Combler le vide par une dispute
Tout a commencé avec une réflexion, dans la presse, peu avant Noël, de l’ancien député vaudois Jacques-André Haury. Il proposait de combler le vide du socle du portail d’entrée de la cathédrale de Lausanne par une statue de la Vierge. L’argument : rappeler que le lieu a été consacré, au Moyen Age, à Notre-Dame de Lausanne. «Une statue qui affirmerait que la personne de Marie, la femme qui a dit oui au projet de Dieu, compte pour tous les chrétiens, protestants y compris. Elle marquerait un geste œcuménique rapprochant les chrétiens de toutes confessions, sans dissimuler l’intervention de la Réforme.»
Le débat s’est ensuite déroulé entre théologiens et par presse interposée. Résultat, une «dispute» était organisée le 13 septembre au sein même du lieu de la polémique, réunissant l’instigateur du débat, mais aussi des intervenants des Eglises réformée et catholique vaudoises.
Communion et confessions
Le débat en a fait sourire certains et en a agacé d’autres. Beaucoup se sont accordés sur sa superficialité. Pour autant, n’est-il pas le révélateur de l’état actuel de l’œcuménisme en terre vaudoise ? «Ce débat pose la question de l’appartenance confessionnelle, réformée autant que catholique. La cathédrale est un lieu phare du canton pour vivre la communion chrétienne. Et c’est là qu’est tout le défi: comment trouver, dans ce lieu, un équilibre entre l’appartenance commune au Christ et les touches confessionnelles propres à chaque communauté, sans heurter?», s’interroge Michel Racloz, président de la Communauté des Eglises chrétiennes dans le canton de Vaud (CECCV), qui regroupe une vingtaine de communautés. Actuellement la cathédrale est utilisée d’abord par les réformés. La CECCV y organise mensuellement une célébration de la Parole œcuménique, et les catholiques y célèbrent une messe par année.
L’enjeu de l’œcuménisme aujourd’hui est celui de son devenir dans la société, avec des risques de violence potentielle et de repli identitaire. «Le Christ agit dans ce monde, comment les Eglises peuvent-elles être témoins de cette présence? Il faut sortir des questions ecclésiales internes pour se pencher sur les réalités du monde. Il y a une prise de conscience des responsables des Eglises que l’unité est un don de Dieu, à appréhender en s’impliquant dans une réalité sociale, en priant ensemble,en ayant des gestes symboliques. Mais signifier l’unité chrétienne de manière visible est un chemin de conversion», affirme Michel Racloz.
L'exemple de la jeunesse
Il s’agit d’approfondir les liens entre les communautés, dans le respect des richesses de chacun. Une mission menée de front par la CECCV et qui passe notamment par l’élaboration de célébrations chrétiennes, un travail auprès des bénévoles qui ont des responsabilités, sans oublier la jeunesse. «La jeunesse vit l’œcuménisme différemment des anciens. Plus centrée sur l’événement, sa dimension festive, celle d’un moment vécu ensemble et non sur un échange entre les identités confessionnelles.» On est bien loin de la «dispute». Michel Racloz insiste tout de même : «Il est important que chaque personne puisse dialoguer et exprimer sa sensibilité.»
S’agissant de l’aménagement du socle vide, Michel Racloz sort du débat: «Dans un lieu fréquenté par une quantité de personnes différentes, il faut soigner l’hospitalité et être à l’écoute des attentes et des besoins des visiteurs. Des initiatives existent déjà. Mais si cela était possible, je proposerais de garder ces portes ouvertes», imagine Michel Racloz.