Sacerdoce et ministères: à distinguer

i
[pas de légende]

Sacerdoce et ministères: à distinguer

3 juillet 2023

Lors du dernier Synode de l'EERVaudoise, on a eu, une fois de plus, de la peine à distinguer sacerdoce et ministère1. Au nom du sacerdoce universel, on a défendu l'idée que seul les diacres et les pasteurs ne devraient pas exercer un ministère permanent ou semi-permanent dans l'Eglise, mais qu'il faut inventer d'autres ministères. L'argument en faveur de cet élargissement était le sacerdoce universel. Si je suis personnellement pour la diversification des ministères et ai milité depuis longtemps pour que l'on ait des prédicateurs laïcs dans l'EERV, je crois qu'il ne faut pas confondre sacerdoce et ministère tant pour le bien du sacerdoce universel que pour celui des ministères !

Appelons donc un chat, un chat. Le sacerdoce est l'office du prêtre. Dans toutes les religions qui ont des prêtres, ceux-ci font office d'intermédiaire entre la divinité et les humains ainsi qu'entre les humains et la divinité. On part du constat que la divinité n'est pas immédiatement accessible. On pense parfois que le commun des mortel n'est pas assez pur pour y avoir accès. Ou bien on imagine qu'il faut un savoir ou des aptitudes particuliers pour entrer en communication avec elle. Bref ! le prêtre permet de connaître ce que désire la divinité et permet d'obtenir d'elle ce que l'on désire. Ainsi dans le catholicisme ou l'orthodoxie, le prêtre est un être séparé du reste de l'humanité pour offrir le sacrifice de la messe et plus largement pour administrer les sacrements. En principe il connaît aussi la juste doctrine et on peut le consulter pour savoir ce qu'il est juste de penser et de faire aux yeux de Dieu.

Lors des Réformes protestantes, on a décidé de prendre très au sérieux certains textes bibliques qui affirment que les croyants sont un peuple de prêtres (I Pierre 2,9s.par exemple ; cf. Exode 19,6). En protestantisme, tous les croyants sont donc des prêtres. Ils n'ont besoin d'aucun intermédiaire entre Dieu et eux. Au travers des Ecritures, ils peuvent entendre Dieu leur parler, connaître sa volonté, avoir des points de repère pour réinterpréter leur situation. Ils peuvent aussi prier Dieu, se confier à lui, lui avouer directement leurs fautes sans intermédiaire comme des saints ou des prêtres. C'est ce que l'on appelle le sacerdoce universel.

A quoi servent alors les ministères dont les Eglises protestantes se dotent ? Ne sont-ils pas superflus ? Non ! Mais il faut d'abord bien comprendre ce dont il s'agit quand on parle de ministères. Etymologiquement, ministère signifie « service ». Les ministres sont au service de la proclamation de la parole de Dieu dans la communauté. Certes tout chrétien doit proclamer la parole de Dieu en paroles et en actes. Certes tout croyant doit être au service de ses frères et sœurs en Christ, comme de tous ses frères et sœurs en humanité. Il se trouve cependant que certains de ces prêtres ont un « charisme » ou don particulier. Certains sauront mieux que d'autres transmettre la parole de Dieu aux enfants ou aux adolescents. D'autres auront développé par un travail acharné leur intérêt pour l'interprétation de la Bible. D'autres auront le charisme d'organiser la communauté, d'autres auront celui de la prédication, d'autres de la visite des malades, etc., etc... Car chaque prêtre, c'est-à-dire chaque croyant possède un ou des charismes.

Comme on le sait, très vite dans les premières communautés chrétiennes, des divergences de point de vue sont apparues. Une communauté a beau être pluraliste, il est difficilement concevable que celui qui enseigne les enfants dise des choses incompatibles avec celui qui interprète la Bible pour leurs parents... Les Eglises ont donc estimé qu'un certain ordre devait régner en leur sein. Pour qu'existe une certaine unité doctrinale, on a envisagé de donner plusieurs responsabilités à une seule personne ou a un petit nombre de personnes formées et choisies pour cela. L'idée n'était pas d'empêcher les autres charismes de servir Dieu et la communauté. Mais de fait quand des permanents ou semi-permanents ont été rémunérés pour cumuler plusieurs ministères, l'idée que chacun avait au moins un charisme et une responsabilité de transmettre l'évangile s'est estompée. L'importance des ministères permanents s'est aussi accrue dès lors qu'on a décidé de les consacrer – c'est-à-dire de les mettre rituellement à part – pour ce service. Pour des questions d'ordre dans l'Eglise, on a aussi décidé que seuls ces ministres consacrés avaient le droit de célébrer les sacrements. De fil en aiguille on a sacralisé les permanents ou semi-permanents rémunérés par les Eglises. On s'est mis à les considérer comme des « prêtres », ce qui a fait perdre aux autres croyants l'idée et la responsabilité non seulement qu'ils ont charismes et responsabilités, mais qu'ils sont eux-mêmes des prêtres ! Cette pristinisation des ministres leur a par ailleurs donné du pouvoir, ce qu'en général les pécheurs que nous sommes ne refusons pas.

Et lorsque les Réformes protestantes ont eu lieu, on a bien tenté d'appeler pasteurs et plus prêtres les permanents des Eglises. Bien vite on cependant considéré les pasteurs comme les équivalents de prêtres (excepté qu'ils peuvent se marier...). Le sacerdoce universel redécouvert par les Réformes est très vite passé à la trappe.

L'argument en faveur d'une plus grande diversité de ministères dans nos Eglises ne doit donc pas être le sacerdoce universel. En effet, les ministres ne sont pas plus prêtres que n'importe quel croyant. L'argument doit être la mise en valeur des nombreux dons que Dieu faits aux membres de nos communautés. Or ces dons sont mis sous le boisseau parce qu'on a sacralisé les ministères consacrés.

N'ayons cependant pas trop de crainte. A la vitesse où se développe la déchristianisation de notre société, il n'y aura bientôt plus assez d'argent pour rémunérer des permanents ou semi-permanents. Il faudra que les Eglises comptent sur des serviteurs et servantes de la parole de Dieu et de la communauté qui gagneront leur pain en dehors de l'Eglise, comme le faisait l'apôtre Paul. Ce sera une chance pour que les charismes soient de nouveau mis en valeur. Ce sera aussi un danger pour l'unité de l'Eglise, car celui qui enseigne les enfants risque de dire des choses incompatibles avec celle qui interprète la Bible pour leurs parents... Mais ce danger n'existe-t-il pas déjà dans les Eglises actuelles ?...

1« Une urgence première est identifiée : l’ouverture de l’horizon des métiers d’Église trop souvent limités aux deux ministères consacrés (pastorat et diaconat). Permettre aux personnes souhaitant s’impliquer en Église d’y trouver une place selon leur vocation, leur formation et leurs compétences, en lien avec les exigences de la mission. Une façon également de renouveler et incarner le sacerdoce universel. » EERVFlash No 386

partager ce contenu reformes.ch sur Facebookpartager ce contenu reformes.ch sur Twitterpartager ce contenu reformes.ch par email