Les évangéliques face aux abus: un tournant nécessaire

Le film Dignity: de l’ombre à la lumière (2024) interroge les violences sexuelles notamment en milieu chrétien. / ©DR
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Le film Dignity: de l’ombre à la lumière (2024) interroge les violences sexuelles notamment en milieu chrétien.
©DR

Les évangéliques face aux abus: un tournant nécessaire

Documentaire
Les Eglises évangéliques romandes ont entamé un travail de fond pour lutter contre les abus sexuels et spirituels. Mais c’est une culture ecclésiale complète qui doit être repensée.

«Je ne pouvais rien faire, j’étais comme enfermée là-dedans, je n’osais pas parler», «Mais, Dieu, t’étais où?»…  Dans le documentaire Dignity (voir encadré), on suit la reconstruction de victimes d’abus proches de milieux évangéliques. Sa réalisatrice, Margarita Fugger-Heesen, par ailleurs psychologue, historienne de l’art et danseuse, est aussi à l’origine d’une association du même nom. Si elles s’adressent à tous, l’organisation comme l’œuvre visent entre autres à permettre «un processus de restauration intérieure avec Dieu». S’agit-il d’éviter toute rupture religieuse ou communautaire à la suite d’un abus? Margarita Fugger-Heesen envisage plutôt la foi comme une ressource «qui peut apporter de l’espoir au cours d’un processus de résilience».

Dignity joue un rôle de «libérateur de la parole», assure Liliane Favarger, membre du Réseau évangélique suisse (RES), qui témoigne dans le documentaire. Le film sera projeté dans plusieurs Eglises de la Fédération romande d’Eglises évangéliques (FREE), où l’association s’est déjà présentée. «On a senti les questions des pasteurs, leurs limites par rapport à ces sujets, le besoin de définition: qu’est-ce qu’un abus spirituel, sexuel…? Quel protocole est adapté?», raconte Lisa Zbinden, membre de l’association, chercheuse indépendante et diplômée en études de genre de l’Université de Genève.

Rendre des comptes chaque année

Des interrogations que le RES accompagne de près: une charte lancée en 2023 vise à abolir «les violences ou abus sexuels, les abus de pouvoir et autres comportements transgressifs» (www.stopviolationdelimites.ch). Signée pour le moment par 60 organisations à travers le pays, elle demande notamment que celles-ci participent à une «conférence annuelle de redevabilité», une manière de «rendre des comptes», pour le directeur, Christian Kuhn. Ce premier temps d’échange doit avoir lieu en janvier 2025. Il ne sera pas public: seul «un compte rendu pourra être publié».

La charte exige aussi de ses signataires un travail effectif de prévention. «La situation n’est pas pareille pour une entité locale ou quelqu’un qui envoie des gens au loin: on veut une stratégie propre à chaque organisation. Et un processus clair en cas de crise. On sait que le signalement constitue un point critique.» Le RES réfléchit d’ailleurs à l’organisation d’un «espace neutre et polyglotte de signalement».

Infos

Dignity, un documentaire de Margarita Fugger-Heesen, 52 min, 2024.

A voir à Vevey, Rex 1, 20 septembre, 20h;
à Aigle, Cosmopolis, 4 octobre, 20h;
à Neuchâtel, salle polyvalente de la Cité des étudiants, 22 novembre, 19h30.

Infos: Dignity.ch.