Jean-Daniel Macchi: «Nous assumerons nos responsabilités en ce qui concerne la théologie pratique»
Le professeur d’Ancien Testament, Jean-Daniel Macchi, entame sa deuxième année comme doyen de la Faculté de théologie de Genève. Il nous a accueillis pour parler de l’avenir de la théologie en Suisse romande.
Propos recueillis par Joël Burri et Elisabeth Schenker
Dans les milieux ecclésiaux, l’inquiétude est palpable depuis l’annonce de la fermeture de la Faculté de théologie de Neuchâtel. Où va se faire l’enseignement de la théologie pratique et que va devenir la Faculté de Genève?
En ce qui concerne la Faculté de Genève, je pense qu’on peut dire que la situation est bonne et que l’équipe professorale est dynamique. La fermeture annoncée de la faculté de Neuchâtel génère cependant une situation compliquée, puisque dans le cadre des accords qui liaient les universités de Genève, Lausanne et Neuchâtel, c’est uniquement là-bas qu’était enseignée la théologie pratique.
La théologie pratique, il faut le rappeler, est une discipline qui réfléchit de manière théorique au contenu et au sens des pratiques ecclésiales. Cette discipline permet aussi aux étudiants qui se destinent à des métiers ecclésiaux d’acquérir toute une série de compétences pratiques. Cela dit, la formation des futurs pasteurs, des aumôniers, des formateurs d’adultes ne se fait pas seulement à l’Université puisqu’une période de stages intervient après la formation académique. Ces stages sont pilotés par les futurs employeurs.
Quoi qu’il en soit, comme objet d’enseignement et de recherche universitaire, la théologie pratique est fondamentale. Elle constitue l’une des disciplines majeures de la théologie, avec les sciences bibliques, l’histoire du christianisme et la réflexion systématique et éthique. Dès lors, il est clair qu’un cursus académique en théologie ne peut pas se passer de cette branche.
Durant l’année académique 2014-2015 les choses sont claires, Félix Moser, professeur en poste à Neuchâtel, assurera encore comme par le passé l’enseignement de la théologie pratique. Son enseignement sera, cependant, complété par des charges de cours.
Se prépare-t-on à éclater cette discipline entre les deux universités restantes?
Je ne pense pas que la collaboration entre des universités risquerait de conduire à l’éclatement d’une discipline comme la théologie pratique qui, par son essence même, requiert une grande variété de compétences. L’établissement de vraies synergies peut au contraire largement enrichir l’offre de nos facultés.
Pour les modalités précises de l’avenir de la théologie pratique en Suisse romande, je me contente ici de vous dire qu’un scénario se prépare qui sera, j’espère, satisfaisant pour tous les milieux concernés. Quoi qu’il en soit, il est certain que la théologie pratique continuera d’être enseignée en Suisse romande.
Il y a donc déjà un plan?
Nous y travaillons. Je suis persuadé que notre faculté, en collaboration bien sûr avec notre partenaire lausannois, continuera à offrir des cursus de bachelor et de master en théologie de grande qualité dans tous les domaines de la théologie.
Pourtant, la situation n’est pas des plus confortable, avec un budget qui a encore été vu à la baisse lors d’un récent consistoire de l’Eglise protestante de Genève (EPG).
L’EPG fait preuve d’une grande solidarité avec la faculté, en dépit de ses propres difficultés elle continue à nous assurer un soutien considérable. Il y a des années que l’on travaille en concertation avec l’EPG pour que les choses se passent au mieux.
Justement lors de cette révision du budget de la faculté par le Consistoire, l’ancienne présidente de l’EPG avait constaté que la formation théologique des pasteurs se recentrait sur Genève. Quelle est votre position de doyen sur la question?
Ce n’est un secret pour personne, la Faculté de théologie et de sciences des religions de Lausanne a renforcé ses compétences en sciences des religions. Ce point est réjouissant sur le plan de la collaboration, puisque le cursus de théologie requiert lui aussi des éléments d’enseignements d’histoire et de sciences des religions. Cependant, on ne peut pas dire que Lausanne ait renoncé à l’enseignement en théologie. Un nouveau professeur de Nouveau Testament de grande qualité vient justement d’y être nommé.
Et du côté de Genève, quoi de neuf en cette rentrée?
Sous l’égide de deux professeurs de notre faculté, François Dermange et Ghislain Waterlot, un cours d’éthique transversale destiné aux étudiants de toutes les Facultés de l’Université de Genève aura lieu. Ce cours expose les principaux courants qui marquent la réflexion éthique contemporaine dans les domaines de la vie personnelle, sociale et citoyenne. Une première version de ce cours avait déjà eu un grand succès l’an passé puisqu’une centaine d’étudiants l’avaient suivi.
Par ailleurs, les interactions entre notre faculté et d’autres Facultés de l’Université existent depuis fort longtemps et nous tenons à les renforcer. Nos collaborations avec la Faculté des lettres sont nombreuses par exemple dans les domaines de l’histoire, notamment de celle des religions, ou des langues anciennes.
Une faculté comme la nôtre reste de taille modeste, nous avons environ 180 étudiants. Elle offre cependant de nombreuses filières d’études. Nous dispensons des cursus de bachelor et de master. Une formation à distance, un certificat d’études avancées conjointement avec l’Institut œcuménique de Bossey. En outre, nous assurons la formation de nombreux doctorants.
Pour une Faculté comme la nôtre, il est fondamental de cultiver une recherche d’excellence. C’est ce qu’au travers des colloques que nous organisons et des publications que nous produisons nous ambitionnons de faire. L’intérêt pour le domaine du religieux reste important dans le monde contemporain. Dans la cité de Calvin, une faculté proposant une recherche de qualité à propos du protestantisme réformé répond à un vrai besoin. D’ailleurs, au cours des dix dernières années on a pu constater une nette croissance du nombre d’étudiants.
L’une des filières les plus médiatisées de Genève est le bachelor à distance. Un master est-il prévu?
C’est vrai que notre bachelor à distance est un véritable succès depuis plus d’une dizaine d’années. Nous avons la ferme volonté d’offrir à l’horizon 2015-2016 un master en théologie par formation à distance. Comme pour le master en présence, il se fera probablement en collaborant avec notre partenaire lausannois. Développer une nouvelle filière requiert d’importantes ressources qu’on ne pourra dégager qu’en rationalisant et en assurant une bonne synergie avec le cursus présentiel.