Protestants, tous laïques?
Les propos de Martin Luther sont sans appel: pour le réformateur, tous appartiennent au même état ecclésiastique. Cela en raison d’un simple principe théologique, rappelle Michel Grandjean, professeur d’histoire du christianisme à l’université de Genève: «Tous les chrétiens reçoivent le même baptême, qui exprime la même grâce de Dieu pour tous.» D’ailleurs, souligne-t-il, la Réforme ne connaît pas de sacrement d’ordination qui accorderait à certains (les clercs) une grâce supplémentaire par rapport aux autres (les laïcs).
En théologie protestante, le rôle de pasteur ou de ministre n’est donc pas un état à part, supérieur, mais une fonction à exercer au service de la communauté. Au sein de laquelle chacun vit l’appel propre qui lui est adressé. Le ministre abandonne donc aussi son titre au moment où il rentre dans le rang.
Figures tutélaires
Pour Calvin aussi, les ministères sont seconds. Mais dans la compréhension du réformateur de Genève, «le pasteur occupe de fait une fonction prestigieuse, qui fait de lui un notable», observe Michel Grandjean. Pour ce dernier, il s’agit donc de relativiser la prétention non cléricale du protestantisme: «Certes, les pasteurs n’ont pas tous les pouvoirs dans l’Eglise (dans les synodes, ils partagent l’autorité avec des laïcs), mais ils demeurent des figures tutélaires importantes.»
La preuve? Jusqu’à il y a peu, l’annuaire de l’Eglise réformée de France dressait la liste non seulement des pasteurs en exercice, mais aussi des pasteurs retraités (qui ont donc quitté leur fonction), de même que celle des veuves de pasteurs. Un peu comme pour dire que, même après sa mort, on est toujours pasteur!