Celle que Jésus n'a pas condamnée

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[pas de légende]

Celle que Jésus n'a pas condamnée

Par Sandrine Landeau
24 janvier 2023

 

- Mamie, tu nous raconte une histoire ? S’il te plaît…

- Oh oui Mamie, une histoire ! Celle du jour où tu as rencontré Jésus !

Pendant que les deux petites la supplient, se redressant sur leur lit, la vieille femme s’assied sur l’escabeau à côté du lit des enfants, comme chaque soir. Elle cherche une position confortable, ses genoux la font souffrir depuis quelques temps. Les petites s’impatientent :

- Mamie, l’histoire de Jésus, l’histoire de Jésus !

- Doucement, doucement, je vais vous la raconter, mais d’abord, laissez-moi respirer un peu et couchez-vous dans votre lit. Voilà… fermez les yeux… et maintenant respirez tranquillement.

Elles se tortillent sous les couvertures pour trouver la meilleure position, sous le regard plein de tendresse de leur aïeule. Quand la respiration des petites ralentit, elle commence :

- Tout à commencé bien avant le jour de la rencontre. Et tout a continué bien après ! Mes parents m’ont fiancée très jeune à un homme beaucoup plus âgé dont la première épouse était morte en couche. J’étais à peine plus âgée que toi Myriam quand je suis allée vivre chez lui, j’avais 14 ans. Il n’était pas méchant. Il ne m’a même jamais battue, ce qui est rare !

- Papa il bat jamais Maman non plus !

- J’espère bien qu’il ne la bat pas ! Ton grand-père ne m’a jamais battue non plus et il lui a enseigné le respect des femmes ! Mais laisse-moi raconter mon histoire. Marc n’était pas violent donc. C’était un homme gentil, calme, travailleur, honnête. Mais il avait 36 ans et moi 14… Nous n’avions pas grand-chose en commun. Il attendait de moi que je tienne sa maison et que je lui donne des enfants, ce que sa première femme n’avait pas eu le temps de faire. Pour le reste, il était très occupé à son commerce et nous vivions des vies parallèles. Ça a duré trois ans comme ça.

Et puis j’ai rencontré Matthias. Sa famille venait de s’installer à Jérusalem, son père était forgeron. Matthias apprenait le métier avec lui. Ce jour-là Marc m’avait chargée d’aller récupérer un lot de clous qu’il avait commandés et c’est Matthias qui m’a reçue. Il avait 18 ans, moi 17, il était beau, séduisant… Matthias n’était pas très assidu à la forge, il saisissait toutes les occasions de sortir dans la rue ou sur le marché, de discuter sur la place. Toutes les filles du quartier se pâmaient devant lui et lui jouait un peu avec toutes, il faut bien le dire. Il a joué avec moi aussi, à coup de sourires enjôleurs, d’effleurements, de petites conversations d’abord anodines puis plus coquines. J’étais jeune ! J’ai cru qu’avec moi c’était différent, que j’avais une place particulière pour lui, que je comptais.

Je savais que je risquais gros, plus gros que lui, mais j’étais amoureuse... J’y croyais, qu’on s’enfuirait ensemble, loin, très loin, et qu’on recommencerait tout à zéro… Dans mes rêves tout était prêt, même la liste des affaires que j’emporterais ! J’étais un peu désolée pour Marc, qui était un brave homme, mais je n’en pouvais plus de cette vie étriquée, sans amour vrai, simplement de l’amitié et du respect. J’étais vraiment jeune, je ne savais pas la valeur inestimable de l’amitié et du respect dans un couple !!

Un jour, Matthias m’a donné rendez-vous dans le bosquet juste à la sortie de la ville. Pour moi, c’était comme une déclaration d’amour : j’étais sûre qu’il voulait me dire qu’il m’aimait, qu’il voulait qu’on parte tous les deux, qu’on devait s’organiser. J’y suis allée, toute heureuse de cet avenir nouveau, mon cœur chantait de bonheur ! Quand on s’est retrouvés, il m’a attrapée par la taille et il m’a embrassée. C’était la première fois et j’ai cru que mes jambes allaient fondre. C’était tellement… ça ne ressemblait à rien de ce que je connaissais avec Marc ! Des papillons semblaient courir sous ma peau. Et puis il m’a serrée plus fort, il m’a dit qu’il m’aimait, qu’il voulait me le montrer, et il a passé ses mains sous mes vêtements. Ma peau s’est enflammée et je crois que je n’avais plus toute ma tête.

