Précarité dans le monde du travail
Dans son numéro de septembre, le magazine Réformés publie un dossier sur la progression de la précarité dans le monde du travail. Cinq articles intéressants, et un conte pour enfants, abordent différents aspects de ce thème important. Cette démarche est à saluer. Trop de gens souffrent dans leur travail ou du chômage d'une manière qui porte gravement atteinte à leur dignité. Ceci doit être mieux connu et le dossier de Réformés y contribue. Le sujet est en effet de première importance : le travail salarié occupe une part considérable de nos existences et ses dégradations portent atteinte à notre humanité.
La précarité grandissante du travail devrait nous pousser à nous interroger sur ses causes. Il serait peu lucide de les considérer comme extérieures à nous, comme si nous étions de simples victimes d'un destin injuste. Comme l'a montré Jean-Claude Guillebaud, notamment dans son ouvrage La force de conviction, nous nous sommes inclinés jusqu'à terre devant une divinisation du Marché qui dégrade aussi bien l'être humain que l'environnement.
La crise a, en effet, une dimension spirituelle qui a plusieurs aspects, notamment éthique : pour que le travail soit bien vécu, il faut un socle éthique accepté par ses différents acteurs. Sans cela, il devient un terrain où la seule loi qui règne est celle du plus fort. Ce socle éthique va de pair avec une recherche du bien commun qui, dans notre société, devra être défini dans un dialogue respectueux entre personnes de traditions religieuses diverses. Dans ce dialogue, nous n'avons pas de monopole, comme chrétiens, mais nous avons une contribution essentielle à apporter.
Ethique et bien commun renvoient à une dimension spirituelle, malheureusement guère présente dans le dossier de Réformés. Comme souvent dans le monde protestant, on reste ici prisonnier d'un clivage entre la semaine et le dimanche *. Un tel clivage n'est pas sans conséquences : il signifie, concrètement, que Celui que nous appelons le Seigneur ... n'a rien à dire sur une part essentielle de notre existence.
Nous avons à prendre au sérieux l'Incarnation, le fait que " La Parole a été faite chair " (Jean 1, 14) : en Jésus, Dieu nous a rejoints dans toutes les dimensions de nos vies, y compris le travail et ses souffrances. A Pâques, le Christ, le Crucifié-Ressuscité, nous a montré que, contrairement à toutes les apparences, la Vie est plus forte que la mort. C'est une formidable source d'espérance pour nous qui vivons dans un monde de destructions et de violences, y compris dans le monde du travail !
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* Voir mon livre Dis pourquoi tu travailles ? Ed. Ouverture 2012, pp. 11-19