« Heureux les artisans de paix »

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[pas de légende]

« Heureux les artisans de paix »

Par Martin Hoegger
13 juillet 2024

« Synaxe » a réuni une quarantaine de membres de diverses communautés religieuses orthodoxes, catholiques et protestantes, pour sa 39e rencontre du 3 au 9 juillet 2024. Une intense semaine de partage, réflexions et prières vécue dans le monastère de Brâncoveanu, près de Sibiu, au pied des Carpates

C’est la cinquième rencontre à laquelle je participe. Retrouver des amis et des amies en Christ, frères et sœurs en lui est un bonheur ! Voici quelques moments forts. 

Mgr Athénagoras, métropolite orthodoxe du Benelux et président de Synaxe, explique le thème de cette année : « Heureux les artisans de paix ». Comment devenir un artisan de paix ? « La paix bénie par le Christ, dit-il, est le résultat et le fruit de la purification du cœur et de l'union avec Dieu ». Elle commence par rencontrer les autres et les écouter : « il faut une hospitalité du visage et de l’oreille ».

 

La paix, fruit de l’Esprit Saint.

Pour Frère Guillaume, de la communauté de Taizé, la paix est un des fruits de l’Esprit (Galates 5,22). Il faut lutter contre notre propre nature pour trouver la paix. C'est l’essentiel et les premiers chrétiens le faisaient. Ils sont devenus ainsi des personnes libres et remplies des dons de l’Esprit.

Nous devons construire la paix avant tout en devenant des personnes réconciliées, en accueillant les dons des autres. Elle est liée à la simplicité de vie qui conduit à l’ouverture aux autres. 

Le pasteur Jean-Philippe Calame, aumônier de la communauté de Grandchamp en Suisse, pense que la paix est essentiellement un don qui descend de Dieu. Elle est dans l'histoire, mais pas de l’histoire. Jésus seul est la paix accomplie de Dieu. La politique ne suffit pas à la créer. Lui seul peut la donner.

Claretain et spécialiste de la vie consacrée (Rome), Maurizio Bevilacqua donne une réflexion sur le pardon et la paix à la lumière du célèbre « cantique de frère soleil » de François d’Assise : « Loué sois-tu, mon Seigneur, pour ceux qui pardonnent pour Ton amour et soutiennent maladie et tribulation ». François est convaincu que toute réconciliation requiert avant tout la capacité de pardonner.

Bela Visky, pasteur protestant et professeur de théologie à Cluj, cite un commentaire de Dietrich Bonhoeffer sur la Béatitude des artisans de paix. Il affirme que le chrétien doit procurer la paix de manière active, pas seulement de la vivre de manière passive. Le chrétien accueille les autres en leur souhaitant la paix et préfère souffrir que de faire souffrir une personne. Les diverses communautés religieuses devraient se relier ainsi les unes aux autres.

Comment être davantage artisan de paix ? Cette question va nous accompagner longtemps, surtout dans des contextes dans lesquels il est difficile de vivre l’amour des ennemis. Un participant venant d’Ukraine a témoigné de cette difficulté.

 

La paix du cœur dans la tradition chrétienne

 Dom Johan Geysens, du monastère bénédictin de Chevetogne en Belgique, a parlé de la paix du cœur dans la tradition chrétienne, avec quelques figures spirituelles importantes. Il commence par la « vie de Saint-Benoît », dont Grégoire le Grand dit de lui qu’il « habitait avec lui-même ». C’est pourquoi il ne craignait personne. Dans l’ « Imitation de Jésus-Christ », T. A Kempis met l'accent sur la paix intérieure en réponse aux sollicitations extérieures : la condition nécessaire pour trouver la paix est la conversion intérieure : « Quittez-vous et vous jouirez d’une grande paix intérieure » !

