Courir en arrière

i
[pas de légende]

Courir en arrière

Philippe Nicolet
4 juin 2023
L’importance de garder un message clair et assumé, avec le pasteur retraité Philippe Nicolet. Un billet paru dans le Journal du Jura, le samedi 3 juin.

Après Pentecôte vient le temps de l’Eglise. C’est elle, en effet, qui, à la suite de premiers apôtres, est appelée à devenir, témoin du Christ « jusqu’aux extrémités de la terre ». Et c’est donc elle aussi qui se voit promettre une puissance, celle du Saint-Esprit, pour accomplir sa tâche : proclamer l’Evangile.

Et c’est précisément là qu’une confusion peut s’établir : la confusion entre une puissance promise et une puissance qui pourrait être exercée sur autrui. La puissance promise et donnée à l’Eglise ne lui donne pas le droit de vouloir s’imposer, par tous les moyens possibles, à une humanité qui aurait besoin d’accéder enfin à une vérité qu’elle ignore ou dont elle s’est détournée.

Mais si l’Eglise n’a pas à céder à des rêves de domination au sein du monde, elle n’a pas non plus à se laisser aller à l’accablement ou encore à la peur, quand ses rêves de réussite ou de reconquête sont déçus. L’Eglise n’a pas à se laisser aller à une agitation un peu désordonnée et angoissée pour tenter de gagner à tout prix celles et ceux qui se sont égarés loin d’elle. Mais, aujourd’hui, l’Eglise n’a pas non plus à se condamner au silence par crainte de déplaire aux autorités qui lui assurent encore un soutien lui permettant de subsister.

Comme l’a écrit le théologien Gerhard Ebeling, dans une prédication prononcée dans l’Allemagne de 1942, « L’espérance chrétienne ne court pas […] dans l’avenir, en espérant que Dieu donne une fois encore des temps meilleurs […] où, une fois encore, succès et victoire seront donnés en partage à la chrétienté. L’espérance chrétienne court en arrière, elle court à l’unique victoire remportée […], elle court en arrière à Jésus-Christ ». C’est en lui seul que l’Eglise trouve la certitude qui lui donne le courage de continuer à être témoin de l’Evangile: la certitude que Dieu est fidèle en dépit de toute infidélité et qu’il tient à son Eglise plus fortement que celle-ci ne peut tenir à lui.