Les Églises réformées face à leur communication
Les Églises réformées romandes savent-elles communiquer? Telle est la question à laquelle la Conférence des Églises réformées de Suisse romande (CER) a décidé de se confronter. Pour ce faire, elle a choisi de lancer un audit externe sur les questions relevant tant des besoins communs en matière de communication de ses six Églises membres, que de leur présence médiatique: avec d’une part le journal Réformés, et d’autre part les activités de son département médias Médias-pro (productions RTSreligion, agence de presse Protestinfo, portail Réformés.ch). Une réflexion de fond suscitée notamment par l’arrêt de la diffusion de l’émission Faut pas croire par la RTS en juin dernier, mais également en prévision du départ à la retraite de son directeur Michel Kocher, à l’été 2023.
Lundi 12 septembre, la 51e Assemblée générale de la CER, qui s’est tenue dans les locaux de la Paroisse de Villamont, à Lausanne, a été très largement consacrée à la présentation des premiers résultats de cette analyse, réalisée par un organisme externe et indépendant.
Diffusion inégale
Si l’étude indique «une présence médiatique permanente et attestée» des Églises réformées (partagée à parts égales entre la presse séculière et ses propres canaux), elle pointe comme faiblesses principales le caractère «confidentiel» de ses canaux digitaux, ainsi que l’absence de stratégie de communication commune. Quant à l’information, elle serait inégalement diffusée: le journal Réformés ne serait lu que par 27% des protestants, selon une étude sous-traitée par l’institut MISTrend, tandis que les contenus produits par les rédactions de RTSreligion et de Protestinfo bénéficient d’une «diffusion efficace».
Du côté de l’indice de réputation révélé par l’analyse de médiamétrie réalisée par l’Argus, les Églises réformées romandes présentent un score plutôt satisfaisant, avec un pourcentage de 81% de contenus jugés neutres, 16% de contenus positifs et seulement 3% de contenus négatifs – Protestinfo étant désigné comme «le principal producteur de contenus négatifs».
Information vs communication?
Naturellement, l’audit s’est également penché sur la répartition des ressources financières entre communication et information, une des tâches du mandat confié étant précisément d’évaluer le positionnement du «curseur» entre ces deux pôles. «La CER investit deux fois plus dans l’information que dans la communication», présente l’audit. Et de mettre à jour la tension parfois ressentie entre les besoins des Églises cantonales en matière de communication et la mission de service public donnée à ses rédactions, se devant d’être journalistiquement impartiales.
Au programme des pistes provisoires envisagées par l’organisme, «une stratégie de communication formalisée», la mise en place de projets «transversaux» (campagnes d’affichage, événements, etc.) ou encore la création d’une «newsroom», soit la fusion entre le journal Réformés et l’agence de presse Protestinfo.
Divergences d’opinion
Suite à la présentation de ces résultats, les délégués des différentes Églises cantonales ont été invités à faire part de leurs premières impressions à chaud, à titre purement indicatif. En ressortent des opinions très diverses, à l’image des réalités de terrain contrastées entre les Églises membres de la CER.
Du côté de Neuchâtel, Yves Bourquin, président de l’Église réformée évangélique cantonale (EREN), adhère par exemple à l’idée d’un «rééquilibrage entre l’info et la com», mais s’interroge sur la possibilité d’une fusion entre «des médias qui doivent courir après un autre but». Quant à Silvano Keller, président du Conseil du Synode jurassien, il s’annonce plutôt défavorable à une telle fusion «par crainte de la centralisation», une préoccupation d’autant plus sensible «en tant que zone périphérique», exprime-t-il.
Si la délégation de l’Église évangélique réformée vaudoise s’exprime en faveur de la création d’une newsroom commune, elle repousse aussi bien la proposition de projets transversaux que le concept d’un événement romand. Alors que pour sa part, la présidente de l’Église protestante de Genève Eva di Fortunato se déclare convaincue que «l’on doit aujourd’hui créer des événements pour communiquer».
Un débat de fond
«On nous propose un vrai changement de paradigme: on parle de vendre notre produit qui est l’Église. Veut-on s’engager sur ce chemin?», réagit Stephan Kronbichler, vice-président de l’Église réformée évangélique du Valais. Et de résumer ainsi le choix qui se présente aux Églises réformées romandes: «Veut-on communiquer pour vendre, ou on fait ce qu’on a a toujours fait et on s’en tient là?»
Pour sa part, Michel Kocher exprime de la reconnaissance pour ce bilan nécessaire à ses yeux. «J’ai toujours dit qu’on ne donne pas assez de moyens à la com. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’on en donne trop pour l’info», souligne-t-il.
«L’occasion vous est donnée de repenser notre présence au monde», conclut alors Jean-Baptiste Lipp, président de la CER, qu’il avoue «interrogée et challengée» sur ces questions. «Je retiens le flou et la complexité de notre structure, soit la nécessité de travailler aujourd’hui à un dispositif qui nous redonne de l’élan.»
Vendredi 16 septembre, une demi-journée de travail est d’ores et déjà prévue entre les responsables de l’audit et le groupe de pilotage stratégique de la CER, afin de travailler sur la base de ces résultats et pistes initiales. Les propositions consolidées ainsi que la présentation du rapport final sont attendus pour la prochaine AG de la CER, qui aura lieu le 26 novembre.