Une pérennité peut en cacher une autre
Après une vague de licenciements de journalistes en 2016, Tamedia vient d'en décider une autre, plus importante encore. Comment comprendre cela ? La question est douloureuse pour les personnes licenciées qui se sont investies à fond dans leur travail avant de se faire jeter. Elle se pose aussi pour tous les habitants [1] de notre pays. Comment faire fonctionner une démocratie avec des médias qui rétrécissent comme des peaux de chagrin ?
Pendant longtemps, les médias ont été considérés comme un quatrième pouvoir indispensable pour équilibrer les trois autres, l'exécutif, le législatif et le judiciaire. Pour jouer son rôle, ce quatrième pouvoir a besoin de professionnels qui vérifient les informations, les analysent et font connaître des points de vue divers, permettant ainsi à chaque citoyenne et à chaque citoyen de faire ses choix. Aujourd'hui, les médias privés jouent de moins en moins ce rôle. Quant aux médias publics, ils sont menacés par une nouvelle baisse de la redevance radio-TV.
Alors, comment comprendre la stratégie de Tamedia ? Cette entreprise serait-elle en perdition ? Pas du tout : sur son site, elle indique 100 millions de bénéfices pour l'an dernier ! Les perspectives sont encore meilleures pour cette année. Suite à une lettre ouverte du Mouvement chrétien citoyen qui l'interpellait au sujet de sa stratégie, Tamedia a répondu :
" Les mesures d'économies au centre de vos préoccupations ont pour but de permettre à nos marques romandes de retrouver une structure de coûts adaptée à leur marché et donc pérenne, condition indispensable à leur indépendance éditoriale. "
Une telle phrase mériterait le prix Pinocchio s'il existait ! Si Tamedia recherchait vraiment une rentabilité pérenne dans son activité journalistique, cette entreprise florissante investirait dans des publications électroniques de qualité, avec l'aide de tous ses journalistes plutôt que sans une partie importante d'entre eux !
En fait, la seule chose pérenne dans sa stratégie est la recherche du profit à court terme. En sacrifiant tout sur l'autel du profit rapide, Tamedia sacrifie ses responsabilités d'employeur et d'éditeur. Une telle manière de faire revient à diviniser une logique marchande à courte vue. On le voit : servir le dieu Mamon n'a rien d'anodin.
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Une soirée publique a eu lieu à Lausanne le 22 novembre sur le thème
Le moteur des médias : l’argent ou l’information ?
Avec :
Caroline Gebhard journaliste, présidente d’impressum Vaud
Jacques Pilet journaliste
Michel Kocher théologien et journaliste
Raphaël Pomey journaliste, rédacteur en chef du magazine Le Peuple
Shafique Keshavjee théologien et écrivain
Le compte rendu de cette soirée - vraiment exceptionnelle - est disponible sur le site du Mouvement chrétien citoyen
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[1] femmes et hommes : avec certains linguistes, je considère le " masculin " pluriel comme un neutre.