Soudain il y a eu un grand bruit dans les feuillages, et un cri : « Matthias ! Qu’est-ce que tu fais ?!! Sors de là immédiatement ! » C’était son père, qui était parti à sa recherche. Il était furieux ; je crois que j’ai rarement vu quelqu’un aussi en colère. Il a attrapé Matthias par le bras, l’a secoué rudement, en lui hurlant sa déception et sa colère à la figure. Quand il s’est tourné vers moi, j’ai senti son mépris m’écraser. « Quant à toi… Marc ne mérite pas une telle infamie ! » Avant qu’il ait pu en dire plus, trois hommes du quartier ont surgi à leur tour, alertés par les éclats de voix. Je ne sais pas si le père de Matthias avait eu l’intention de nous dénoncer publiquement, mais là c’était fait. Quand les trois hommes ont compris ce qui se passait – il ne leur a pas fallu longtemps ! – ils se sont mis à hurler : « adultère, adultère !! ». Ils m’ont saisie par les bras pour que je ne bouge pas, mais il n’en avaient même pas besoin, j’étais clouée sur place, sidérée. Deux minutes plus tôt j’étais dans les bras de Matthias, tremblante de joie et d’amour, et maintenant nous étions découverts, au centre d’un cercle qui allait en s’élargissant rapidement. La foule grondait, des cris s’élevaient sans cesse : « adultère », « traînée », « putain », « qu’on les lapide », « lapidation ». Ce dernier cri a vite été repris par un nombre toujours plus grand de personnes dans la foule. Je ne voyais devant moi que des visages déformés par ce cri et mes oreilles teintaient. Dans ce maelström, j’ai cherché le regard de Matthias et j’ai lu la peur dans ses yeux. Et tout à coup, il a tordu son bras pour se dégager, bousculé son père en le jetant à terre et s’est enfui en courant.

- Il t’a laissée toute seule ?!!

- Oui, il m’a laissée toute seule. Il est parti sans se retourner, sans rien dire. Il ne s’est pas soucié de ce que j’allais devenir et il juste a couru plus vite qu’il n’avait jamais couru et que je n’ai jamais vu courir quelqu’un depuis. Mon cœur s’est brisé en une fraction de seconde. Il avait emporté dans sa fuite tous mes rêves, tous mes désirs, tout l’élan de mon amour. La foule grondait plus fort. Certains se sont lancés derrière lui, mais son père s’était blessé dans sa chute et la confusion les a ralentis, permettant à Matthias de prendre une avance confortable.

C’est alors que sont arrivés quelques pharisiens, des maîtres de la loi. Leur présence a calmé un peu la foule. Les gens ont l’habitude de leur obéir. Les pharisiens ont demandé ce qui se passait et quand ils ont été mis au courant, ils se sont regardés un moment en silence et le plus âgé a dit tranquillement : « Cette catin mérite la mort, la lapidation sera son châtiment. » Hurlements d’approbation de la foule et geste d’apaisement du pharisien. « Mais avant, nous allons soumettre son cas à ce type, ce Jésus, qui se prend pour un grand rabbin et qui ne cesse de remettre en cause la Loi au nom de l’Amour. Devant un cas aussi clair, il sera obligé soit de comprendre son erreur et de revenir à la Loi, soit de manifester à tous son égarement. »

C’est comme ça qu’ils m’ont emmené devant Jésus.

- Tu le connaissais déjà Jésus ?

- Non, pas du tout. Je savais qu’il était en ville depuis quelques jours. On parlait beaucoup de ce maître de la Loi un peu excentrique, parfois avec mépris, parfois avec reconnaissance. Moi, je ne m’étais pas tellement intéressée à lui, je n’avais que Matthias en tête tous ces jours-là. Et puis Marc se tenait plutôt à distance des affaires religieuses, et je faisais comme lui.

