«La morale n’a jamais aidé personne»: faux, archifaux!

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«La morale n’a jamais aidé personne»: faux, archifaux!

31 décembre 2014
Chaque semaine, Protestinfo donne carte blanche à une personnalité réformée. Le médecin Jacques-André Haury, député vert'libéral au Grand Conseil vaudois, se penche sur le rôle de la morale dans la société.

Photo: Moïse reçoit les dix commandements (peinture de Gebhard Fugel)

Le quotidien gratuit «20 minutes» du 10 novembre 2014 a consacré sa première page à un ouvrage de Gottfried Locher, président de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS), dans lequel il parle de la prostitution. Sous sa photo figure cette citation: «La morale n’a jamais aidé personne!»

Je n’exclus pas que cette citation soit déformée ou mal traduite. Mais cette affirmation s’inscrit dans un certain courant libertaire assez répandu dans notre société, notamment à partir de mai 68. Elle contamine parfois le discours de quelques théologiens. Elle mérite une réponse ferme.

D’abord, qu’est-ce que la «morale»? Elle a deux définitions:

- la morale consiste à établir la distinction entre le bien et le mal

- la morale constitue un ensemble de règles de comportement admises dans une société.

Etablir la distinction entre le bien et le mal: quel programme! Et quel beau programme pour des chrétiens qui cherchent à le réaliser à la lumière de l’Evangile. Aux esprits imbus de relativisme qui oseraient affirmer que c’est «une question individuelle», nous avons le devoir de tenir tête. Même en dehors de l’Evangile, il existe bien une morale universelle, que l’on retrouve dans tous les courants de pensée: pour ne citer que quelques exemples, le respect de la vie et de la personne d’autrui, la protection des faibles, la fidélité à la parole donnée sont toujours considérés comme des comportements moraux qui relèvent du «bien».

Quant à la morale prise dans son second sens, celui d’un ensemble de règles admises dans une société, elle est essentielle au vivre ensemble. Cette morale adoptée par un groupe social apporte à ses membres la sérénité nécessaire à la vie quotidienne. Quand je croise un individu sur un trottoir sombre, les règles morales de notre société m’assurent que je puis le saluer, même sans le connaître, et qu’il est probable qu’il me rendra mon salut, sans chercher à me poignarder. Les règles souffrent des exceptions: elles n’en sont pas moins indispensables.

C’est ainsi que, sans l’ombre d’une hésitation, j’affirme le contraire des propos attribués à Gottfried Locher: oui, la morale aide chacun, tous les jours et dans toute société. Chaque individu qui, obéissant à des règles morales, fait un peu de bien à un autre est utile à la société. La morale est même le ciment de la vie en société.

Et la morale protège aussi l’individu contre lui-même. Elle le contraint, dans des situations de doute, à opter pour le bien plutôt que pour le mal. Tous les soirs, nous pouvons nous féliciter d’avoir, pour des raisons morales, fait de bons choix – ou parfois nous désoler du contraire…

Je remarquerai pour terminer que la morale est la condition de la liberté: lorsque la morale s’efface de la société, il ne lui reste plus que la loi, et ses intrusions profondes dans la vie privée, pour garantir l’ordre public. La prolifération de dispositions juridiques dans notre droit cantonal ou fédéral, à laquelle on assiste ces dernières années, n’est que le reflet d’un effacement des règles morales dans la société. La charité nous pousse à considérer que la citation de «20 Minutes» a trahi la pensée du président de la FEPS.