Les Eglises: des lobbys qui échappent aux contrôles prévus pour les activistes

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Les Eglises: des lobbys qui échappent aux contrôles prévus pour les activistes

18 novembre 2015
D’après une étude critique sur le lobbying, les Eglises ont toujours une forte influence sur les décisions politiques

Photo: le siège du Parlement allemand. CC(by)Rodrigo Galindez

Berlin (EPD/Protestinter). Le politologue allemand Carsten Frerk estime que les deux grandes Eglises ont une influence notable sur les décisions politiques, mais qu’elles échappent aux règles qui s’appliquent aux lobbyistes. Telle est la conclusion du scientifique très critique envers les Eglises dans une étude présentée la semaine passée à Berlin.

Selon les résultats de Carsten Frerk, les Eglises déploient plus d’effectifs à des fins de lobbying auprès du Parlement ou du gouvernement fédéral que certaines grosses fédérations professionnelles.

Ceci n’obéit pas à des motivations altruistes: plus de 100 milliards seraient dépensés chaque année dans le domaine ecclésiastique, selon les calculs de Carsten Frerk, qui a par le passé publié plusieurs études critiques sur les finances des Eglises. Ces dernières seraient les premiers employeurs et propriétaires fonciers d’Allemagne.

A Berlin, la conférence épiscopale catholique d’Allemagne gère l’Office catholique, tandis que l’Eglise protestante exploite l’Office des responsables du Conseil de l’Eglise protestante d’Allemagne. Ces offices berlinois comptent moins d’une douzaine d’employés chacun, affirme Carsten Frerk. Pourtant, sur l’ensemble du pays, les deux Eglises comptent ensemble environ 100 lobbyistes auprès du gouvernement fédéral et des gouvernements et parlements régionaux.

Contrairement à toutes les autres forces présentes au sein de la société, les Eglises sont associées au processus législatif sans disposer d’aucune légitimité démocratique: c’est ce que dénonce l’auteur de l’étude, qui a été publiée dans un ouvrage intitulé «La république ecclésiastique d’Allemagne». A Berlin, les représentants des Eglises ne seraient pas, comme ceux de l’industrie ou d’autres groupes d’intérêts, enregistrés comme des cabinets de lobbyistes. Il existerait des liens étroits entre les lobbyistes ecclésiastiques et les ministères. En outre, il serait possible de pantoufler d’une fonction de service public vers le service ecclésiastique et réciproquement, tout en conservant son régime de pensions.

D’après Carsten Frerk, il existerait au Bundestag comme dans les parlements régionaux un «parti de Dieu», un groupe de députés qui transcenderait les partis et voterait en bloc sur les questions ecclésiastiques et religieuses. Les Eglises ont ainsi continué à influencer la vie quotidienne des Allemands dans de nombreux domaines, alors que la majorité de la population ne se réclame plus d’aucune religion et que les opinions laïques prévalent désormais.

Pour Ingrid Matthäus-Maier, qui fut pendant de nombreuses années députée SPD au Bundestag, le dernier exemple en date a été le vote sur l’interdiction des associations pro-euthanasie, il y a deux semaines. Avant le vote, les deux Eglises ainsi que les présidents de la CDU-CSU, du SPD et des Verts auraient envoyé aux députés une lettre dans laquelle ils militaient en faveur de cette demande d’interdiction. Quatre propositions de loi ont été présentées au parlement, qui allaient d’une interdiction totale du suicide assisté à l’autorisation de services d’euthanasie à des fins non commerciales.

L’enquête de Carsten Frerk a été commanditée par l’Union internationale des personnes athées et sans confession, et promue par la fondation Giordano Buno, très critique envers la religion. Elle se fonde notamment sur l’analyse de dossiers des Eglises antérieurs à 1985. Les documents plus récents ne sont pas encore accessibles librement.