Le métropolite orthodoxe roumain Serafim a rappelé que la tradition hésychaste met l'accent sur l'intériorisation. Toute prière doit être une prière du cœur, pas seulement celle qu’on appelle « prière de Jésus ». La méditation doit descendre dans notre cœur, au moyen de l'ascèse et de la prière. Sans elles, on ne peut pas acquérir la paix du cœur. 

Le professeur Pierre-Yves Brandt, de la faculté de théologie de Lausanne, voit dans Abraham l’exemple du doux qui vit la béatitude de la douceur. Il apaise un conflit entre ses bergers et ceux de Lot. Le doux est aussi un artisan de paix. Entre les confessions chrétiennes, nous avons aussi besoin de ces artisans, à savoir des hommes et des femmes qui n’occupent pas tout l’espace, mais laissent aux autres la possibilité de répondre à l’appel qu’ils ont reçu. 

Sœur Magdalen, du Monastère de Saint Jean-Baptiste (Essex, Angleterre), nous a introduit à la spiritualité de Saint Silouane, un moine du mont Athos décédé en 1938, qui a vécu la béatitude de la paix en enseignant et vivant l’amour des ennemis. Celui-ci voit un lien entre la paix, l’amour des ennemis et l’humilité. « L’âme de l’homme humble est comme la mer ; si l’on jette une pierre dans la mer, elle trouble pour un instant la surface des eaux, puis s’enfonce dans les profondeurs ».

 

La paix, fruit de la prière

Plusieurs ont (re)découvert la beauté des offices et de la liturgie orthodoxe dans la vieille église au centre du monastère avec ses fresques qui évoquent ceux qui ont aimé le Seigneur avant nous. Nous sommes entourés de « cette nuée de témoins » qui nous encourage (Hébr 12,1). Les autres lieux nous ont aussi parlé, comme la cathédrale orthodoxe de Sibiu et l’Église catholique sur sa Grande Place, où nous avons vécu l’eucharistie. 

La liturgie protestante vécue en plein air dans la clairière du monastère nous a touchés par la qualité spirituelle qui s’y exprimait. Il est heureux qu’un frère orthodoxe ait souligné la beauté de cette liturgie.

Les moments de célébrations étaient riches de diversité. Ils nous ont rassemblés dans l’unité de la foi au Christ confessé dans le Credo de Nicée-Constantinople, dont nous allons commémorer les 1700 ans de sa promulgation, en 2025. De même, les temps de Lectio divina sur la première lettre de Jean ont donné du goût à nos rencontres en faisant le lien entre notre foi et nos chemins de vie. J’en étais un des animateurs.

La référence à la Parole de Dieu est centrale, car à travers elle le Christ nous parle. Le but de la lectio est de le rencontrer et de lui dire « tu » dans la prière. Et c’est lui qui nous unit. Dans ces moments, nous avons aussi pu « parler en Je » et nous encourager réciproquement par des prières spontanées.

Certes, nous avons ressenti la douleur d’une communion eucharistique imparfaite, mais nous nous sommes rappelés que les murs ne vont pas jusqu’au ciel. Malgré cela, nous avons pu partager tant de belles choses et avons été encouragés à faire des pas en avant.

Nous avons aussi été heureux de la participation de plusieurs jeunes, mais sommes conscients de la nécessité d’élargir la rencontre encore plus à une nouvelle génération.

Après ces jours bénis, nous sommes repartis le coeur rempli de paix, de joie et de reconnaissance d’appartenir au même Corps du Christ. Nous espérons que cette belle histoire de Synaxe continue, comme Dieu le veut.

 

Lire ici la chronique complète de cette rencontre : https://www.hoegger.org/wp-content/uploads/2024/07/Article-Brancoveanu-long.pdf

Article sur la rencontre des 50 ans de Synaxe en 2022 : https://www.cath.ch/newsf/depuis-50-ans-la-vie-consacree-au-service-de-lunite-des-chretiens/

Site internet de Synaxe : https://eiir.wordpress.com/