«24 heures» ne publie plus les horaires des cultes
La traditionnelle page «Cultes» du samedi dans 24 heures n’est plus. Le quotidien vaudois a, en effet, décidé de renoncer à ce service depuis le début de l’année. A la place, un encart renvoie les lecteurs sur les pages web où trouver cette information. «Mais nous avons gardé le “billet du samedi”», souligne Thierry Meyer, une réflexion hebdomadaire proposée à un homme ou à une femme de foi.
Le rédacteur en chef de la publication le reconnaît, c’est une mesure d’économie. «On y réfléchit depuis plusieurs années. Est-ce que l’investissement et la masse de papier utilisés pour cette page se justifient par rapport au rythme de changement de ces horaires et à la disponibilité, par ailleurs, de cette information?», explique Thierry Meyer. «Bien-sûr, on va nous dire que les cultes concernent une population âgée qui ne va pas sur internet. Mais c’est faux! De plus en plus de seniors vont sur internet.»
Internet a changé le rôle d’un quotidienDes modifications du nombre des pages et des différentes rubriques d’un quotidien interviennent régulièrement dans la vie d’un journal. «Nous sommes régulièrement amenés à jauger entre ce qui relève de la plus-value, du service indispensable et du remplissage», explique Thierry Meyer. Ainsi durant les dernières années, plusieurs pages ont disparu, c’est par exemple le cas du programme TV quotidien. «A contrario, nous avons ajouté une page appelée “décodage” qui a pour but d’aider les lecteurs à décrypter l’actualité et nous avons renforcé les horaires des cinémas, puisque nous jugeons que cette information est difficile à trouver de manière fiable sur internet.» Aux nostalgiques des éditions comprenant une huitantaine de pages dans les années 1980, le journaliste rétorque qu’un tiers de la surface était alors consacrée à la publicité (10% aujourd’hui) et qu’avant internet de nombreuses informations de services n’étaient disponibles que dans la presse. «Le nombre de journalistes travaillant sur l’actualité vaudoise, notre plus-value, a en fait augmenté.»
Mais la disparition de la page «Cultes» n’est en aucun cas une décision idéologique. «Pour moi, il est important que nous continuions à traiter de l’actualité religieuse», souligne Thierry Meyer. Depuis son entrée en fonction il y a huit ans, il tient d’ailleurs à ce qu’une interview de théologien soit publiée chaque année à la veille de Noël. «Et si pour les Eglises la parution de cette information est indispensable, nous sommes ouverts à la discussion pour chercher une solution».
Eglises prévenues très tardL’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV) accueille la nouvelle avec une certaine sérénité. Ce qui fâche un peu, c’est le manque d’information qui a entouré cette discussion. «Les Eglises ont été prévenues par un courrier le 8 décembre dans lequel la date d’entrée en vigueur de la mesure n’était pas claire», déplore Line Dépraz, conseillère synodale répondante du dicastère information et communication. «Cela ne nous a laissé aucun temps pour prévenir les paroissiens.» La pasteure se réjouit toutefois du maintien du billet du samedi. «24 heures nous a promis qu’il trouverait désormais place face au courrier des lecteurs. C’est une très bonne place. J’ai donc proposé aux auteurs réguliers que l’on réfléchisse à la couleur que nous souhaitons donner à ces contributions. Vu leur nouvel emplacement, je souhaiterais que ces textes aient un lien plus fort avec l’actualité.»
24 heures n’est pas le premier quotidien à renoncer à ce service. Le Courrier a par exemple fait ce pas, il y a 5 ans environ, restreint dans son nombre de pages, la rédaction avait préféré supprimer ce service pour étendre le contenu rédactionnel. Et pour Stéphane Devaux, rédacteur en chef du Journal du Jura, l’idée n’est pas saugrenue. «Je ne vous cache pas que c’est une question que je me suis déjà posée», réagit-il. «Je me demande quelle pertinence a cette publication. Ce n’est pas une question idéologique, mais je me demande si cette offre répond toujours à un besoin, entre les sites internet et les journaux d’Eglise et de paroisse, je me demande si cette offre trouve toujours son lectorat. En particulier pour les communautés évangéliques, je suis persuadé que leurs membres n’ont pas besoin d’ouvrir le journal pour savoir quand est le culte. Mais je me doute bien que si nous supprimions les horaires des cultes des seuls évangéliques, ces derniers réagiraient. Etre dans le journal régional est une forme de reconnaissance», poursuit le journaliste qui précise: «mais ce n’est pas un thème de discussion dans notre rédaction, nous n’avons pour l’heure aucun projet de supprimer ce service.»
Une pétition des Eglises évangéliquesCette expérience a, par contre été menée dans L’Express et L’Impartial. «En 2006, mon prédécesseur avait décidé de supprimer les Eglises évangéliques de la page des cultes. Mais c’est moi qui étais rédacteur en chef quand la décision est entrée en vigueur», raconte Nicolas Willemin. «Il y avait une pétition qui avait réuni 3000 signatures et des désabonnements. Nous avons trouvé un accord financier, plutôt symbolique, avec ces Eglises et nous sommes revenus en arrière. Depuis, l’horaire des cultes fait partie des pages que l’on ne touche pas, comme la météo, le programme télé ou le feuilleton.»
Pas question, non plus, de supprimer cette information des pages de La Liberté. «Ce service semble apprécié, si j’en crois les remarques souvent nombreuses qui nous parviennent quand des imprécisions se glissent dans cette rubrique», note Serge Gumy rédacteur en chef adjoint. Un service qui représente une certaine somme de travail: «Une collaboratrice de notre rédaction compile les informations fournies par les paroisses et autres unités pastorales. Elle se charge par ailleurs de les réclamer quand elles n’ont pas été envoyées», relate Serge Gumy.
Auncun projet de supprimer la tabelle des cultes dans Le Quotidien jurassien ou dans La Tribune de Genève, Pierre Ruetschi, rédacteur en chef du quotidien genevois, précise toutefois: «il n’y a pas de garantie sur le long terme que nous puissions maintenir ce service dans le print alors que ce type d’information trouve naturellement toute sa place sur notre site internet.»