Ça peut toujours servir...
« La vie ne consiste pas dans l'abondance de biens » nous dit Jésus dans l’Évangile de ce jour (Luc 12 :13-21)
Cette histoire de l’homme riche qui n’a plus assez de place pour entreposer sa récolte nous est proposée alors que je vide ma cave de toutes les vieilleries que j’y ai accumulé. Quel fatras on peut accumuler !
Classer, trier, jeter et donner cela ne s’improvise pas. D’ailleurs une femme au foyer japonaise Marie Kondo, est devenu célèbre avec son livre La Magie du rangement qui explique comment ranger et se débarrasser de tout ce qui nous encombre.
Dans son émission de télé-réalité elle illustre sa méthode qui se concentre sur cette question : Quand je regarde cet objet est-ce qu’il me procure de la joie ?
Dans l'émission que j'ai regardée, une femme avait empilé tous ses vêtements sur son lit pour les trier. En voyant cette montagne de vêtement elle a réalisé qu'elle les avait achetés pour se venger de son mari dans une sorte de thérapie consumériste.
Alors qu'elle se tenait là à regarder cette montagne de vêtement, elle a réalisé qu’elle avait un problème.
La méthode Marie Kondo adresse notre rapport aux choses, et c’est un rapport important que Jésus adresse lorsqu'il dit que la vie ne consiste pas dans l'abondance de nos possessions. L’histoire commence par une demande : « Maître, dis à mon frère de partager son l'héritage avec moi. » Jésus s’arrête, se retourne et répond : « Ami qui m'a fait juge entre vous ? » puis il se retourne vers ses disciples et les met en garde : « Gardez-vous de toute forme de cupidité. «
Il n’y a qu’ici à l’église que vous entendrez ce message. Le matraquage publicitaire omniprésent et continuel va en sens inverse : Consommez, achetez, amassez, faites tourner l’économie, soutenez la croissance nous ordonnent les hommes et femmes politiques.
Notre culture de la consommation nous souffle que l’acquisition de biens comblera nos désirs les plus profonds.
Jésus dit non. Ce n'est pas vrai. La vie ne consiste pas dans l'abondance de biens.
Il pourrait le dire à cette femme avec sa montagne de vêtements empilés sur son lit. Comment as-tu pu te retrouver avec autant de vêtements, dont certains accrochés dans ton placard ont encore l'étiquette de prix toujours accrochée ? Parlons de tes achats compulsifs.
Revenons-en à notre pauvre homme riche. Quel péché a-t-il commis ? Aucun. Le texte dit sobrement que sa terre a produit en abondance.
Il n’a volé personne, n’a pas exploité ses ouvriers. Il a travaillé dur, les pluies sont tombées au bon moment...
Y-a-t-il un problème avec cela ? Certainement pas. Ce n'est que dans la section suivante que le problème apparait. Regardant sa montagne de céréales l'homme se demande ce qu'il va en faire: « Que devrais-je faire ? Car je n'ai plus de place pour stocker toute ma récolte. Je vais abattre ma grange et en construire une plus grande et j'y entreposerai tout mon grain et tous mes biens.
Avez-vous entendu ? Je, moi, mon. Il se parle à lui-même parce qu’il n'a personne à qui parler.
Notre homme n’est pas sans rappeler Molière qui met en scène la délirante passion pour l’argent d’Harpagon, Ce bourgeois parisien essaie de marier ses enfants contre leur volonté, afin de lfaire des économies sur le budget nourriture. Harpagon est amoureux de sa cassette, sacrifiant tout et tous pour amasser son cher argent. Quand il croit que sa précieuse cassette lui a été dérobée, Harpagon perd le peu de raison qui lui restait…
« Son avarice pousse à l’extrême une attitude qui vise à maximiser son intérêt personnel, voire à la cupidité puis à l’accumulation pour l’accumulation. Mais cet extrême est vide de tout sens, l’avarice asséchant tout autour de lui et en lui. Sa seule activité économique est de compter ses pièces ! Derrière cette folie, on décèle une peur immense de la perte. » Marie-Claire Villeval Directrice de recherche au CNRS, in La Croix
La cupidité est un péché et comme tous les péchés, elle nous sépare de Dieu et des autres. On finit tout seul, cela je l’ai constaté bien des fois dans mon ministère.
Et c'est pourquoi Jésus insiste : « Méfiez-vous de toutes les convoitises car la vie ne consiste pas dans l'abondance de biens. « Cet homme ne se méfie pas de sa propre avarice mais il se méfie de tous ceux qui pourraient lui prendre ce qu’il a.
« À voir le risque partout, on se surprotège jusqu’à fonctionner en circuit fermé, dans une peur permanente de l’autre, un protectionnisme délétère qui nous coupe des autres. « (M-C V) Comment peut-on être heureux ainsi ?
L’argent s’il ne circule pas assèche les relations, il perd sa fonction de mise en relation des individus entre eux.
Comme Harpagon cet homme n'a personne avec qui partager sa vie, personne avec qui partager ses biens.
L’histoire aurait pu se conclure différemment. Il aurait pu ouvrir grand les portes de sa grange et dire aux voisins : Venez, servez-vous, le Seigneur m’a béni et j’en ai de trop ! Venez partager ce que j'ai reçu !
L'histoire aurait eu une fin différente, n'est-ce pas ? Et même s'il était mort cette nuit-là, ne pensez-vous pas qu'il serait mort heureux ?
Derrière la mise en garde de Jésus il y a ceci : ta pile de vêtements ou de céréales cache ta peur de ne plus exister et elle finira un jour ou l’autre par te couper de ce qui importe le plus : ceux autour de toi.
Je sais ce que demanderait Marie Condo à cet Harpagon inventé par Jésus :
« Qu’est-ce qui te procurerait le plus de joie : Construire une plus grande grange pour amasser toujours plus de blé ou partager ce que tu as en trop avec ton voisin qui est dans le besoin ?
Vous connaissez la réponse.
Quant à nous, en cette période de vacances nous est donnée l’occasion de redéfinir nos perspectives et priorités, affiner nos choix en visant l’essentiel et non l’accessoire.
Richard