Mise au monde
« Faites tout ce qu’il vous dira » Jean 2,5
Il y a des paroles qui font naître l’autre, dans la confiance, qui initient un commencement, qui provoquent un nouveau champ de possibles ; il y a aussi des paroles, qui blessent, qui ferment, enferment et obturent l’autre, sans possibilité d’avenir.
La parole de la mère de Jésus à ceux qui l’entourent, lors des noces de Cana, a la force d’une mise au monde, sans forceps, telle une proposition audacieuse et décalée. Car lui vient de la rabrouer en lui disant de se mêler de ses affaires à elle, plutôt qu’à lui. Sempiternelle tension intra-familiale, où le parent tente une parole qui n’est pas reçue, ni comprise, alors que l’enfant attend quelque chose qui ne vient pas et qui peut le.la laisser en déshérence. Contretemps, qui vont creuser les malentendus, nourrir l’agressivité et les ressentiments.
Là, sa mère ne se laisse pas démonter, car elle sait, elle a vu qui il est, mais elle n’a pas besoin de lui prouver qu’elle a raison et qu’il devrait l’écouter. Elle parle à d’autres, tout en disant à son enfant qu’elle le sait capable de se lancer dans sa mission de fils de Dieu. Et sur sa parole à lui, l’eau se change en vin. Sa mère l’incite et l’autorise, sans lui faire violence, ni le réprimander. Un art parental, qui devrait nous inspirer.
Si les liens familiaux dans les Évangiles sont chargés d’ambiguïtés, si Jésus a l’audace de définir un nouveau type de famille autour de lui, non plus clanique, ethnique, étroitement religieuse, mais de libre affiliation de cœur et d’esprit, il demeure néanmoins que la famille de Jésus reste une donnée à prendre en compte. Car il est bien né et a grandi dans une famille humaine, pétrie d’amour et de contradictions, berceau de son être au monde et premier lieu d’apprentissage de son métier d’homme.
Et si la part d’aliénation est présente dans nos liens familiaux, la part d’édification qu’ils apportent est aussi source de ce que nous devenons et de ce que nous transmettons aux autres.
Que nos paroles portent la vie et la libération de ce qui est encore enfoui chez l’autre !
Que notre vie accueille le regard et la parole d’autrui, même maladroite !
Que nos liens familiaux, amicaux et communautaires grandissent en confiance, terreau de la vie de Dieu !