Quoi qu’il en soit ce jour-là j’ai été emmenée devant lui. Traînée plutôt : j’étais tellement sonnée par ce qui venait de se passer que je ne savais presque plus marcher et il fallait me tenir pour que je ne tombe pas. La foule m’entourait, hurlant toujours, mais je n’entendais plus, je ne voyais plus…

- Personne ne t’a défendue ? Où étaient tes ami.es ?

- Je ne sais pas… je ne sais plus… j’étais comme retirée loin à l’intérieur de moi, je ne reconnaissais plus personne, tout était flou autour de moi. La seule chose nette dont je me souviens, c’est du visage de Marc qui a surgi à un moment au milieu de cette marée floue. Vu l’ampleur qu’avait prise la foule, il avait dû sortir voir ce qui se passait. Quand il m’a regardée, il y avait des larmes dans ses yeux… et puis on m’a tirée et son visage a disparu. Je ne sais pas ce qu’il a fait après, je ne l’ai plus revu.

On a fini par arriver sur le Mont des Oliviers où se tenait Jésus, avec quelques proches. Quand on a débouché devant eux, j’ai été poussée en avant et je suis tombée à ses pieds. La foule hurlait toujours : « adultère », « qu’on la lapide », « putain » !! Et moi je suis restée là, prostrée par terre et il me semblait impossible d’en bouger. Le sol sous mon corps était la seule chose restée solide dans ma vie, le seul élément auquel me raccrocher. J’ai fermé les yeux pour ne plus rien voir, mais l’image de Mathias s’enfuyant sans se retourner dansait sous mes paupières, brûlant mes yeux. Je me suis repliée, j’aurais voulu disparaître. Je sentais au déplacement des cris que la foule formait maintenant un cercle autour de moi. Et puis les cris se sont calmés et l’un des pharisiens a demandé d’une voix satisfaite : « Maître, cette femme a été prise en flagrant délit d’adultère. Dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider les femmes comme elle. Toi, que dis-tu ? »

C’est là seulement que des larmes ont commencé à couler de mes paupières. Tous mes rêves, tout mon amour, tous mes élans… résumés à ça : un cas à soumettre pour juger de l’interprétation de la Loi d’un type que je ne connaissais pas. Je n’étais que ça : un cas, une chose, un instrument. Je n’attendais rien. La mort serait peut-être une délivrance de cette absurdité.

Seul le silence a répondu au pharisien.

Un silence qui a pris de l’ampleur. Comme une bulle de douceur après la violence des hurlements des minutes précédentes. J’ai rouvert les yeux pour voir celui qui pouvait maintenir un tel silence. À ma grande surprise il était assis, à ma hauteur, et il traçait des choses dans le sable devant lui en me regardant. C’était la première fois que je croisais son regard. Un regard si doux et si dur à la fois… un regard qui te voit vraiment telle que tu es. Le temps s’est arrêté. Sous son regard je redevenais quelqu’un, une humaine.

« Toi, que dis-tu? » La voix du pharisien a claqué, violente cette fois. Le silence brisé a été aussitôt balayé par le cri « lapidation » repris par les bouches déformées des hommes. Jésus m’a fait un doux sourire, et il s’est relevé lentement. Les cris se sont tus. Cet homme avait une présence incroyable ! Il les a regardés, sans se presser et il a dit : « que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre. » J’ai cru mourir de rire intérieurement, malgré la gravité de ma situation : il ne manquait pas de culot !! Et puis il s’est de nouveau baissé, il m’a fait à nouveau ce sourire – et peut-être que j’ai rêvé ce clin d’œil – et il s’est remis à écrire dans le sable. De nouveau, une bulle de silence. Douce, confortable. Je ne regardais que lui. Je le trouvais incroyable. Sa présence entière, juste, tranquille, reconstruisait quelque chose à l’intérieur de moi. Moi qui quelques minutes plus tôt attendait la mort presque comme une délivrance, moi dont le cœur, les rêves et la vie étaient brisés, je ne le quittais pas des yeux, et c’était comme si je buvais sa présence et que ça présence me rendait à la vie. Le temps était suspendu. Sans savoir comment, ni au bout de combien de temps, je me suis retrouvée debout devant lui, toujours accroupi à tracer des lignes dans le sable. Le silence toujours. Le temps suspendu encore pour un instant. Le souffle qui se déployait en moi était comme la première inspiration du nouveau-né, comme si je n’avais jamais respiré auparavant.

