Des choses prévisibles et d’autres imprévisibles

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Des choses prévisibles et d’autres imprévisibles

18 décembre 2013
Souvent on considère comme peu ou pas prévisibles des événements qui en réalité, en tout cas à l’échelon d’une collectivité, le sont dans une large mesure – et peuvent donc faire l’objet de mesures préventives.

Photo:CC(by-sa) Gaz

par Dr Jean Martin

En santé publique, c’est sur la base de données scientifiques solides qu’on promeut des mesures telles que des vaccinations ou des tests de dépistages ou que l'on incite la population à renoncer à des pratiques telles que le tabagisme.

Sur la route également les accidents peuvent être prévenus par la ceinture de sécurité, les contrôles de l’alcoolémie et les limites de vitesse, par exemple. En matière de santé publique, «les accidents ne sont pas accidentels». A l’échelon d’une collectivité et contrairement à ce qu’on pourrait penser, il existe une prévisibilité (plus ou moins marquée) des accidents.

Violence des armes prévisibles

Cette prévisibilité existe aussi pour la violence volontaire (incivilités, agressions, homicides...). Nous sommes tous frappés de ce côté-ci de l’Atlantique par les tueries par armes à feu qui reviennent périodiquement aux États-Unis, dans des écoles, des campus ou des supermarchés. On sait que l’impuissance des pouvoirs publics à y faire face est étroitement liée à des mythes de type Far West où le pistolet bat le flanc de tout cow-boy qui se respecte.

Les grands prêtres de cette imagerie «patriotique» meurtrière, au premier rang desquels la très funeste National Rifle Association (NRA), a dans leur fonds de commerce d’arguments erronés l’idée que ces accidents sont inévitables et dus principalement à la méchanceté de «bad guys». Clamant que ces choses sont imprévisibles, alors qu’elles le sont, la NRA veut que chaque résident des USA ait à la maison un arsenal pour sa «légitime défense». Ce raisonnement est inepte, scandaleux. Si les États-Unis connaissaient un système tant soit peu adéquat de contrôle des armes à feu et de leurs détenteurs, on aurait sans délai une forte diminution de ces drames.

Une guerre prévisible?

Plusieurs imprévisibilités me préoccupent aujourd’hui. On sait que des guerres peuvent être déclenchées par un événement, un casus belli, objectivement mineur. Depuis plus de deux ans la Syrie est ainsi détruite par la guerre civile alors que les grandes puissances restent passives. La place de ce pays sur l’échiquier politico-diplomatique est telle que chacun craint des conséquences délétères et imprévisibles en cas d’intervention.

Moi qui me suis engagé durant des années et de diverses manières pour la coexistence pacifique et respectueuse entre cultures, ethnies et religions, j’avoue mon inquiétude devant la montée actuelle des intolérances, extrémismes et terrorismes. La déstabilisation de plusieurs régions du monde par des groupes armés terroristes ne va-t-elle pas s’étendre de manière dangereuse à l’ensemble de la planète.

Une situation imprévisible

Je vois un caractère grave d’imprévisibilité à ce que nous vivons. On aurait envie que les analystes puissent décrire adéquatement les causes et mécanismes de l’instabilité actuelle, voir en quoi certains développements ne sont pas imprévisibles et conseiller en conséquence les décideurs.

Mais ce qui me désespère c’est que même face à des enjeux où les experts peuvent conseiller les décideurs, la pusillanimité des politiques à admettre et ensuite saisir à bras-le-corps les problèmes laisse songeur. J’en veux pour exemple les conséquences de l’altération de l’environnement et du réchauffement climatique, qui ne sont aujourd’hui que trop prévisibles. Mais le pire n’est jamais certain dit-on.