éventail de professionnels et de bénévoles impliqués dans les relations interpersonnelles.

Du spirituel dans l’art…de cheminer avec autrui

En témoignent les treize contributions de cet ouvrage, dont les auteurs interviennent dans des domaines aussi divers que la santé et le social, le monde judiciaire, l’enseignement et les organisations non-gouvernementales. Ils ont suivi la formation en accompagnement spirituel (CAS)* dirigée par Lytta Basset, devenue entretemps professeure de théologie pratique à l’Université de Neuchâtel.

Ces personnes n’entretiennent pas toutes un lien étroit avec leur confession ni même avec la spiritualité, mais elles étaient animées par un même besoin de sonder le sens et les limites de leur pratique. Car aider son prochain est un exercice semé d’embûches, qui peut souvent déboussoler et confronter les participants à bien des remises en question.

Travail de vérité

Or ce que propose la démarche d’accompagnement spirituel, c’est avant tout d’aborder très frontalement ces questions de sens, ces aspects déstabilisants que l’on préfère éluder d’habitude, par gêne ou par peur. Passer par ce «travail de vérité», pour s’interroger sur ses fondamentaux - «qu’en est-il de ma capacité de compassion?», «que signifie être en relation?», «quelles sont les valeurs qui me guident?» - s’est révélé fécond et instructif pour chacun.

«Le travail premier est à faire sur soi-même», dit une participante. Car comment entendre l’autre, l’accueillir avec ses questions existentielles et sa perplexité, si l’on est soi-même paralysé face à ces sujets? Ainsi cette conseillère en orientation qui a entrepris la formation notamment pour mieux «comprendre ses résistances» et tenter de les surmonter pour «pratiquer une écoute moins sélective».

«La capacité à être connecté à son intériorité et à ses émotions» est le premier outil de l’accompagnant, la condition indispensable pour «parler vrai», souligne encore une pédagogue.

Rapport d’égalité

Prendre du recul par rapport à sa pratique, cela permet aussi d’en redéfinir les buts et les ambitions. Le terme «accompagnement» est choisi à dessein, car il renferme l’idée d’un cheminement, d’une démarche fraternelle et jamais achevée, mais aussi d’une certaine humilité. «Avant ma formation, j’avais l’impression qu’il fallait faire. J’avais de la difficulté à être juste là, présente, attentive», souligne une aumônière en institution sociale, accueillant des personnes polyhandicapées.

Or cette attention, cette ouverture aux autres, est une aptitude qui se cultive, «il ne s’agit pas d’une qualité innée», relève un pasteur. C’est un travail d’aller toujours au fond de soi chercher les ressources pour soutenir cette attitude «d’accueil respectueux». Envisager la personne que l’on aspire à accompagner au-delà de tout contexte, jugement ou diagnostic, permet enfin de reconnaître en elle «l’enfant de Dieu» (diront les croyants), ou tout simplement «la part humaine qui nous relie les uns aux autres». Ce qui est déterminant pour la qualité de l’échange- mais loin d’être anodin quand on songe à notre société, à ses institutions… et aux rapports que nous entretenons les uns avec les autres!

Lytta Basset précise bien dans son introduction que la démarche d’accompagnement spirituel ne prétend se substituer à aucune thérapie. Mais elle rappelle à quel point il peut être salutaire de commencer une telle démarche en ayant entrepris cette réflexion, en s’interrogeant sur sa façon de percevoir l’autre et de se positionner face à lui. Les participants lui en savent gré, qui reconnaissent tous le bénéfice de la démarche et admettent ne plus exercer leur métier de la même manière. ASM