Il a levé la tête vers moi, il a regardé autour de nous. Moi aussi. Nous étions seuls. Je ne sais pas quand ni comment les autres sont partis, tous. Même ses amis. Nous étions seuls au monde.

À nouveau il m’a regardé et m’a souri : « eh bien, où sont donc passé tes accusateurs ? Personne ne t’a condamnée ? »

Pour la première fois depuis que le père de Mathias nous avait surpris, la parole m’est revenue : « Personne Seigneur ! »

- Pourquoi tu l’as appelé Seigneur ?

- Je ne pouvais pas l’appeler autrement. Je ne sais pas… il était tellement… tellement là ! Comme si rien d’autre au monde n’existait que cet instant, ce lieu, et moi en face de lui. Et face à lui j’étais là aussi. Je ne peux pas mieux dire. Sa présence convoquait la mienne, et c’était comme si je n’avais jamais été vraiment là avant cet instant…

 

Le silence s’éternise. La femme est loin, très loin. Myriam la rappelle :

- Mamie ? Tu es avec nous ?

- Oh oui ma chérie, je suis là avec vous. Depuis cette rencontre, il m’arrive de temps en temps de retrouver cette qualité de présence-là et c’est le plus souvent avec vous !

- Et après, qu’est-ce que tu as fait ?

- Moi rien, mais lui il m’a dit encore une chose : « Je ne te condamne pas non plus. Va désormais, et ne te trompe plus de cible. »

- Quelle cible Mamie ? Tu n’avais rien visé !?

- Oh si ! J’avais visé un rêve d’amour dans les bras de Mathias, comme si c’était lui qui me donnerait la vie. J’avais visé l’amour et la vie, mais j’étais tombée bien loin de la cible.

- Des fois on comprend pas ce que tu racontes Mamie ! On ne vise pas la vie, on la vit c’est tout !

- Tu as raison, mais ce sont les choses les plus simples qui deviennent parfois les plus compliquées quand on grandit. J’avais perdu la capacité de « vivre la vie et c’est tout » depuis déjà longtemps à ce moment-là. Toi j’espère que tu ne la perdras jamais ! Mais si tu la perds, sache qu’on peut la retrouver, je l’ai retrouvée.

- Hmmm… Et après Mamie ?

- Après je suis partie. J’ai marché droit devant moi. J’avais dans tout l’être cette sensation de respirer enfin à nouveau après une apnée immensément longue, j’avais au cœur la douceur du regard de Jésus, mes pas foulaient l’amplitude du silence qu’il m’avait offert, et cet encouragement à mieux viser à l’avenir. J’ai marché sans m’arrêter jusqu’à la nuit. Je me suis couchée là où j’étais, tout simplement. Et j’ai dormi. Au matin, ce sont les chants des oiseaux qui m’ont réveillée. J’ai bu au ruisseau et j’ai regardé le monde comme s’il était neuf. Je ne voulais plus retourner à ma vie d’avant. Marc, Mathias, tous ces gens, voisin.es, connaissances, ami.es peut-être qui avaient fait de moi une chose sans vie. La vie qui m’appelait était sur les chemins de cet homme qui m’avait relevée.

