Les migrants sont une ressource pour l’industrie suisse
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«L’éventail au niveau socioprofessionnel est tout aussi large parmi les personnes migrantes qu’au sein de la population suisse. Il s’agit de revoir nos propres préjugés par rapport au profil du migrant non qualifié», explique Gabriela Amarelle, déléguée à l’intégration de la Ville de Lausanne. «La situation a évolué ces dernières décennies». Une enquête de l’institut bâlois «B.S.S Volkswirtschaftliche Beratung AG», mandatée par l’Entraide protestante suisse (EPER) et présentée lundi 20 avril à Berne, vise ainsi à déterminer comment valoriser la main-d’œuvre disponible pour couvrir les besoins des entreprises suisses. Selon l’Office fédéral de la statistique, 50'000 migrants hautement qualifiés, c’est-à-dire titulaires d’un diplôme d’une haute école professionnelle ou universitaire, vivent en Suisse et peinent à trouver du travail ou sont engagés à des postes pour lesquels ils sont surqualifiés.
Parallèlement, les entreprises suisses rencontrent des difficultés à trouver de la main-d’œuvre qualifiée. D’après une étude du Secrétariat d’Etat à l’économie, deux tiers des secteurs d’activité pourraient souffrir d’une pénurie de personnel qualifié. Une étude du Boston Consulting Group a également montré que la Suisse pourrait manquer de 430'000 collaborateurs en 2020. Vient s’ajouter l’acceptation de l’initiative «contre l’immigration de masse» de l’UDC qui réduit le nombre de personnes pouvant être recrutées à l’étranger.
Valoriser la main-d’œuvre disponibleL’étude qui a été menée dans le cadre de la campagne annuelle de l’EPER, «L’égalité des chances, un investissement gagnant», a été réalisée auprès de 48 entreprises dans les domaines de la construction, l’hôtellerie, l’informatique, l’ingénierie et la santé. L’EPER qui s’engage en faveur de l’égalité des chances et de l’intégration des personnes défavorisées a mis en évidence quatre groupes de main-d’œuvre disponible systématiquement désavantagés: les personnes de plus de 50 ans, les jeunes socialement défavorisés, les personnes peu qualifiées et les migrants hautement qualifiés. Les 48 industries interrogées ont décelé un potentiel parmi les quatre groupes avec une préférence pour les personnes de plus de 50 ans et les migrants hautement qualifiés.
Toutefois, elles ont fait part de leurs difficultés lors de l’engagement de ces derniers, notamment face à la reconnaissance des diplômes étrangers, mais aussi concernant les connaissances linguistiques ou encore des craintes liées aux conflits culturels. «L’emploi est le secteur clé en matière d’intégration et toutes les personnes migrantes ne sont pas égales face à cette question. Les personnes de l’Union européenne ont plus de facilités que celles des Etats tiers à faire valider leur formation. Parfois, il y a aussi des inadéquations entre les études et le pays. Par exemple, des juristes peinent à utiliser leurs compétences en Suisse et se retrouvent à travailler comme chauffeur de taxi», souligne Gabriela Amarelle.
Les autorités politiques doivent agirA la suite de cette enquête, l’EPER demande aux autorités politiques de mettre en place une base de données nationale pour réussir à comparer les diplômes, des médiations interculturelles pour les entreprises et encore des cours de langue spécifiques. Des requêtes auxquelles la conseillère aux Etats bâloise, Anita Fets, a déjà réagi. Elle déposera, lors de la session d’été, un postulat visant la création d’une base de données nationale pour permettre «l’interprétation des diplômes étrangers et l’établissement d’équivalence».