Je me suis rapprochée de la ville en réfléchissant. Je ne savais pas où aller, où le rejoindre, ni comment. Et puis tout à coup, en passant près d’une ferme, j’ai eu une idée folle. Il était encore très tôt et tout semblait calme. Je me suis glissée dans l’étable. J’y ai trouvé un couteau, avec lequel je me suis coupé les cheveux, et un vêtement d’homme que j’ai passé à la place de ma robe. Et je suis partie, en laissant ma robe en échange. Ainsi transformée je pouvais passer pour un jeune garçon. Dieu merci je n’avais pas beaucoup de poitrine et j’avais déchiré une bande du bas de mon nouveau vêtement pour la comprimer encore… Je suis rentrée en ville et je me suis dirigée vers le Temple : j’avais entendu dire que Jésus s’y tenait souvent et enseignait, et je voulais l’écouter encore. Je l’ai trouvé et je me suis jointe au petit groupe qui l’écoutait, sans trop m’approcher. A un moment il m’a regardée, comme il m’avait regardée la veille. Il a légèrement écarquillé les yeux… Je suis sûre qu’il m’a reconnue, ou au moins qu’il a su que je n’étais pas la personne dont j’essayais d’avoir l’air, mais il n’a rien dit. Je suis restée à Jérusalem à l’écouter, je faisais de menues course pour lui et pour son groupe d’ami.es, comme une sorte de commis. Quand Jésus est reparti sur les routes, je l’ai suivi. J’évitais soigneusement mon ancien quartier. Je ne parlais pas beaucoup, je buvais ses paroles et ses gestes, sa manière d’être. Quand il a été arrêté, j’ai su que c’était terminé, qu’il ne ferait rien pour éviter la mort dont il m’avait sauvée. Ce n’était pas son genre… J’étais ravagée ! J’avais cru en lui, en ces relations justes qu’il tissait avec chaque personne, en cet amour qu’il faisait circuler entre nous, en cette vie nouvelle qu’il m’avait donnée. Je ne pouvais pas croire qu’il ne serait plus là, plus jamais. Je ne voulais pas que tout s’arrête, et pourtant j’étais sûre que sans lui tout s’arrêterait.

 

Une suspension, un silence…

- Mamie ?

- Bon, cette histoire-là, je vous la raconterai une autre fois. En tout cas il y a eu des jours terribles où sa mort planait sur Jérusalem, m’écrasant comme elle écrasait toutes celles et ceux qui l’avaient côtoyé, écouté, aimé. Et puis une traînée de lumière qui s’est répandue parmi nous : il était revenu, vivant autrement, des femmes l’avaient vu, lui avaient parlé. Bientôt des hommes aussi l’ont vu, lui ont parlé. Ça donnait toute une autre force à ce que nous avions vécu avec lui ! La mort n’avait pas englouti son amour et la vie dont il nous avait parlé. Le Dieu d’amour qu’il parlait sans cesse avait choisi la vie, pas la vengeance ! J’ai vu celles et ceux qui l’avaient vu : une lumière les habitait, leur parole devenait Parole. L’amour qu’ils et elles avaient reçu se mettait à vivre et à rayonner à travers eux, à travers elles. Je l’ai senti en moi aussi : tout redevenait possible, une fois encore, à la lumière de cet amour retrouvé.

Je suis sortie de la ville et j’ai pris une décision : redevenir une femme et commencer à vivre comme il me l’avait demandé, comme il me l’avait montré. Je me suis rendue chez Marthe et Marie, des amies de Jésus que j’avais déjà rencontrées, et je leur ai tout raconté. Elles m’ont accueillie, vêtue à nouveau comme une femme et je suis restée chez elles le temps que mes cheveux repoussent. Je les aidais à tenir la maison, à cultiver le jardin, à cuisiner : il y avait beaucoup de travail car leur maison était une halte connue des personnes qui avaient été proches de Jésus, il y avait souvent de la visite. Et c’est comme ça que j’ai rencontré Jean, votre grand-père. Il venait de temps en temps, quand ses affaires le menaient à Jérusalem. Je l’aimais beaucoup, parce qu’il était doux et drôle, il voyait toujours le détail comique d’une situation, sans jamais rire contre les autres. J’aimais aussi sa façon d’aider les femmes, même pour des tâches qu’un homme évite en principe à tout prix. Et puis il était beau, ce qui ne gâchait rien ! Petit à petit il est venu de plus en plus souvent, il restait plus longtemps. Je n’osais croire que c’était pour moi, mais il a fini par me dire qu’il aimerait qu’on se marie. La suite, vous la connaissez un peu ! Alors bonne nuit.